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12/07/2023 | FRANCE | N°465248

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 12 juillet 2023, 465248


Vu les procédures suivantes :

Les associations " Sauvons la Tournelle ", " Sauvons les Yvelines ", " Jonction des associations de Défense de l'Environnement " et " Septeuil Demain ", M. A... E..., M. D... B... et Mme F... C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles de suspendre, sur le fondement de l'article L. 122-11 du code de l'environnement, l'exécution de la délibération du 17 février 2022 par laquelle le conseil municipal de Septeuil (Yvelines) a approuvé la révision du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. Par une ordonnance n°

2203040 du 16 mai 2022, le juge des référés du tribunal administra...

Vu les procédures suivantes :

Les associations " Sauvons la Tournelle ", " Sauvons les Yvelines ", " Jonction des associations de Défense de l'Environnement " et " Septeuil Demain ", M. A... E..., M. D... B... et Mme F... C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles de suspendre, sur le fondement de l'article L. 122-11 du code de l'environnement, l'exécution de la délibération du 17 février 2022 par laquelle le conseil municipal de Septeuil (Yvelines) a approuvé la révision du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. Par une ordonnance n° 2203040 du 16 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté leur demande.

1° Sous le n° 465248, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 11 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Sauvons la Tournelle " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Septeuil la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la société Le Prado - Gilbert, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991

2° Sous le n° 465249, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 11 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Sauvons les Yvelines " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la même ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Septeuil la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la société Le Prado - Gilbert, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

....................................................................................

3° Sous le n° 465250, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 11 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Septeuil Demain demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la même ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Septeuil la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la société Le Prado - Gilbert, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

....................................................................................

4° Sous le n° 465251, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 11 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Jonction des associations de Défense de l'Environnement " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la même ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Septeuil la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la société Le Prado - Gilbert, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne n° C-444/15 du 21 décembre 2016 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 ;

- le décret n° 2021-1345 du 13 octobre 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la Sarl Le Prado - Gilbert, avocat de l'Association Sauvons La Tournelle, de l'Association Sauvons Les Yvelines, de l'Association Septeuil Demain et de l'Association Jonction des Associations de Défense de l'Environnement à la SCP Zribi et Texier, avocat de la commune de Septeuil.

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois des associations " Sauvons la Tournelle ", " Sauvons les Yvelines ", " Jonction des associations de Défense de l'Environnement ", " Septeuil Demain " sont dirigés contre la même ordonnance. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l'article L. 122-11 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une décision d'approbation d'un plan ou d'un programme visé à l'article L. 122-4 est fondée sur l'absence d'évaluation environnementale, le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée. " Aux termes du I de l'article L. 122-4 du même code : " Pour l'application de la présente section, on entend par : / 1° "Plans et programmes" : les plans, schémas, programmes et autres documents de planification élaborés ou adoptés par l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les établissements publics en dépendant, ainsi que leur modification, dès lors qu'ils sont prévus par des dispositions législatives ou réglementaires, y compris ceux cofinancés par l'Union européenne ; / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Versailles que les associations requérantes ont demandé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 122-11 du code de l'environnement, la suspension du plan local d'urbanisme révisé de la commune de Septeuil, adopté par son conseil municipal le 17 février 2022. Par l'ordonnance attaquée du 16 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté cette demande.

4. Aux termes de l'article 3 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement : " 1. Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. (...) / 3. Les plans et programmes visés au paragraphe 2 qui déterminent l'utilisation de petites zones au niveau local et des modifications mineures des plans et programmes visés au paragraphe 2 ne sont obligatoirement soumis à une évaluation environnementale que lorsque les États membres établissent qu'ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. (...) " Dans son arrêt du 21 décembre 2016 rendu dans l'affaire n° C-444/15 " Associazione Italia Nostra Onlus c/ Comune di Venezia et a. ", la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'" il y a lieu de constater que, par l'emploi de l'expression "petites zones au niveau local", d'une part, le législateur de l'Union a entendu prendre comme référence le cadre du ressort territorial de l'autorité locale qui a élaboré et/ou adopté le plan ou le programme concerné. D'autre part, dans la mesure où le critère de l'utilisation de "petites zones" doit être rempli en sus de celui de la détermination au niveau local, la zone concernée doit représenter, proportionnellement à ce ressort territorial, une faible taille ".

5. Aux termes de l'article 26 du décret du 13 octobre 2021 portant modification des dispositions relatives à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme et des unités touristiques nouvelles : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux procédures d'élaboration et de révision des plans locaux d'urbanisme pour lesquelles une décision de dispense d'évaluation environnementale, prise par l'autorité environnementale en application de l'article R. 104-28 du code de l'urbanisme, est intervenue avant son entrée en vigueur. Les autres procédures pour lesquelles une décision de l'autorité environnementale est intervenue en application de l'article R. 104-28 du code de l'urbanisme avant la date d'entrée en vigueur du présent décret restent régies par les dispositions antérieurement applicables ". Il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée que la mission régionale d'autorité environnementale d'Ile-de-France a dispensé d'évaluation environnementale la révision du plan local d'urbanisme de Septeuil par une décision du 2 avril 2021, antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 13 octobre 2021. Les dispositions de l'article R. 104-11 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de ce décret étaient donc applicables en l'espèce. Aux termes de ces dispositions : " I. - Les plans locaux d'urbanisme font l'objet d'une évaluation environnementale à l'occasion : / 1° De leur élaboration ; / 2° De leur révision : / (...) / b) Lorsque l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou la commune décide de changer les orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables ; (...) ". Il ressort des pièces des dossiers soumis au juge des référés du tribunal administratif que, pour permettre la révision litigieuse de son plan local d'urbanisme, la commune de Septeuil avait modifié les orientations de son projet d'aménagement et de développement durable par une délibération de son conseil municipal du 12 novembre 2020. Il suit de là que la révision dont s'agit devait être précédée d'une évaluation environnementale et qu'en jugeant que tel n'était pas le cas, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit. Les associations requérantes sont, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leurs pourvois, fondées à demander, pour ce motif, l'annulation de son ordonnance.

6. Il y a lieu, pour le Conseil d'Etat statuant au contentieux de faire application de l'article L. 822-1 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre des pouvoirs du juge des référés.

7. En premier lieu, l'association " Septeuil Demain " a pour objet, aux termes de ses statuts de " mobiliser les habitants autour d'un projet effectivement démocratique et participatif de gestion et de vie à Septeuil en informant objectivement les habitants sur la vie communale et intercommunale, en proposant de réels espaces d'expression aux habitants, en instaurant et favorisant un véritable débat entre élus et citoyens, en facilitant les échanges constructifs (culturels, de savoir et d'expérience), en initiant des projets concrets relatifs à l'amélioration de la vie locale ". Eu égard au caractère imprécis et trop général de cet objet, et compte tenu également de l'absence, dans ses statuts, de toute référence à la possibilité d'ester en justice comme l'un des moyens dont l'association use en vue de la poursuite de ses objectifs, elle ne peut être regardée comme justifiant d'un intérêt lui donnant qualité pour demander la suspension, sur le fondement des dispositions de l'article L. 122-11 du code de l'environnement, de la délibération en litige. Les conclusions de la demande de première instance sont, par suite, irrecevables en tant qu'elles émanent de cette association et ne peuvent, dans cette mesure, qu'être rejetées.

8. En deuxième lieu, l'association " Sauvons les Yvelines ", dont l'objet social est " la défense du patrimoine et de l'environnement des Yvelines ", justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir dans la présente instance. La fin de non-recevoir opposée par la commune de Septeuil aux conclusions de la demande en tant qu'elles émanent de cette association doit, dès lors, être écartée.

9. En troisième lieu, la demande de première instance n'est pas irrecevable en tant qu'elle émane de l'association " Jonction d'Associations de Défense de l'Environnement " faute de justification de l'habilitation de son président à ester en justice. En effet, les procédures de référé de l'article L. 122-11 du code de l'environnement obéissent, notamment pour leur instruction, leur jugement et les voies de recours, au régime de droit commun des demandes de suspension de l'exécution des décisions administratives. Or, le président d'une association n'a pas à justifier de son habilitation à ester en justice pour introduire une procédure en référé-suspension sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

10. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la révision du plan local d'urbanisme de la commune de Septeuil devait faire l'objet d'une évaluation environnementale. Il est constant que cette évaluation n'a pas été menée. Par suite, par application des dispositions citées au point 2 de l'article L. 122-11 du code de l'environnement, il incombe au Conseil d'Etat de suspendre l'exécution de la délibération du conseil municipal de Septeuil du 17 février 2022 approuvant cette révision.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge des associations requérantes, à l'exception de l'association " Septeuil Demain " en première instance. S'agissant de cette association, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme que demande la commune de Septeuil au titre de ces dispositions. Le droit de plaidoirie institué par l'article L. 723-2 du code de la sécurité sociale entrant dans les sommes susceptibles d'être prises en compte au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, les conclusions distinctes présentées par la commune de Septeuil tendant à ce que ce droit soit mis à la charge des associations requérantes doivent être rejetées par les mêmes motifs. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Septeuil, au titre de la première instance, une somme globale de 1 500 euros à verser aux associations requérantes, à l'exception de l'association " Septeuil Demain ", ainsi qu'à M. A... E..., M. D... B... et Mme F... C..., et, au titre de l'instance de cassation, une somme globale de 3 000 euros, à verser à la société Le Prado-Gilbert, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, au titre de ces mêmes dispositions combinées avec celles de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à condition que cette société renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles du 16 mai 2022 est annulée.

Article 2 : La délibération du conseil municipal de Septeuil du 17 février 2022 approuvant la révision du plan local d'urbanisme est suspendue.

Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par l'association " Septeuil Demain " devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles sont rejetées.

Article 4 : La commune de Septeuil versera aux associations " Sauvons la Tournelle ", " Sauvons les Yvelines ", " Jonction des associations de Défense de l'Environnement ", à M. A... E..., M. D... B... et Mme F... C... une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux en première instance et non compris dans les dépens.

Article 5 : La commune de Septeuil versera à la société Le Prado-Gilbert, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des associations requérantes dans l'instance de cassation, une somme globale de 3 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Septeuil présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée aux associations " Sauvons la Tournelle ", " Sauvons les Yvelines ", " Septeuil Demain ", " Jonction des associations de Défense de l'Environnement " et à la commune de Septeuil.

Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 juin 2023 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Alain Seban, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 12 juillet 2023

Le président :

Signé : M. Olivier Yeznikian

Le rapporteur :

Signé : M. Alain Seban

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 465248
Date de la décision : 12/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2023, n° 465248
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Seban
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT ; SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465248.20230712
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