La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/07/2023 | FRANCE | N°468565

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 19 juillet 2023, 468565


Vu la procédure suivante :

La société Transdev Boucle-des-Lys a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du maire d'Achères (Yvelines) du 8 septembre 2022 interdisant la circulation sur la totalité du territoire de la commune aux véhicules de plus de 3,5 tonnes. Par une ordonnance n° 2207301 du 14 octobre 2022, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28

octobre et 11 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la...

Vu la procédure suivante :

La société Transdev Boucle-des-Lys a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du maire d'Achères (Yvelines) du 8 septembre 2022 interdisant la circulation sur la totalité du territoire de la commune aux véhicules de plus de 3,5 tonnes. Par une ordonnance n° 2207301 du 14 octobre 2022, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 octobre et 11 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Transdev Boucle-des-Lys demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Achères la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Transdev Boucle-des-lys et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la commune d'Achères ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 juillet 2023, présentée par la société Transdev Boucle-des-Lys.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 8 septembre 2022, le maire d'Achères a interdit la circulation des véhicules de transit de plus de 3,5 tonnes de façon permanente sur l'ensemble des voiries de l'agglomération, à l'exception de la route départementale 30 et de la route nationale 184, sauf pour les véhicules utilisés par les propriétaires et leurs ayants droit circulant à des fins privées sur leur propriété et qui auraient été préalablement autorisés par la commune. La société Transdev Boucle-des-Lys, qui exploite le service de transport en commun du réseau " Saint-Germain Boucles de Seine " depuis le 1er août 2022, demande l'annulation de l'ordonnance du 14 octobre 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à la suspension, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, de l'exécution de cet arrêté.

3. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence ". Le premier alinéa de l'article L. 522-1 du même code dispose que le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. L'article L. 522-3 précise qu'il peut se prononcer sans audience ni instruction lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou qu'il est manifeste qu'elle est irrecevable ou mal fondée. Aux termes de l'article R. 522-8 : " L'instruction est close à l'issue de l'audience, à moins que le juge des référés ne décide de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il avise les parties par tous moyens. Dans ce dernier cas, les productions complémentaires déposées après l'audience et avant la clôture de l'instruction peuvent être adressées directement aux autres parties, sous réserve, pour la partie qui y procède, d'apporter au juge la preuve de ses diligences. / L'instruction est rouverte en cas de renvoi à une autre audience ". Il résulte de ces dispositions qu'obligation est faite au juge des référés, d'une part, d'aviser les parties de la date à laquelle il décide de différer la clôture de l'instruction et, d'autre part, hors le cas où il est fait application de l'article L. 522-3, de communiquer aux parties avant la clôture de l'instruction, par tous moyens, les pièces et mémoires soumis au débat contradictoire qui servent de fondement à sa décision et qui comportent des éléments de fait ou de droit dont il n'a pas été antérieurement fait état au cours de la procédure.

4. Il ressort des mentions de l'ordonnance attaquée et des pièces retraçant le déroulement de l'instruction que le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, après avoir tenu une audience le mardi 11 octobre 2022 à 15 heures, a décidé de fixer aux parties un délai jusqu'au jeudi 13 octobre à midi pour produire des pièces complémentaires, sans renvoyer l'affaire à une autre audience. Il résulte des principes énoncés au point 3 qu'en s'abstenant, à cette occasion, d'aviser les parties de la date à laquelle interviendrait la clôture de l'instruction ainsi différée, le juge des référés a entaché d'irrégularité la procédure suivie devant lui. Il a également entaché cette procédure d'irrégularité en ne communiquant pas à la société Transdev Boucle-des-Lys l'arrêté du maire d'Achères du 18 avril 2005, produit le 12 octobre 2022 par la commune d'Achères, sur lequel il a fondé sa décision bien que cette pièce n'ait pas été précédemment soumise au débat contradictoire. Son ordonnance doit par suite être annulée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

7. Pour justifier de l'urgence qui s'attacherait à la suspension de l'arrêté en litige, la société Transdev Boucle-des-Lys se borne à soutenir que le détour de quelques kilomètres auquel il contraint, pour une durée estimée à une année, ses véhicules quittant ou regagnant à vide son dépôt de Poissy (Yvelines) en début et en fin de service entraîne pour elle un surcoût de nature à compromettre son équilibre économique et à faire obstacle à sa mission de service public, et qu'il porte atteinte à la liberté de circulation et à la liberté du commerce et de l'industrie. Toutefois, en l'absence d'éléments objectifs et précis de nature à démontrer la gravité de l'atteinte portée à sa situation économique financière, et de toute incidence directe sur l'exécution du service public de transport de voyageurs dont elle est chargée, il ne résulte pas de l'instruction qu'est ainsi caractérisée une situation d'urgence au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Par suite, la demande de suspension présentée par la société requérante sur le fondement de ces dispositions doit être rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner la condition tenant à l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Achères, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune d'Achères.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 14 octobre 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles est annulée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Transdev Boucle-des-Lys devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Transdev Boucle-des-Lys et à la commune d'Achères.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 juillet 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Joachim Bendavid, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 19 juillet 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Joachim Bendavid

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 468565
Date de la décision : 19/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2023, n° 468565
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Joachim Bendavid
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468565.20230719
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award