Vu la procédure suivante :
L'association " Los Estuflaïres " a demandé à la cour administrative d'appel de Paris d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 9 octobre 2019 par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter le service de radio de catégorie A par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé CFM Toulouse dans l'allotissement local de Toulouse et a accordé une autorisation d'exploiter aux associations Radio Télé Montaillou, Euradio, Radio Ménergy et Radio Maria France et aux sociétés RTS FM, NRJ Réseau, Chérie FM Réseau et Radio Nostalgie Réseau, et d'enjoindre au CSA de réexaminer sa candidature sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois. Par un arrêt n° 19PA04130 du 25 mars 2021, la cour administrative d'appel a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 26 mai et 27 août 2021 et le 5 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Los Estuflaïres " demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Joachim Bendavid, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de l'association Los Estuflaires CFM Radio et à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 28 mars 2018, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), devenu au 1er janvier 2022 l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), a procédé à un appel à candidatures pour l'édition de services de radio multiplexés diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique à temps complet ou partagé en bande III dans le ressort des comités territoriaux de l'audiovisuel de Toulouse et de Bordeaux. L'association " Los Estuflaïres " demande l'annulation de l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2019 par laquelle le CSA a rejeté sa candidature pour l'attribution d'une fréquence en vue de l'exploitation du service de radio de catégorie A par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé CFM Toulouse dans l'allotissement local de Toulouse, et des décisions du même jour par lesquelles le CSA a accordé une autorisation d'exploiter aux associations Radio Télé Montaillou, Euradio, Radio Ménergy et Radio Maria France et aux sociétés RTS FM, NRJ Réseau, Chérie FM Réseau et Radio Nostalgie Réseau.
2. Aux termes de l'article 28-4 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction applicable au litige : " Préalablement aux attributions de droit d'usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion en mode numérique de services de radio, le Conseil supérieur de l'audiovisuel procède à une consultation publique sur l'utilisation du spectre radioélectrique quand ces attributions sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur le paysage radiophonique. Il rend publiques les conclusions de cette consultation. / (...) ". Aux termes de l'article 31 de la même loi, dans sa rédaction applicable : " Les autorisations relatives à l'usage de la ressource radioélectrique que le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut accorder, dans les conditions prévues à la présente section, tiennent compte de la situation économique du marché des services de communication audiovisuelle concernés. / Si les décisions d'autorisation d'usage de la ressource radioélectrique sont susceptibles de modifier de façon importante le marché en cause, le Conseil supérieur de l'audiovisuel procède, préalablement au lancement des procédures prévues aux articles 29, 30, 30-1, 30-5 et 30-6, à une consultation publique. / (...) / Lorsqu'il procède aux consultations publiques prévues au deuxième alinéa et à l'article 28-4, le Conseil supérieur de l'audiovisuel procède également à une étude d'impact, notamment économique, des décisions d'autorisation d'usage de la ressource radioélectrique. Cette étude est rendue publique. / Si la consultation publique prévue au deuxième alinéa ou à l'article 28-4 ou l'étude d'impact prévue à l'avant-dernier alinéa du présent article font apparaître que la situation économique du marché des services de communication audiovisuelle concernés n'est pas favorable au lancement des procédures prévues aux articles 29, 29-1, 30-1, 30-5 et 30-6, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut différer ce lancement pour une durée maximale de deux ans, renouvelable une fois dans les mêmes conditions ". Il résulte des dispositions précitées de l'article 31, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public dont elles sont issues, que lorsqu'une étude d'impact est requise, cette étude, destinée à permettre au CSA d'apprécier notamment l'incidence économique de l'octroi de nouvelles autorisations d'usage de la ressource radioélectrique, doit porter, au minimum, sur les éléments économiques propres au marché des services de communication audiovisuelle concernés.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, préalablement à l'appel à candidatures du 28 mars 2018, le CSA a procédé, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, à une consultation publique sur l'utilisation du spectre radioélectrique et à une étude d'impact des décisions d'autorisation d'usage de la ressource radioélectrique, laquelle, complétant une étude d'impact antérieure, rappelle l'influence du niveau de l'équipement du public en récepteurs compatibles avec la radio numérique terrestre (RNT) sur l'évaluation des effets du déploiement de la RNT, étudie le potentiel d'enrichissement de l'offre radiophonique de l'allotissement étendu de Toulouse et des allotissements locaux qui y sont inclus lié au déploiement de la RNT et, enfin, analyse la situation des marchés publicitaires locaux concernés.
4. A l'appui de sa requête, l'association requérante soutenait que la procédure d'attribution des autorisations était entachée d'irrégularité au motif que les services de radio de catégorie A n'avaient pas été inclus dans le volet économique de l'étude d'impact mentionnée au point précédent. En se fondant, pour écarter ce moyen, sur la seule circonstance que ces services bénéficient dans leur grande majorité de subventions publiques du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale et que leurs ressources commerciales provenant de messages diffusés à l'antenne et présentant le caractère de publicité de marque ou de parrainage sont dès lors, en vertu de l'article 80 de la loi du 30 septembre 1986, inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires total, la cour administrative d'appel, qui a au surplus indiqué que les parts d'audience des services de radio de catégorie A dans les allotissements concernés par l'étude d'impact étaient inférieures à 0,5 % alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis qu'elles sont comprises entre 0 et 5 %, a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, l'association " Los Estuflaïres " est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Arcom la somme de 3 000 euros à verser à l'association " Los Estuflaïres " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à que soit mise à la charge de cette association, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande, à ce titre, l'Arcom.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 25 mars 2021 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Arcom versera à l'association " Los Estuflaïres " la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'Arcom au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association " Los Estuflaïres " et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Copie en sera adressée à la ministre de la culture.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 juillet 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambe, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Joachim Bendavid, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 19 juillet 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Joachim Bendavid
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras