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26/07/2023 | FRANCE | N°457685

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 26 juillet 2023, 457685


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... C..., épouse A..., et les autres requérants dont le nom figure dans le mémoire introductif d'instance demandent au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, de saisir la Cour européenne des droits de l'Homme, sur le fondement de l'article 1er du protocole n° 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'une demande d'avis consultatif sur la question suivante : " L'interprétation des

articles 2, 5, 8 et 14 de la convention s'oppose-t-elle aux dispositions d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... C..., épouse A..., et les autres requérants dont le nom figure dans le mémoire introductif d'instance demandent au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, de saisir la Cour européenne des droits de l'Homme, sur le fondement de l'article 1er du protocole n° 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'une demande d'avis consultatif sur la question suivante : " L'interprétation des articles 2, 5, 8 et 14 de la convention s'oppose-t-elle aux dispositions de l'article 47-1 et 36 du décret du 1er juin 2021 " ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler les articles 36 et 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 dans leur rédaction issue du décret n° 2021-1268 du 29 septembre 2021 ;

3°) également à titre subsidiaire, d'écarter pour inconventionnalité les dispositions de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 en tant qu'il prévoit la possibilité de vacciner un mineur avec l'accord d'un seul des parents ;

4°) également à titre subsidiaire, d'annuler le protocole sanitaire établi par le ministre de l'éducation nationale pour l'année scolaire 2021-2022, intitulé " cadre sanitaire pour le fonctionnement des écoles et établissements scolaires " ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses protocoles additionnels ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la déclaration universelle des droits de l'homme ;

- le code de l'éducation, notamment son article L. 111-1 ;

- le code pénal ;

- le code de la santé publique, notamment son article L. 3131-15 ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre du litige :

1. A l'expiration, le 1er juin 2021, de l'état d'urgence sanitaire qui avait été déclenché en octobre 2020 pour faire face à une reprise de l'épidémie de covid-19, l'évolution de la situation sanitaire a conduit à une modification des mesures prises pour lutter contre l'épidémie. Les dispositions du 2° du I de l'article 1er de loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire ont habilité le Premier ministre à réglementer l'ouverture au public, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l'exception des locaux à usage d'habitation, en garantissant l'accès des personnes aux biens et aux services de première nécessité, dans le seul intérêt de la santé publique et aux seuls fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19. Dans leur version en vigueur à la date du décret attaqué, les dispositions du 2° du II de l'article 1er de la loi autorisaient le Premier ministre à subordonner l'accès à certains lieux, établissements ou événements à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19. La possibilité de subordonner l'accès à ces lieux à la présentation d'un " passe sanitaire " a été étendue aux mineurs de plus de douze ans à compter du 30 septembre 2021 en application des mêmes dispositions.

2. Mme C... et autres, dont la requête a été enregistrée le 21 octobre 2021, doivent être regardés comme contestant, outre le " cadre sanitaire pour le fonctionnement des écoles et établissements scolaires pour l'année scolaire 2021-2022 ", les articles 36 et 47-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire dans leur rédaction issue du décret du 29 septembre 2021. Les dispositions de ce décret ont, d'une part, modifié les dispositions de l'article 36 du décret du 1er juin 2021 en limitant l'obligation du port du masque, s'agissant des élèves des écoles élémentaires et des enfants de six à dix ans accueillis dans des structures collectives, aux seules zones où une circulation élevée de l'épidémie est constatée et, d'autre part, modifié l'article 47-1 du même décret pour prévoir que l'obligation de présentation d'un passe sanitaire était étendue aux mineurs âgés d'au moins douze ans et deux mois. Par ailleurs, aux termes du second alinéa du I de l'article 2 du décret du 1er juin 2021, dont la rédaction n'a pas été modifiée par le décret attaqué : " Les obligations de port du masque prévues au présent décret ne s'appliquent pas aux personnes en situation de handicap munies d'un certificat médical justifiant de cette dérogation et qui mettent en œuvre les mesures sanitaires de nature à prévenir la propagation du virus. "

Sur les conclusions dirigées contre les dispositions des articles 36 et 47-1 du décret du 1er juin 2021 dans leur rédaction issue du décret du 29 septembre 2021 :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

3. Aucune disposition de la loi du 31 mai 2021 ni aucun principe n'impliquait que l'adoption du décret attaqué soit précédée d'une étude d'impact, ni que le pouvoir réglementaire soit tenu d'édicter des mesures d'application complémentaires, d'habiliter expressément les ministres compétents à mettre en œuvre leur pouvoir règlementaire d'organisation des services placés sous leur autorité, de prévoir des conditions supplémentaires d'exemption de l'obligation pour motif de santé ou de préciser les conditions de traçage et d'isolement en cas de contamination, ainsi que les conditions de réalisation des tests de dépistage. Les moyens tirés de ce que le décret serait entaché de vices de procédure ou d'" incompétence négative " ne peuvent, par suite, qu'être écartés.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

S'agissant de l'article 36 :

4. En premier lieu, l'article 36 du décret attaqué du 1er juin 2021, qui règlemente les conditions d'accès et de présence dans certains établissements, a été pris pour l'application des dispositions du 2° du I de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 et non pour celles de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique. Les requérants ne peuvent donc utilement soutenir que les dispositions attaquées seraient entachées d'une erreur de droit au motif que l'article L. 3131-12 du code de la santé publique serait contraire aux stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que dans sa note d'alerte du 20 août 2021, le Conseil scientifique indiquait qu'en l'absence de vaccination des enfants de moins de douze ans, la circulation du variant delta à transmissibilité accrue du virus SARS-CoV-2 faisait redouter une épidémie pédiatrique, ces enfants devenant la principale population susceptible d'être infectée et de transmettre le virus, que les enfants étaient susceptibles de développer, certes dans de rares cas, des complications graves liées au virus, identifiées sous le nom de syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique, que des interrogations subsistaient sur la fréquence, la durée et l'intensité des manifestations " type Covid-long " chez les enfants, et enfin que les foyers de contamination au sein de collectivités d'enfants étaient favorisés par le non-respect des mesures-barrières. Le Conseil scientifique soulignait ainsi qu'" il convenait d'être extrêmement vigilant sur l'organisation de la rentrée scolaire, avec pour objectif de maintenir les classes et les écoles ouvertes afin de préserver l'éducation et la santé mentale des enfants " et rappelait " l'importance de la transmission par aérosols en lieux clos, et de fait l'importance de l'usage du masque ".

6. De plus, il est constant que le virus responsable de la covid-19 peut se transmettre par gouttelettes respiratoires, par contacts et par voie aéroportée et que les personnes peuvent être contagieuses sans le savoir, notamment pendant la phase pré-symptomatique. En particulier, la transmission de ce virus est favorisée par le brassage de population, la densité de population, le temps de contact avec des personnes potentiellement contaminées et l'absence de ventilation des locaux.

7. Il n'est par ailleurs pas sérieusement contesté, d'une part, que ce virus est susceptible d'être diffusé par l'intermédiaire des enfants et il est constant que les établissements accueillant un public scolaire sont des lieux de fort brassage, le plus souvent clos, dans lesquels les élèves et leurs professeurs sont en présence les uns des autres pendant plusieurs heures alors qu'il peut être difficile de respecter la distanciation physique. D'autre part, il n'est pas davantage sérieusement contesté que le port du masque est susceptible de limiter la diffusion du virus responsable de la covid-19. Par ailleurs, il ne ressort pas des éléments invoqués par les requérants que le port du masque dans les hypothèses visées par l'article 36 du décret du 1er juin 2021 aurait entraîné d'éventuels effets néfastes sur l'apprentissage des enfants ou des risques importants pour leur santé excédant les avantages avérés de cette mesure dans le contexte sanitaire rappelé ci-dessus.

8. Enfin, bien que contraignantes et pouvant s'avérer contre-indiquées à la situation médicale d'enfants souffrant de certaines pathologies, les dispositions contestées, qui tiennent compte de l'âge et de la maturité des enfants, et dont la mise en œuvre est placée sous le contrôle des adultes, ne font pas obstacle à ce que les situations particulières soient prises en compte et l'obligation qu'elles prévoient ne s'applique pas aux enfants en situation de handicap. De même, dans sa rédaction issue du décret du 29 septembre 2021, l'article 36 du décret du 1er juin 2021 n'imposait l'obligation du port du masque, déjà limitée aux espaces clos des établissements scolaires et non plus aux espaces de récréation, que dans les départements où la circulation du virus était élevée, la liste de ces départements étant régulièrement actualisée en fonction de l'évolution de la situation épidémiologique. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées n'auraient pas été nécessaires, adaptées et proportionnées et qu'elles auraient porté une atteinte illégale aux droits et libertés, tels que la liberté d'aller et venir, au droit à l'autodétermination, au droit à la vie privée et familiale, au droit à la santé, au principe de fraternité, à la liberté individuelle, au droit à l'éducation et à la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant, n'est pas fondé.

9. Les autres moyens soulevés soit ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, soit se bornent à invoquer des considérations qui ne sauraient venir utilement à leur soutien.

S'agissant de l'article 47-1 :

10. Eu égard aux moyens soulevés, les requérants doivent être regardés comme contestant l'obligation du " passe sanitaire " pour les activités sportives et extra-scolaires ainsi que dans le cadre de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

11. En premier lieu, la contrariété d'une disposition législative aux stipulations d'un traité international ou au droit de l'Union européenne ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre un acte réglementaire que si ce dernier a été pris pour son application ou si elle en constitue la base légale. Les dispositions contestées de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021 ne sont pas prises pour l'application de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 dans sa rédaction issue de la loi du 5 août 2021 prévoyant la possibilité pour un seul des titulaires de l'autorité parentale d'autoriser la vaccination d'un enfant mineur, lequel n'en constitue pas non plus la base légale. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'inconventionnalité de cette disposition de la loi n'est pas de nature, en tout état de cause, à faire naître un doute sérieux sur la légalité des dispositions contestées.

12. En deuxième lieu, il n'est pas sérieusement contesté que les activités sportives et extrascolaires visées par l'article 47-1 du décret attaqué présentent un risque spécifique de contamination lié à la difficulté de respecter les gestes barrières tels que le port du masque ou la distanciation physique. Dans le contexte sanitaire décrit aux points 5 et 6 de la présente décision et alors que la couverture vaccinale de cette classe d'âge n'atteignait pas encore les objectifs recommandés, les mineurs âgés d'au moins douze ans et deux mois qui souhaitaient pratiquer ces activités étaient donc exposées à un risque accru de transmission du virus responsable de la covid-19. Afin de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19, l'article 47-1 du décret attaqué pouvait donc réserver, lorsque l'exception prévue par son IV n'était pas applicable, l'accès à ces lieux, établissements, services ou évènements à ceux de ces mineurs qui, en présentant un " passe sanitaire ", justifiaient être moins susceptibles de transmettre le virus. Pour les mêmes motifs, il pouvait en faire de même lorsque la formation professionnelle ou l'apprentissage des élèves s'effectuait dans une structure où, en raison de risques sanitaires de même nature, les professionnels étaient tenus de détenir un " passe sanitaire ". Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021, qui ne prévoyaient d'ailleurs aucune obligation vaccinale et ne sauraient être utilement contestées à ce titre, auraient été inutiles et inadéquates, ni qu'elles auraient été contraires au droit à l'autodétermination, au droit à la vie privée et familiale, au droit à la santé, au principe de fraternité, à la liberté individuelle, au droit à l'éducation, à la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant ou aux principes d'égalité et de non-discrimination.

13. En troisième lieu, le troisième alinéa du B du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 prévoyait que la présentation du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19, afin d'accéder à certains lieux, établissements, services ou évènements, était réalisée sous une forme ne permettant pas aux personnes ou aux services autorisés à en assurer le contrôle de connaître la nature des documents ni les données qu'il contient. En application des dispositions du III de l'article 2-3 du décret du 1er juin 2021 dans sa rédaction en vigueur à la date des dispositions attaquées, les personnes autorisées à contrôler le " passe sanitaire " étaient limitativement énumérées et si elles avaient accès aux nom, prénom et date de naissance de la personne concernée ainsi qu'au résultat positif ou négatif de détention d'un justificatif conforme, elles ne pouvaient savoir si ce résultat résultait d'un examen de dépistage virologique, d'une vaccination ou d'une contamination par la covid-19. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l'obligation de présenter un " passe sanitaire " pour accéder à certains lieux, établissements, services ou évènements, notamment dans le cadre de services de restauration offerts au public ou d'activités sportives, aurait porté atteinte au secret médical, sans qu'ils puissent utilement se prévaloir à cet effet ni de pratiques locales qui ne sont pas la conséquence nécessaire des dispositions attaqués, ni des effets des articles 49-1 et 49-2 du décret du 1er juin 2021, qu'ils seraient en tout état de cause forclos à contester.

Sur les conclusions dirigées contre le protocole sanitaire établi par le ministre de l'éducation nationale :

14. En premier lieu, le protocole sanitaire édicté par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports pour l'année scolaire 2021-2022, établi sous la forme d'un " cadre sanitaire pour le fonctionnement des écoles et établissements scolaires " publié en juillet 2021, était destiné à rassembler des règles de bonne conduite et à fournir des recommandations pour favoriser, notamment auprès des personnels, des élèves et de leurs parents, l'application, au niveau de chaque établissement accueillant un public scolaire, des " prescriptions émises par le ministère des solidarités et de la santé au vu des avis rendus par le Haut conseil de la santé publique ainsi que des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ". Contrairement à ce qui est soutenu, le protocole sanitaire n'imposait pas d'obligations aux parents mais soulignait seulement le rôle essentiel de ceux-ci pour éviter la transmission du virus en milieu scolaire. De plus, les passages du protocole relatifs à l'isolement des élèves non vaccinés déclarés cas contacts se bornaient à transposer en milieu scolaire la recommandation du Haut Conseil de la santé publique figurant dans son avis du 18 juin 2021 relatif au traçage des cas contacts et à l'application des mesures barrières chez les personnes totalement vaccinées contre la covid-19. Aucune disposition ne faisait obstacle à ce que le ministre édicte, sous son autorité, en vue d'assurer le bon fonctionnement des établissements scolaires, le document concerné. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il serait entaché d'incompétence doit être écarté.

15. En deuxième lieu, s'agissant du port du masque, le protocole sanitaire énonce que : " Pour les élèves présentant des pathologies les rendant vulnérables au risque de développer une forme grave d'infection à la COVID-19, le médecin référent détermine les conditions de leur maintien en présence dans l'école ou l'établissement scolaire ". Il ressort des pièces du dossier que ces dispositions, qui sont uniquement relatives aux enfants présentant des pathologies les rendant vulnérables au risque de développer une forme grave d'infection à la covid-19, ont pour objet de permettre au médecin référent d'aider l'élève en situation de vulnérabilité face à la covid-19 et sa famille à prévoir des modalités spécifiques favorisant une poursuite de sa scolarité dans les meilleures conditions. Il ne résulte pas de ces termes qu'un médecin de l'éducation nationale agissant dans le cadre des missions qui lui sont confiées par l'article 2 du décret du 27 novembre 1991 portant dispositions statutaires applicables au corps des médecins de l'éducation nationale et à l'emploi de médecin de l'éducation nationale - conseiller technique, auquel renvoient les dispositions de l'article D. 541-2 du code de l'éducation, soit habilité à remettre en cause les constatations ou indications à caractère médical portées dans un certificat médical. Par suite, le moyen tiré de ce que le document contesté donnerait de manière illégale aux médecins de l'éducation nationale ou à l'administration scolaire un pouvoir d'appréciation des certificats médicaux n'est pas fondé.

16. En troisième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Par suite, en imposant une période d'isolement, lorsqu'ils sont identifiés contacts à risque, aux seuls élèves qui, ne disposant ni d'un schéma vaccinal complet, ni d'un certificat de rétablissement, présentent un risque élevé de transmission du virus, le ministre a instauré une différence de traitement qui est en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et qui n'est pas manifestement disproportionnée. Par suite la disposition contestée ne méconnaît pas le principe d'égalité. De la même façon, en cherchant à limiter le nombre d'élèves contraints de suivre un enseignement à distance et à maintenir les établissements scolaires ouverts, elle ne méconnaît pas, en tout état de cause, le principe de fraternité.

17. Il résulte de ce qui tout précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour européenne des droits de l'homme d'une demande d'avis consultatif, que la requête de Mme C... et autres doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme C... et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... C..., première dénommée pour l'ensemble des requérants, au ministre de la santé et de la prévention et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée à la Première ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 juin 2023 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Alexandra Bratos, auditrice-rapporteure.

Rendu le 26 juillet 2023.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Alexandra Bratos

La secrétaire :

Signé : Mme Chloé-Claudia Sediang


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 457685
Date de la décision : 26/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2023, n° 457685
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Alexandra Bratos
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:457685.20230726
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