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25/07/2023 | FRANCE | N°451323

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 25 juillet 2023, 451323


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, de condamner la commune de Bry-sur-Marne (Val-de-Marne) à lui verser la somme de 113 847 euros, assortie des intérêts de retard et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis et, d'autre part, d'enjoindre au maire de procéder à son licenciement. Par un jugement n°1800364 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Melun a condamné la commune de Bry-sur-Marne à verser à Mme B... la somme de 7 608 euros, avec intérêts au tau

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Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, de condamner la commune de Bry-sur-Marne (Val-de-Marne) à lui verser la somme de 113 847 euros, assortie des intérêts de retard et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis et, d'autre part, d'enjoindre au maire de procéder à son licenciement. Par un jugement n°1800364 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Melun a condamné la commune de Bry-sur-Marne à verser à Mme B... la somme de 7 608 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2017 et capitalisation de ces intérêts, enjoint à la commune de Bry-sur-Marne de procéder au licenciement de Mme B... dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt n° 19PA02284 du 20 octobre 2020 la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de Mme B... et appel incident de la commune de Bry-sur-Marne, annulé l'article 5 du jugement du 23 mai 2019 du tribunal administratif, rejeté le surplus des conclusions de Mme B... devant le tribunal administratif et le surplus de ses conclusions d'appel et rejeté les conclusions d'appel incident de la commune de Bry-sur-Marne.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 avril et 1er juillet 2021 et 28 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Bry-sur-Marne la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Claire Le Bret-Desaché, son avocat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme A... B... et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune du Bry-sur-Marne ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... B... a été recrutée par la commune de Bry-sur-Marne le 20 avril 2009 en qualité d'assistante maternelle au sein de la crèche familiale de la commune sous contrat à durée déterminée. Ce contrat de trois ans a été renouvelé à compter du 20 avril 2012 et du 20 avril 2015. Le 2 juin 2017, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude définitive de Mme B... à exercer tout poste au sein de la commune. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Bry-sur-Marne à lui verser la somme de 113 847 euros, assortie des intérêts de retard et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis et à ce qu'il soit fait injonction au maire de Bry-sur-Marne de procéder à son licenciement pour mettre fin au trouble dont elle estime être victime sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par un jugement du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Melun a condamné la commune de Bry-sur-Marne à verser à Mme B... la somme de 7 608 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2017, et capitalisation de ces intérêts, a enjoint à la commune de Bry-sur-Marne de procéder au licenciement de Mme B... et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B.... Celle-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 octobre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après annulation partielle du jugement attaqué, a rejeté le surplus de ses conclusions B... devant le tribunal administratif de Melun et le surplus de ses conclusions d'appel.

2. Aux termes des dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 ne peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles (...) ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la présente loi. / (...) / Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants : (...) / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; (...) / Les agents recrutés conformément aux quatrième, cinquième et sixième alinéas sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. / Si, à l'issue de la période maximale de six ans mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ".

3. En premier lieu, par des motifs non contestés en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a jugé abusive la reconduction, à compter du 20 avril 2015, du contrat de Mme B... pour une durée déterminée, et constaté ainsi l'existence d'une faute de la commune susceptible d'engager sa responsabilité. Elle a cependant jugé que Mme B... ne justifiait pas de préjudices en lien de causalité direct et certain avec le non renouvellement à durée indéterminée de son engament eu égard à la circonstance qu'elle avait demandé, avant même la reconduction tacite de son contrat, à cette même date, à ce qu'il soit mis fin à ce dernier. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... aurait demandé à ce qu'il soit mis fin à son contrat. Dès lors, Mme B... est fondée à soutenir qu'en se fondant sur cette circonstance pour rejeter ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison de cette faute, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier soumis à son examen, et à demander pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi sur ce point, l'annulation, dans cette mesure, de l'arrêt attaqué.

4. En second lieu, par des motifs non contestés en cassation, la cour a relevé que le médecin du travail avait conclu à l'inaptitude définitive de Mme B... à exercer la profession d'assistante maternelle ou tout poste au sein de la commune, le 2 juin 2017, et qu'elle devait donc, faute de possibilité de reclassement, être licenciée, a estimé que la commune n'avait pas accompli les diligences nécessaires dans un délai raisonnable, et en a déduit que la commune avait ainsi commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité. C'est sans méconnaître les écritures de Mme B... qu'elle a estimé que celle-ci ne sollicitait, à raison de cette faute, outre l'indemnité de licenciement accordée par les premiers juges et la réparation du préjudice moral, que la réparation du préjudice au titre de la perte de chance de retrouver un emploi. En revanche, en retenant, pour juger que Mme B... n'établissait pas que le retard pris par la commune à la licencier l'aurait privée d'une chance de retrouver un emploi, qu'elle ne justifiait pas avoir effectué de recherches d'emploi, alors que l'intéressée était toujours juridiquement employée par la commune de Bry-sur-Marne faute d'avoir été licenciée et n'était pas tenue d'effectuer des recherches d'emploi en dehors de la commune, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce. Mme B... est donc fondée à demander l'annulation, dans cette mesure, de l'arrêt attaqué, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi sur ce point.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bry-sur-Marne la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Claire Le Bret-Desaché, avocat de Mme B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 20 octobre 2020 est annulé en tant qu'il statue sur l'indemnisation des préjudices invoqués par Mme B... résultant, d'une part, de la reconduction abusive de son contrat pour une durée déterminée et, d'autre part, de sa perte de chance de retrouver un emploi.

Article 2 : L'affaire est, dans la mesure de l'annulation ainsi prononcée, renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : La commune de Bry-sur-Marne versera au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 3 000 euros à la SCP Claire Le Bret-Desaché, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la commune du Bry-sur-Marne.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 juillet 2023 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 25 juillet 2023.

Le président :

Signé : M. Stéphane Verclytte

La rapporteure :

Signé : Mme Rose-Marie Abel

La secrétaire :

Signé : Mme Elisabeth Ravanne


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 451323
Date de la décision : 25/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2023, n° 451323
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rose-Marie Abel
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP PIWNICA et MOLINIE ; SCP LE BRET-DESACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:451323.20230725
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