Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 2 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Invacare Poirier demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ont implicitement rejeté la demande d'inscription des dispositifs médicaux " Alber Scalamobil S35 " et " Alber Scalamobil S38 " sur la liste des produits et prestations remboursables ;
2°) à ce qu'il soit enjoint à ces ministres de statuer à nouveau sur la demande d'inscription des dispositifs médicaux " Alber Scalamobil S35 " et " Alber Scalamobil S38 " sur la liste des produits et prestations remboursables dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Redondo, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Invacare Poirier demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ont implicitement rejeté la demande d'inscription des dispositifs médicaux " Alber Scalamobil S35 " et " Alber Scalamobil S38 " sur la liste des produits et prestations remboursables.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale : " Le remboursement par l'assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel, des tissus et cellules issus du corps humain quel qu'en soit le degré de transformation et de leurs dérivés, des produits de santé autres que les médicaments visés à l'article L. 162-17 et des prestations de services et d'adaptation associées est subordonné à leur inscription sur une liste établie après avis d'une commission de la Haute Autorité de santé mentionnée à l'article L. 161-37 ". L'article R. 165-8 du même code dispose que : " Les décisions relatives, d'une part, à l'inscription ou à la modification de l'inscription d'un produit ou d'une prestation sur la liste prévue à l'article L. 165-1 et, d'autre part, à la fixation de son tarif et, le cas échéant, de son prix sont prises et communiquées dans un délai de cent quatre-vingt jours à compter de la réception de la demande présentée par le fabricant ou le distributeur. Elles sont publiées au Journal officiel. Toutefois, si les éléments d'appréciation communiqués par le fabricant ou le distributeur sont insuffisants, le ministre chargé de la sécurité sociale, le ministre chargé de la santé, le comité économique des produits de santé ou la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé notifie immédiatement au demandeur les renseignements complémentaires détaillés qui sont exigés. Dans ce cas, le délai mentionné au premier alinéa est suspendu à compter de la date de réception de cette notification et jusqu'à la date de réception des informations demandées ". Aux termes de l'article R. 165-16 du même code : " Les décisions portant refus d'inscription sur la liste prévue à l'article L. 165-1, refus de renouvellement d'inscription, radiation de la liste ou refus de modification de l'inscription, du tarif, du prix ou des remises prévues au II de l'article L. 165-4 doivent, dans la notification au fabricant ou distributeur, être motivées et mentionner les voies et délais de recours qui leur sont applicables. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où la demande d'inscription sur la liste des produits et prestations remboursables a été implicitement rejetée, l'absence de communication des motifs de ce refus dans le délai d'un mois suivant la demande faite à cette fin par la personne intéressée a pour effet d'entacher d'illégalité la décision implicite de rejet.
4. Il ressort des pièces du dossier que la société Invacare Poirier a déposé, le 20 mai 2021, une demande d'inscription des dispositifs " Albert Scalamobil S35 " et " Albert Scalamobil S38 " sur la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Il résulte des dispositions citées au point 2 qu'est née une décision implicite de rejet de cette demande. Par lettre du 4 mars 2022, la société requérante a demandé la communication des motifs de cette décision aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale sur le fondement de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration. Faute de réponse à cette demande dans le délai d'un mois suivant cette demande, la décision implicite de rejet litigieuse est entachée d'illégalité.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen qu'elle soulève, que la société Invacare Poirier est fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque.
6. Eu égard au motif d'illégalité retenu, cette annulation implique seulement d'enjoindre le réexamen, dans le délai d'un mois, de la demande de cette société d'inscription des dispositifs médicaux " Alber Scalamobil S35 " et " Alber Scalamobil S38 " sur la liste des produits et prestations remboursables prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.
7 Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Invacare Poirier au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision implicite refusant d'inscrire les dispositifs médicaux " Alber Scalamobil S35 " et " Alber Scalamobil S38 " sur la liste des produits et prestations remboursables est annulée.
Article 2 : Il est enjoint aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale de réexaminer la demande de la société Invacare Poirier dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à la société Invacare Poirier une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Invacare Poirier, au ministre de la santé et de la prévention et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 29 juin 2023 où siégeaient : M. Damien Botteghi, assesseur, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et Mme Anne Redondo, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 12 juillet 2023.
Le président :
Signé : M. Damien Botteghi
La rapporteure :
Signé : Mme Anne Redondo
Le secrétaire :
Signé : M. Mickaël Lemasson