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18/07/2023 | FRANCE | N°465200

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 18 juillet 2023, 465200


Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ykha Standing Home a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Presles à lui verser une indemnité de 98 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 21 novembre 2016, en exécution de la clause pénale stipulée au mandat de vente sans exclusivité qu'elle a conclu avec cette commune le 26 septembre 2016, ainsi qu'une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du refus de cette dernière d'exécuter cette stipulation. Par un jugement n

1710647 du 11 avril 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ykha Standing Home a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Presles à lui verser une indemnité de 98 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 21 novembre 2016, en exécution de la clause pénale stipulée au mandat de vente sans exclusivité qu'elle a conclu avec cette commune le 26 septembre 2016, ainsi qu'une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du refus de cette dernière d'exécuter cette stipulation. Par un jugement n° 1710647 du 11 avril 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19VE02138 du 21 avril 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Ykha Standing Home contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 juin 2022, 23 septembre 2022 et 19 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Ykha Standing Home demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Presles la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;

- le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Ykha Standing Home ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, pour les besoins d'un projet de cession d'un ensemble immobilier dénommé la " maison Notre-Dame " appartenant au domaine public de la commune de Presles, le maire de cette commune a, le 26 septembre 2016, conclu avec la société Ykha Standing Home, qui exerce une activité d'agent immobilier, un " mandat de vente sans exclusivité ". Il en ressort également que, par lettre du 17 novembre suivant, le maire a informé cette société que la commune avait elle-même trouvé un acquéreur et qu'il était, en conséquence, conformément aux stipulations du mandat, mis fin à celui-ci. La société Ykha Standing Home se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 avril 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 11 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Presles à lui verser une indemnité de 98 000 euros en exécution de la clause pénale stipulée au contrat, ainsi qu'une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait du refus de la commune d'exécuter cette clause.

2. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.

3. D'une part, en vertu des dispositions combinées des articles 1er et 6 de la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce et de l'article 72 de son décret d'application du 20 juillet 1972, le mandat donné à un agent immobilier est un mandat d'entremise consistant en la recherche de clients et la négociation de la vente de biens d'autrui, qui ne permet pas à ce dernier d'engager son mandant pour l'opération envisagée, à moins qu'une clause de ce mandat ne l'y autorise expressément.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le présent code s'applique aux biens et aux droits, à caractère mobilier ou immobilier, appartenant à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu'aux établissements publics ". L'article L. 2111-1 du même code dispose : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ". Aux termes de l'article L. 3111-1 du même code : " Les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles ". L'article L. 2141-1 de ce code énonce : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement ". Il résulte de ces dispositions qu'un bien relevant du domaine public ne saurait être aliéné sans avoir été préalablement déclassé après, le cas échéant, désaffectation. Toutefois, ces obligations ne font pas obstacle à ce qu'un tel bien fasse l'objet d'un mandat donné à un agent immobilier dans les conditions fixées par les dispositions mentionnées au point 3, pourvu que ce mandat n'autorise pas le mandataire à engager son mandant.

5. La cour a relevé que le contrat conclu le 26 septembre 2016 entre la commune de Presles et la société Ykha Standing Home s'intitulait " mandat de vente " et en a déduit que, dès lors qu'il portait sur un bien relevant du domaine public, il méconnaissait, par son objet même, le principe d'inaliénabilité du domaine public, ce qui faisait obstacle à ce que le litige relatif à son exécution puisse être réglé sur le terrain de la responsabilité contractuelle. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des stipulations de ce contrat qu'il revêtait le caractère d'un mandat de recherche d'acquéreurs au sens des dispositions mentionnées au point 3, elle a entaché son arrêt de dénaturation. Elle l'a en outre entaché d'erreur de droit en se fondant, pour juger qu'il y avait lieu d'écarter le contrat, sur le seul motif qu'il portait sur une dépendance du domaine public, sans rechercher s'il autorisait la société Ykha Standing Home à accomplir des actes de disposition pour le compte de la commune.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Ykha Standing Home est fondée à demander, pour ces motifs, l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Presles la somme de 3 000 euros demandée par la société Ykha Standing Home au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 21 avril 2022 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : La commune de Presles versera à la société Ykha Standing Home la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Ykha Standing Home et à la commune de Presles.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 juin 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 18 juillet 2023.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Sébastien Ferrari

La secrétaire :

Signé : Mme Michelle Bailleul


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 465200
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2023, n° 465200
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sébastien Ferrari
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465200.20230718
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