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12/07/2023 | FRANCE | N°461518

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 12 juillet 2023, 461518


Vu la procédure suivante :

M. G... H... et Mme F... B... épouse H... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 décembre 2016 par lequel le maire de Lacanau a accordé à M. D... E... et à Mme A... C... née E... un permis de construire une maison d'habitation sur une parcelle située 5 allée du Petit Moutchic à Lacanau. Par un jugement n° 1700505 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n°s 19BX04425, 19BX04480 du 17 décembre 2021, la cour administrat

ive d'appel de Bordeaux a rejeté les appels formés contre ce jugement par les ...

Vu la procédure suivante :

M. G... H... et Mme F... B... épouse H... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 décembre 2016 par lequel le maire de Lacanau a accordé à M. D... E... et à Mme A... C... née E... un permis de construire une maison d'habitation sur une parcelle située 5 allée du Petit Moutchic à Lacanau. Par un jugement n° 1700505 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n°s 19BX04425, 19BX04480 du 17 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les appels formés contre ce jugement par les consorts E... et la commune de Lacanau.

1° Sous le n° 451518, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 février et 13 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Lacanau demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme H... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 461572, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 février et 16 mai 2022 et le 10 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les consorts E... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 17 décembre 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme H... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la commune de Lacanau, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme H..., à la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat des consorts E... ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 30 juin 2023, présentées par la commune de Lacanau sous les n° 461518 et 461572 ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par arrêté du 6 décembre 2016, le maire de Lacanau a délivré aux consorts E... un permis de construire pour un projet consistant à remplacer deux maisons d'habitation d'une surface de plancher totale de 90 m² par une unique maison individuelle d'une surface de plancher de 119,83 m² sur un terrain situé dans le quartier du Moutchic à Lacanau, dans la bande littorale des cent mètres à compter de la limite haute du rivage du lac de Lacanau. Par un jugement du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a, sur demande des époux H..., annulé cet arrêté. Par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre, la commune de Lacanau et les consorts E... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 17 décembre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leurs appels formés contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dans les communes littorales : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Le premier alinéa de l'article L. 121-13 du même code dispose que : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. " Aux termes de l'article L. 121-16 du même code : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement ".

3. Il résulte de ces dispositions, sous réserve des exceptions qu'elles prévoient, que, dans les communes littorales, les constructions peuvent être autorisées soit en hameaux nouveaux, soit en continuité avec les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, aucune construction ne pouvant en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages et, s'agissant des espaces proches du rivage, à la condition qu'elles n'entraînent qu'une extension limitée de l'urbanisation spécialement justifiée et motivée et qu'elles soient situées en dehors de la bande littorale des cent mètres à compter de la limite haute du rivage. Ne peuvent déroger à l'interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu'ils n'entraînent pas une densification significative de ces espaces.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que le permis de construire litigieux était illégal, la cour administrative d'appel a relevé, d'une part, que le quartier du Moutchic comporte une soixantaine d'habitations individuelles de type pavillonnaire situées le long des voies publiques de l'allée du petit Moutchic et de l'avenue de la Plage, ainsi que quelques restaurants, des équipements nautiques et un camping et, d'autre part, que ce quartier d'urbanisation diffuse est éloigné des agglomérations de Lacanau Océan et du bourg de Lacanau et ne saurait ainsi être regardé comme un espace urbanisé au sens des dispositions du code de l'urbanisme citées au point précédent. Il ressort toutefois des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que le quartier du Moutchic, présenté dans le document d'orientation générale du schéma de cohérence territoriale des lacs Médocains comme urbanisé depuis 1922, " pensé et conçu comme une station lacustre à part entière ", à l'inverse des autres espaces d'urbanisation qui se sont développés autour du lac, compte plus de deux cents habitations ainsi que treize commerces dont quatre ouverts à l'année, regroupés le long de l'avenue de la Plage et de l'allée du petit Moutchic. Dès lors, en jugeant que le projet litigieux n'était pas situé dans un espace urbanisé caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions, où les projets peuvent par dérogation être réalisés à la condition qu'ils n'entraînent pas une densification significative, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces des dossiers qui lui étaient soumis.

5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Lacanau et les consorts E... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leurs pourvois.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme H... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Lacanau et une somme de 1 500 euros à verser aux consorts E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Lacanau et des consorts E..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 17 décembre 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : M. et Mme H... verseront une somme de 1 500 euros à la commune de Lacanau et une somme de 1 500 euros aux consorts E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de M. et Mme H... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Lacanau, à M. D... E..., premier dénommé, pour les consorts E... et à M. G... H... et Mme F... B... épouse H....

Délibéré à l'issue de la séance du 29 juin 2023 où siégeaient : M. Damien Botteghi, assesseur, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice-rapporteure.

Rendu le 12 juillet 2023.

Le président :

Signé : M. Damien Botteghi

La rapporteure :

Signé : Mme Ariane Piana-Rogez

Le secrétaire :

Signé : M. Mickaël Lemasson


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 461518
Date de la décision : 12/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2023, n° 461518
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ariane Piana-Rogez
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET ; SCP LE BRET-DESACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:461518.20230712
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