La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2023 | FRANCE | N°467600

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 17 juillet 2023, 467600


Vu la procédure suivante :

Mme B... E... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Limoges de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 8 juillet 2022 par laquelle la directrice académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Vienne a refusé de leur délivrer l'autorisation d'instruire leur fils C... dans la famille, ainsi que de la décision implicite de la commission présidée par la rectrice de l'académie de Limoges rejetant leur recours contre cette décision. Par une ordonn

ance n° 2201221 du 31 août 2022, le juge des référés a suspendu l'...

Vu la procédure suivante :

Mme B... E... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Limoges de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 8 juillet 2022 par laquelle la directrice académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Vienne a refusé de leur délivrer l'autorisation d'instruire leur fils C... dans la famille, ainsi que de la décision implicite de la commission présidée par la rectrice de l'académie de Limoges rejetant leur recours contre cette décision. Par une ordonnance n° 2201221 du 31 août 2022, le juge des référés a suspendu l'exécution de la décision implicite de la commission présidée par la rectrice de l'académie de Limoges, enjoint à cette dernière de délivrer à Mme E... et à M. D... l'autorisation d'instruire leur fils dans la famille jusqu'à l'intervention du jugement se prononçant au fond sur la légalité de cette décision dans un délai de huit jours, et jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 8 juillet 2022.

Par un pourvoi, enregistré le 15 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle lui fait grief ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension de Mme E... et de M. D....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Vaiss, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Limoges que par une décision du 8 juillet 2022, la directrice académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Vienne a refusé de délivrer à Mme E... et à M. D... l'autorisation d'instruire leur fils C... dans la famille au titre de l'année scolaire 2022-2023. Le 19 juillet 2022, Mme E... et M. D... ont formé un recours contre cette décision auprès de la commission mentionnée à l'article D. 131-11-10 du code de l'éducation, présidée par la rectrice de l'académie de Limoges. Par une ordonnance du 31 août 2022, contre laquelle le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse se pourvoit en cassation, le juge des référés, saisi par Mme E... et M. D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur leurs conclusions dirigées contre la décision du 8 juillet 2022, qu'une décision implicite de rejet de leur recours était née le 21 août 2022, qu'il y avait lieu d'ordonner la suspension de son exécution et d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Limoges de leur délivrer l'autorisation d'instruire leur fils dans la famille jusqu'à l'intervention du jugement se prononçant au fond sur la légalité de cette décision.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation ". Aux termes de l'article L. 231-4 du même code : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : (...) / Lorsque la demande (...) présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ". Aux termes de l'article L. 231-6 du même code : " Lorsque l'urgence ou la complexité de la procédure le justifie, un délai différent de ceux prévus aux articles L. 231-1 et L. 231-4 peut être fixé par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 411-7 du même code : " Ainsi qu'il est dit à l'article L. 231-4, le silence gardé pendant plus de deux mois sur un recours administratif par l'autorité compétente vaut décision de rejet ". Aux termes de l'article L. 412-2 du même code : " Les recours administratifs préalables obligatoires sont régis par les règles énoncées au chapitre Ier, sous réserve des dispositions qui suivent ". Il résulte de ces dispositions que le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande présentant le caractère d'un recours administratif préalable obligatoire vaut décision de rejet, un délai différent ne pouvant être fixé que par décret en Conseil d'Etat.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 131-5 du code de l'éducation : " (...) / La décision de refus d'autorisation fait l'objet d'un recours administratif préalable auprès d'une commission présidée par le recteur d'académie, dans des conditions fixées par décret (...) / ". Aux termes de l'article D. 131-11-10 du même code : " Toute décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille peut être contestée dans un délai de quinze jours à compter de sa notification écrite par les personnes responsables de l'enfant auprès d'une commission présidée par le recteur d'académie ". Aux termes de l'article D. 131-11-12 du même code : " (...) / La commission se réunit dans un délai d'un mois maximum à compter de la réception du recours administratif préalable obligatoire (...) / ". Aux termes de l'article D. 131-11-13 du même code : " La juridiction administrative ne peut être saisie qu'après mise en œuvre des dispositions de l'article D. 131-11-10 ". Il résulte de ces dispositions que le recours formé contre la décision de refus d'autorisation d'instruire un enfant en famille auprès de la commission mentionnée à l'article D. 131-11-12 précité du code de l'éducation, est un recours administratif préalable obligatoire.

5. Il ressort des termes de l'ordonnance attaquée que pour estimer qu'il était fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a relevé qu'il ne résultait pas de l'instruction qu'à la suite de la réception le 21 juillet 2022 du recours administratif préalable formé le 19 juillet 2022 par les requérants, la commission mentionnée à l'article D. 131-11-10 du code de l'éducation, cité au point 4, aurait siégé dans le délai d'un mois prévu à l'article D. 131-11-12 du même code, également cité au point 4, et que la décision implicite de rejet née à l'expiration de ce délai d'un mois, avait, dès lors, été prise à l'issue d'une procédure irrégulière. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui est dit aux points 3 et 4, d'une part, que le délai d'un mois prévu à l'article D. 131-11-12 précité du code de l'éducation pour que la commission se réunisse n'est pas prescrit à peine de nullité, d'autre part, que, sauf si un décret en Conseil d'Etat prévoit un délai différent, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, une décision implicite de rejet d'un recours administratif préalable obligatoire naît du silence gardé pendant deux mois sur le recours, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a, en estimant qu'une décision implicite de rejet du recours administratif préalable obligatoire formé par les requérants était née au terme du délai d'un mois prévu à l'article D. 131-11-12, entaché son ordonnance d'erreur de droit. Elle doit dès lors être annulée, sauf en ce qu'elle prononce un non-lieu à l'article 1er de son dispositif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par Mme E... et par M. D..., en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, dans la mesure de la cassation prononcée.

7. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.

8. Il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date à laquelle le Conseil d'Etat est appelé à régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par Mme E... et M. D..., en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative, soit, en l'espèce, eu égard au calendrier de la fin de l'année scolaire 2022-2023, satisfaite.

9. Par suite, la demande de suspension de Mme E... et de M. D... doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Limoges du 31 août 2022 est annulée, sauf en ce qu'elle prononce un non-lieu à l'article 1er de son dispositif.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme E... et de M. D... devant le juge des référés du tribunal administratif de Limoges sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à Mme E... et à M. A... D....


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 467600
Date de la décision : 17/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2023, n° 467600
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Vaiss
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467600.20230717
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award