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10/07/2023 | FRANCE | N°468764

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 10 juillet 2023, 468764


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 novembre 2022 et 7 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association La Cimade demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'" information n° INTV2213078J du 9 mai 2022 relative à la gestion du parc de places d'hébergement en dispositif de préparation au retour (DPAR) " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièc

es du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 2016679 du Parlement européen et du Con...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 novembre 2022 et 7 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association La Cimade demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'" information n° INTV2213078J du 9 mai 2022 relative à la gestion du parc de places d'hébergement en dispositif de préparation au retour (DPAR) " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 2016679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 juin 2023, présentée par La Cimade ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 711-2 du code du séjour et de l'entrée des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut solliciter un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine ". Aux termes de l'article R. 711-3 du même code : " Les conditions d'octroi et le montant de l'aide au retour mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 711-2 sont déterminés par le ministre chargé de l'immigration, après avis du conseil d'administration de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". L'article R. 711-4 du même code dispose que : " L'aide au retour peut comprendre : / 1° La prise en charge des frais de réacheminement ; / 2° Une allocation destinée à faciliter la réinsertion dans le pays de retour ; / 3° Le cas échéant, une aide technique et un suivi de projet ". Selon l'article R. 711-5 du même code : " La mise en œuvre de l'aide est assurée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

2. Par une circulaire intitulée " information du 9 mai 2022 relative au parc d'hébergement en dispositif de préparation au retour (DPAR) ", le ministre de l'intérieur et le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ont adressé des instructions aux préfets de région et de département, ainsi qu'aux directeurs territoriaux de l'Office, concernant l'organisation et le fonctionnement des dispositifs de préparation au retour, qui reposent notamment sur l'hébergement et l'accompagnement d'étrangers sollicitant l'aide au retour volontaire prévue à l'article L. 711-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou susceptibles de la solliciter. Ils y précisent la conduite à tenir en ce qui concerne le profil des publics hébergés, le partenariat entre les préfectures et les directions territoriales de l'OFII, les conditions d'accueil et de sortie du dispositif, la mobilisation des places en dehors du droit commun de ce dispositif et la prise en charge budgétaire. L'association La Cimade demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette circulaire.

Sur la légalité externe :

3. En premier lieu, la circulaire attaquée prévoit l'hébergement et l'accompagnement administratif dans des structures, dénommées dispositifs de préparation au retour, d'étrangers sollicitant ou susceptibles de solliciter l'aide au retour volontaire prévue à l'article L. 711-2 du code du séjour et de l'entrée des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que les DPAR ont vocation à accueillir, pour une durée n'excédant pas en principe 90 jours, des personnes éligibles à cette aide et présentant des perspectives raisonnables d'éloignement, en priorité des demandeurs d'asile déboutés et des familles avec enfants.

4. D'une part, contrairement à ce que soutient la Cimade, ces dispositifs, eu égard à leur objet et leurs caractéristiques, ne sauraient être regardés comme des établissements et services sociaux et médico-sociaux au sens de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ni, d'ailleurs, comme des lieux d'hébergement pour demandeurs d'asile au sens de l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, la circulaire litigieuse pouvait légalement préciser l'organisation des services de l'Etat et de l'OFII en ce qu'ils participent à la politique d'aide au retour, afin de leur permettre de remplir leurs missions à ce titre et d'assurer la prise en charge des personnes susceptibles d'en relever. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence du ministre de l'intérieur et du directeur général de l'OFII pour signer cette circulaire et du défaut de signature par le ministre chargé de la politique du logement et de l'hébergement d'urgence doivent être écartés.

5. En second lieu, si la Cimade soutient que la section sociale du Comité national d'organisation sanitaire et sociale aurait dû être consultée préalablement à l'édiction de la circulaire attaquée, elle ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 312-3 du code de l'action sociale et des familles, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, les DPAR ne constituent pas des établissements et services relevant des catégories mentionnées au I de l'article L. 312-1 de ce code.

Sur la légalité interne :

6. En premier lieu, si l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret. / Un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la commission mentionnée au titre IV précise les autres modalités d'application du présent article " et si l'article R. 312-7 du même code prévoit que les instructions ou circulaires qui n'ont pas été publiées sur l'un des supports requis dans un délai de quatre mois à compter de leur signature sont réputées abrogées, les instructions des 18 janvier et 31 mars 2021 par lesquelles le ministre de l'intérieur et des outre-mer a défini, à destination des préfectures et directions territoriales de l'OFII, les actions à conduire en matière d'hébergement au sein des dispositifs de préparation au retour et les objectifs et règles d'organisation et de fonctionnement de ces dispositifs, ne comportent pas de description des procédures administratives ni d'interprétation du droit positif au sens de ces dispositions. Elles ne peuvent donc être regardées comme abrogées en raison de leur absence de publication sur un des supports légalement prévus à cette fin. Par suite, le moyen tiré de ce que la circulaire litigieuse serait illégale en ce qu'elle se réfère à des instructions réputées abrogées ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, la circulaire attaquée prévoit que l'admission dans les DPAR est prononcée par le préfet après avis de l'OFII. Si la Cimade se prévaut des dispositions de l'article R. 345-4 du code de l'action sociale et des familles et de l'article L. 552-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, donnant compétence au responsable du centre d'hébergement sur proposition du service intégré d'accueil et d'orientation et à l'OFII pour prononcer les admissions respectivement dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale et dans un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées, les places dans les DPAR n'étant pas au nombre des hébergements concernés.

8. En troisième lieu, pour les mêmes motifs qu'au point précédent, la Cimade ne peut utilement soutenir que la circulaire attaquée, y compris en ce qu'elle permet la mobilisation provisoire de places vacantes au sein des DPAR dans le cadre d'opérations de mises à l'abri, méconnaîtrait les dispositions du code de l'action sociale et des familles et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au maintien et à la durée d'hébergement, ainsi qu'à la durée de conventionnement, applicables respectivement dans les établissements sociaux et médico-sociaux et les lieux d'hébergement pour demandeurs d'asile.

9. En quatrième lieu, la circulaire contestée pouvait sans illégalité prévoir une durée de prise en charge dans les DPAR limitée en principe à 90 jours, dans l'attente d'un retour de l'étranger dans son pays d'origine et pour autant que cette perspective demeure réalisable à brève échéance.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 142-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les agents des préfectures compétents pour l'application de la réglementation relative aux étrangers individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet peuvent être destinataires des données nominatives contenues dans le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " Outil de statistique et de contrôle de l'aide au retour ", mis en œuvre par l'OFII. La circulaire attaquée, qui prévoit la communication aux services immigration des préfectures de données concernant les personnes orientées en DPAR par l'OFII, n'a pas pour objet et ne pourrait légalement avoir pour effet de dispenser du respect des dispositions régissant ce traitement ni de celles relatives à la protection des données personnelles.

11. Il résulte de ce qui précède que la Cimade n'est pas fondée à demander l'annulation de la circulaire qu'elle attaque.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la Cimade est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association La Cimade, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 juin 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Benoît Bohnert, Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Clément Tonon, auditeur-rapporteur.

Rendu le 10 juillet 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Clément Tonon

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 468764
Date de la décision : 10/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2023, n° 468764
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Clément Tonon
Rapporteur public ?: M. Philippe Ranquet

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468764.20230710
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