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26/07/2023 | FRANCE | N°462549

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 26 juillet 2023, 462549


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mars et 1er décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu

les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule;

- la l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mars et 1er décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 dans sa rédaction issue de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a précisé les mesures de lutte contre l'épidémie de covid-19 à la suite de l'expiration, le 1er juin 2021, de l'état d'urgence sanitaire qui avait été déclenché en octobre 2020. Face à une situation sanitaire marquée par une circulation active du virus responsable de la covid-19 sur l'ensemble du territoire, cette loi a été modifiée par la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique afin d'autoriser le Premier ministre à prendre de nouvelles mesures dans l'intérêt, ainsi que le précisait le A du II de son article 1er, " de la santé publique, aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19 et si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, appréciées en tenant compte des indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d'incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation ". Cette loi a ainsi permis au Premier ministre, en application du 2° du A du II de son article 1er, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, de subordonner à la présentation, par les personnes âgées d'au moins 16 ans, d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, dit " passe vaccinal ", l'accès à certains lieux, établissements, services ou évènements.

2. Le requérant doit être regardé comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions du décret du 22 janvier 2022 modifiant le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, relatives à l'obligation de justification d'un " passe vaccinal " pour accéder à certains établissements, lieux, services et événements énumérés à l'article 47-1.

3. En premier lieu, aux termes du I de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021 : " Les personnes âgées d'au moins seize ans doivent, pour être accueillies dans les établissements, lieux, services et évènements mentionnés aux II et III, présenter un justificatif de leur statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2° de l'article 2-2. / A défaut de présentation d'un tel justificatif, l'accès à l'établissement, au lieu, au service ou à l'évènement est refusé, sauf pour les personnes bénéficiant d'un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l'article 2-2 ou justifiant d'une contre-indication médicale à la vaccination dans les conditions prévues à l'article 2-4. / Par dérogation, les personnes justifiant de l'injection depuis au plus quatre semaines d'une première dose de l'un des vaccins mentionnés au troisième alinéa du a du 2° de l'article 2-2 peuvent accéder aux établissements, lieux, services et évènements mentionnés aux II et III sur présentation du justificatif de l'administration de leur première dose et du résultat d'un test ou examen de dépistage mentionné au 1° de ce même article réalisé moins de 24 heures avant l'accès à l'établissement, au lieu, au service ou à l'évènement. Les dispositions du présent alinéa sont applicables aux injections intervenues au plus tard le 15 février 2022 (...). "

4. L'article 2-2 du décret du 1er juin 2021, dans sa rédaction résultant du décret attaqué, auquel renvoie son article 47-1, dispose que : " 1° Sont de nature à justifier de l'absence de contamination par la covid-19 un examen de dépistage RT-PCR ou un test antigénique d'un plus 72 heures dans les conditions prévues par le présent décret (...) 2° Un justificatif du statut vaccinal est considéré comme attestant d'un schéma vaccinal complet : a) De l'un des vaccins contre la covid-19 ayant fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par la Commission européenne (...) / : - s'agissant du vaccin "COVID-19 Vaccine Janssen", 28 jours après l'administration d'une dose. Pour l'application de l'article 47-1 et, à compter du 30 janvier 2022, de l'article 49-1, les personnes ayant reçu le vaccin mentionné au présent alinéa doivent, pour que leur schéma vaccinal reste reconnu comme complet, avoir reçu une dose complémentaire d'un vaccin à acide ribonucléique (ARN) messager remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa du présent a entre 1 et 2 mois suivant l'injection de la dose initiale. Pour celles ayant reçu cette dose complémentaire au-delà du délai de 2 mois mentionné à la phrase précédente, le schéma vaccinal est reconnu comme complet 7 jours après son injection (...) / ; - s'agissant des autres vaccins, 7 jours après l'administration d'une deuxième dose, sauf en ce qui concerne les personnes ayant été infectées par la covid-19, pour lesquelles ce délai court après l'administration d'une dose (...) ; / b) D'un vaccin dont l'utilisation a été autorisée par l'Organisation mondiale de la santé et ne bénéficiant pas de l'autorisation ou de la reconnaissance mentionnées au a, à condition que toutes les doses requises aient été reçues, 7 jours après l'administration d'une dose complémentaire d'un vaccin à acide ribonucléique (ARN) messager bénéficiant d'une telle autorisation ou reconnaissance ; / 3° Un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 est délivré sur présentation d'un document mentionnant un résultat positif à un examen de dépistage RT-PCR ou à un test antigénique réalisé plus de onze jours et moins de six mois auparavant. Ce certificat n'est valable que pour une durée de six mois à compter de la date de réalisation de l'examen ou du test mentionnés à la phrase précédente. "

5. M. A... soutient, en premier lieu, que les dispositions du troisième alinéa du I de l'article 47-1, en tant qu'elles prévoient que, par dérogation, les personnes justifiant de l'injection depuis au plus quatre semaines d'une première dose de l'un des vaccins mentionnés au troisième alinéa du a du 2° de l'article 2-2 peuvent accéder aux établissements, lieux, services et évènements mentionnés aux II et III sur présentation du justificatif de l'administration de leur première dose et du résultat d'un test ou examen de dépistage mentionné au 1° de ce même article réalisé depuis moins de 24 heures, ont omis de préciser quel devait être le résultat du test et, par suite, imposeraient une obligation inutile et illégale, créant un prélèvement obligatoire de fait et empiétant ainsi sur le domaine de la loi, et méconnaîtraient la loi du 22 janvier 2022. Toutefois, il résulte des termes mêmes du 1° de l'article 2-2 du décret que l'examen de dépistage ou le test auquel il est fait référence a pour objet de s'assurer que la personne concernée n'est pas contaminée par la covid. Les moyens soulevés ne peuvent, par suite, qu'être écartés.

6. En deuxième lieu, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022, les dispositions de la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire citées au point 1 ne sauraient être regardées, eu égard à la nature des lieux et des activités qui y sont exercées, comme instaurant une obligation de vaccination. Elles opèrent une conciliation équilibrée entre, d'une part, les droits et libertés constitutionnellement garantis que sont notamment la liberté d'aller et venir, le droit au respect de la vie privée, le droit de se réunir et le droit d'expression collective des idées et des opinions et, d'autre part, l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé. Il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions attaquées constitueraient une obligation vaccinale déguisée et porteraient par conséquent une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir, à la liberté d'information et au droit au respect de la vie privée.

7. En troisième lieu, en se bornant à indiquer les délais maximums devant être respectés pour bénéficier d'un schéma vaccinal complet et restant reconnu comme tel, l'article 2-2 du décret attaqué ne crée aucune incitation des personnes à réaliser leur schéma vaccinal en un mois. Le requérant n'est, par suite, pas fondé, en tout état de cause, à soutenir que le décret attaqué porterait de ce fait atteinte au principe de protection de la santé.

8. En quatrième lieu, dès lors qu'en l'état des connaissances scientifiques disponibles au moment de l'adoption du décret attaqué, qui étaient notamment corroborées par les avis du comité scientifique du 24 décembre 2021 et du 13 janvier 2022, les personnes vaccinées présentent des risques de transmission du virus de la covid-19 et de développement d'une forme grave de la maladie bien plus faibles que les personnes non vaccinées, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la mise en place d'un " passe vaccinal " méconnaîtrait le principe de précaution.

9. En dernier lieu, en soumettant à la présentation d'un " passe vaccinal " l'accès à certains lieux, établissements, services ou événements des seules personnes âgées d'au moins seize ans, le décret attaqué met en œuvre les conditions prévues au 2° du A du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 dans sa rédaction issue de la loi du 22 janvier 2022. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué porterait atteinte au principe d'égalité en soumettant les personnes de plus de seize ans à la présentation d'un " passe vaccinal " alors que les personnes entre douze et seize ans ne sont soumises qu'à la présentation d'un " passe sanitaire ", ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions du décret du 22 janvier 2022 qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de la santé et de la prévention.


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 462549
Date de la décision : 26/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2023, n° 462549
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Alexandra Bratos
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462549.20230726
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