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10/07/2023 | FRANCE | N°451534

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 10 juillet 2023, 451534


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° S 2021-0085 du 9 février 2021, la Cour des comptes a constitué M. B... A..., agent comptable de l'université Paris IV, débiteur de l'université Sorbonne Université pour la somme de 115 709,67 euros, augmentée des intérêts, au titre de l'exercice 2017, au titre des charges n° 1 et n° 5 relatives à plus d'une centaine de créances non recouvrées, pour la somme de 100 euros au titre de l'exercice 2015, au titre de la charge n° 3, pour les sommes, augmentées des intérêts, de 11 272,40 euros au titre de l'exercice 2013, 821 euros

au titre de l'exercice 2014, 798 euros au titre de l'année 2015, 20 272,5...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° S 2021-0085 du 9 février 2021, la Cour des comptes a constitué M. B... A..., agent comptable de l'université Paris IV, débiteur de l'université Sorbonne Université pour la somme de 115 709,67 euros, augmentée des intérêts, au titre de l'exercice 2017, au titre des charges n° 1 et n° 5 relatives à plus d'une centaine de créances non recouvrées, pour la somme de 100 euros au titre de l'exercice 2015, au titre de la charge n° 3, pour les sommes, augmentées des intérêts, de 11 272,40 euros au titre de l'exercice 2013, 821 euros au titre de l'exercice 2014, 798 euros au titre de l'année 2015, 20 272,50 euros au titre de l'année 2016 et 18 026 euros au titre de l'exercice 2017 au titre de la charge n° 6, relative au versement d'indemnités de formation continue à quatre agents, et de la somme de 1 200 euros, augmentée des intérêts, au titre de l'exercice 2016, au titre de la charge n° 8.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril et 2 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en ce qu'il l'a constitué débiteur de l'université Sorbonne Université, d'une part, pour la somme de 115 709,67 euros, augmentée des intérêts, au titre de l'exercice 2017 au titre des charges n° 1 et n° 5, et d'autre part pour les sommes, augmentées des intérêts, de 11 272,40 euros au titre de l'exercice 2013, 821 euros au titre de l'exercice 2014, 798 euros au titre de l'année 2015, 20 272,50 euros au titre de l'année 2016 et 18 026 euros au titre de l'exercice 2017 au titre de la charge n° 6 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des juridictions financières ;

- la loi n° 63-156 du 23 février 1963, notamment son article 60 ;

- l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 9 février 2021, la Cour des comptes a constitué M. A..., agent comptable de l'université Paris IV, débiteur de l'université Sorbonne Université, établissement public de l'Etat, au titre des exercices 2013 à 2017. M. A... se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a prononcé à son encontre, d'une part, un débet d'un montant de 115 709,67 euros au titre de l'exercice 2017 et des charges n° 1 et 5, relatives à plus d'une centaine de créances non recouvrées et, d'autre part, un débet d'un montant, respectivement, de 11 272,40 euros au titre de l'exercice 2013, de 821 euros au titre de l'exercice 2014, de 798 euros au titre de l'année 2015, de 20 272,50 euros au titre de l'année 2016 et de 18 026 euros au titre de l'exercice 2017, et ce au titre de la charge n° 6, relative au versement d'indemnités de formation continue à quatre agents.

2. Aux termes du I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 de finances pour 1963, dans sa rédaction applicable en l'espèce, " I. - Outre la responsabilité attachée à leur qualité d'agent public, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public, désignées ci-après par le terme d'organismes publics, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent. / Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. / La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu'une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes. / (...) ". Aux termes du III du même article : " III. - La responsabilité pécuniaire des comptables publics s'étend à toutes les opérations du poste comptable qu'ils dirigent depuis la date de leur installation jusqu'à la date de cessation des fonctions. / Cette responsabilité s'étend aux opérations des comptables publics placés sous leur autorité et à celles des régisseurs et dans la limite des contrôles qu'ils sont tenus d'exercer, aux opérations des comptables publics et des correspondants centralisées dans leur comptabilité ainsi qu'aux actes des comptables de fait, s'ils ont eu connaissance de ces actes et ne les ont pas signalés à leurs supérieurs hiérarchiques. / (...) ". Aux termes du VI du même article : " VI. - La responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent. Les ministres concernés peuvent déléguer cette compétence. / Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, le juge des comptes peut l'obliger à s'acquitter d'une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l'espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d'Etat en fonction du niveau des garanties mentionnées au II. / Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l'organisme public a dû procéder à l'indemnisation d'un autre organisme public ou d'un tiers ou a dû rétribuer un commis d'office pour produire les comptes, le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante. / (...) ".

Sur les charges n° 1 et 5 :

3. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour des comptes que, par un arrêté du 18 décembre 2017, le président de l'université Paris IV a, sur proposition du conseil d'administration de l'université, admis en non-valeur 107 créances, pour un montant total de 300 638,49 euros correspondant à des créances restant impayées. Ces créances étaient présentées comme étant en lien avec le jugement correctionnel du tribunal judiciaire de Paris en date du 17 octobre 2016 qui avait déclaré une ancienne comptable de l'université coupable d'avoir, entre le 28 janvier 2009 et le 24 juillet 2014, commis des faits d'abus de confiance et de faux et usage de faux, en encaissant 193 chèques préalablement falsifiés à son profit et ce au préjudice de l'université Paris-Sorbonne, et l'avait condamnée à rembourser à l'université la somme de 317 457,17 euros, correspondant au montant des 193 chèques ainsi détournés.

4. En premier lieu, l'article 19 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique précise les contrôles à la charge des comptables publics en matière de recettes. Aux termes de cet article : " Le comptable public est tenu d'exercer le contrôle : / 1° S'agissant des ordres de recouvrer : / a) de la régularité de l'autorisation de percevoir la recette ; / b) dans la limite des éléments dont il dispose, de la mise en recouvrement des créances et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recouvrer ; / (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions et de celles citées au point 2 que, lorsqu'un comptable public a manqué à son obligation de recouvrer une recette, le juge des comptes apprécie, d'abord, s'il y a lieu d'engager sa responsabilité. A ce titre, si le juge des comptes doit s'abstenir de toute appréciation du comportement personnel du comptable intéressé et ne peut fonder ses décisions que sur les éléments matériels des comptes, il lui appartient de se prononcer sur le point de savoir si le comptable s'est livré aux différents contrôles qui lui incombent et s'il a exercé, dans des délais appropriés, toutes les diligences requises pour le recouvrement de la créance, diligences qui ne peuvent être dissociées du jugement du compte. Lorsque le juge des comptes estime, au terme de cette appréciation, que le comptable a manqué aux obligations qui lui incombaient au titre du recouvrement des recettes faute d'avoir exercé les diligences et les contrôles requis, ce manquement doit, en principe, être regardé comme ayant causé un préjudice financier à l'organisme public concerné. Le comptable est alors dans l'obligation de verser immédiatement, de ses deniers personnels, la somme non recouvrée. Toutefois, lorsqu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des éléments produits par le comptable, qu'à la date du manquement, la recette était irrécouvrable en raison notamment de l'insolvabilité de la personne qui en était redevable, le préjudice financier ne peut être regardé comme imputable au manquement. Une telle circonstance peut être établie par tous documents, y compris postérieurs au manquement. Dans le cas où le juge des comptes estime qu'au vu de ces éléments, le manquement du comptable n'a pas causé de préjudice financier à l'organisme public concerné, il peut alors décider, sur le fondement non plus du troisième mais du deuxième alinéa du VI de l'article 60, d'obliger le comptable à s'acquitter d'une somme qu'il arrête en tenant compte des circonstances de l'espèce.

6. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour constituer M. A... débiteur de la somme de 115 709,67 euros, correspondant à certaines des créances ainsi admises en non-valeur, la Cour des comptes a relevé qu'il avait manqué à ses obligations, en ne procédant pas à des diligences adéquates, complètes et rapides pour le recouvrement de ces créances et en ne procédant pas à l'imputation des règlements reçus aux créances correspondantes pour plus de cinquante d'entre elles. Il résulte des dispositions citées au point 4 que les diligences requises pour le recouvrement de créances auxquelles est tenu le comptable public, et dont l'insuffisance ou l'inaccomplissement est susceptible de constituer un manquement de celui-ci, recouvrent l'exacte imputation des règlements perçus aux créances correspondantes, cette diligence étant un préalable nécessaire pour déterminer si une créance a ou non été recouvrée et si elle doit ou non faire l'objet de diligences spécifiques pour son recouvrement. Ainsi, l'inexacte imputation des règlements perçus aux créances correspondantes est susceptible de constituer un manquement du comptable public dès lors qu'elle est à l'origine du non-recouvrement des créances. Il suit de là qu'en jugeant que la correcte imputation des règlements reçus des débiteurs aux créances qui leur correspondent fait intégralement partie des diligences de recouvrement, la Cour des comptes n'a pas commis d'erreur de droit.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 142-1-2 du code des juridictions financières : " Lorsque le ministère public relève, dans les rapports mentionnés à l'article L. 142-1 ou au vu des autres informations dont il dispose, un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, ou présomptif de gestion de fait, il saisit la Cour des comptes. / (...) La procédure est contradictoire. A leur demande, le comptable et l'ordonnateur ont accès au dossier. / (...) ". Aux termes du 2ème alinéa de l'article R. 142-14 du même code : " L'arrêt, motivé, statue sur chacun des griefs du réquisitoire et sur les observations des parties auxquelles il a été notifié. En appel, il statue sur les moyens soulevés et, s'il y a lieu, ceux d'ordre public. ". Il résulte de ces dispositions que le juge des comptes ne peut fonder les décisions qu'il rend dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle que sur les griefs retenus par le ministère public dans son réquisitoire introductif d'instance et, le cas échéant, dans un réquisitoire supplétif, comme susceptibles de fonder une charge à l'encontre du comptable concerné.

8. Il ressort des termes du réquisitoire à fin d'instructions de charges de la Procureure générale près la Cour des comptes que celle-ci a retenu, pour estimer que l'insuffisance des diligences en vue du recouvrement de ces créances, objets des charges n° 1 et 5, était de nature à faire présumer des irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. A..., que " la responsabilité du comptable du fait du recouvrement des recettes s'apprécie au regard de l'étendue de ses diligences qui doivent être adéquates, complètes et rapides ; que ces diligences recouvrent notamment la correcte imputation des règlements reçus des créances aux créances correspondantes ". Il ressort de cette motivation qu'étaient visés le grief spécifique tenant à l'inexacte imputation des règlements reçus aux créances correspondantes, mais également le grief plus général tenant à l'insuffisance des diligences en vue du recouvrement des créances. Par suite, le moyen tiré de ce que la Cour des comptes aurait entaché son arrêt d'irrégularité en retenant l'existence d'un manquement tenant à l'absence de diligences en vue du recouvrement des créances impayées, alors qu'un tel manquement n'était pas clairement visé au réquisitoire introductif de la Procureure générale, doit être écarté.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour des comptes que si 107 créances ont été admises en non-valeur, aucun lien direct ou indirect avec les chèques détournés n'a pu être effectué pour certaines d'entre elles. Ainsi, en relevant que M. A... n'a pas rapporté la preuve que les diligences requises pour le recouvrement de certaines créances, admises en non-valeur et pour lesquelles l'instruction n'avait permis d'établir aucun lien, direct ou indirect, avec les chèques détournés, avaient été effectuées, la Cour des comptes, qui ce faisant n'a pas inversé la charge de la preuve, n'a pas commis d'erreur de droit.

10. En quatrième lieu, l'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives, qui s'impose aux juridictions administratives, s'attache notamment à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement, qui sont le support nécessaire du dispositif. Le moyen tiré de la méconnaissance de cette autorité, qui présente un caractère absolu, est d'ordre public et peut être invoqué pour la première fois devant le Conseil d'Etat, juge de cassation.

11. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour des comptes que, ainsi qu'il a été dit au point 3, par un jugement correctionnel du tribunal judiciaire de Paris du 17 octobre 2016, une ancienne comptable de l'université a été déclarée coupable des faits d'abus de confiance, faux et usage de faux commis entre le 28 janvier 2009 et 24 juillet 2014 et condamnée à rembourser à l'université la somme de 317 457,17 euros, correspondant au montant de 193 chèques ainsi détournés. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis à la Cour des comptes que les 107 créances admises en non-valeur pour un montant de 300 638,49 euros, suivant un arrêté du Président de l'Université en date du 18 décembre 2017, correspondraient toutes aux créances dont les règlements ont été détournés par l'ancienne agent comptable et pour lesquelles elle a été déclarée coupable en application du jugement correctionnel précité. Il suit de là que c'est sans méconnaître l'autorité de la chose jugée attachée au jugement correctionnel précité que la Cour des comptes a jugé que certaines des créances admises en non-valeur correspondaient à des créances qui n'avaient fait l'objet d'aucun recouvrement.

12. En cinquième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que si la Cour des comptes a considéré que " les opérations frauduleuses, effectuées par la responsable des détournements pour les masquer, ont été rendues possibles par le non-respect des prescriptions du tome III de l'instruction codificatrice M 9-3 (...) concernant les versements imputés au compte 4718 ", elle a néanmoins retenu, comme seuls manquements engageant la responsabilité de M. A... au titre de l'article 60 de la loi de finances du 23 février 1963, l'absence de diligences adéquates, complètes et rapides pour le recouvrement des 107 créances admises en non-valeur et l'absence d'imputation des règlements reçus aux créances correspondantes pour plus de cinquante d'entre elles. Il suit de là que les moyens tirés de l'erreur de droit qu'aurait commise la Cour des comptes en retenant l'existence d'un manquement tenant au non-respect des prescriptions du tome III de l'instruction codificatrice M 9-3 concernant les versements imputés au compte 4718 ne peuvent qu'être écartés.

13. En sixième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour constituer M. A... débiteur de la somme de 115 709,67 euros, la Cour des comptes a évalué le préjudice financier subi par l'université en procédant à un examen au cas par cas des 107 créances admises en non-valeur, tenant compte de l'ensemble des opérations liées aux détournements constatés. Ainsi, elle a considéré que pour les créances admises en non-valeur, qui avaient été intégralement réglées soit par des chèques détournés, soit par des paiements par chèques, prélèvement ou virements imputés irrégulièrement à d'autres créances, les manquements reprochés à M. A... n'avaient causé aucun préjudice financier à l'université. En revanche, elle a estimé que pour d'autres créances, pour lesquelles aucun lien, même indirect, avec les chèques détournés n'avait pu être établi au cours de l'instruction et qui n'avaient fait l'objet d'aucun règlement ou d'un règlement seulement partiel, le préjudice financier causé à l'université par les manquements de M. A... devait être évalué à la somme de 115 709,67 euros. Il suit de là que la Cour des comptes, qui n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée au pénal, n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis, ni commis d'erreur de droit.

14. En septième lieu, en estimant qu'il ne pouvait être inféré de l'échec de diligences de recouvrement intervenues en 2018 que des relances plus précoces n'auraient pas permis d'obtenir de meilleurs résultats quatre ans plus tôt, la Cour des comptes a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.

15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il le déclare débiteur envers l'université Sorbonne Université au titre de l'exercice 2017 de l'université Paris IV d'une somme de 115 709,67 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 19 décembre 2019, au titre des charges n° 1 et n° 5.

Sur la charge n° 6 :

16. Les contrôles mis à la charge des comptables publics en matière de dépenses sont fixés par les articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. Le 2° de l'article 19 de ce décret dispose que le comptable public est tenu d'exercer le contrôle : " ... 2° S'agissant des ordres de payer : / a) De la qualité de l'ordonnateur ; / b) De l'exacte imputation des dépenses au regard des règles relatives à la spécialité des crédits ; / c) De la disponibilité des crédits ; / d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l'article 20 ; / e) Du caractère libératoire du paiement ". Le 4° de l'article 20 de ce décret prévoit que le comptable public, au titre de son contrôle sur la validité de la dette, contrôle la production des pièces justificatives. L'article 50 du même décret dispose que : " les opérations de recettes, de dépenses et de trésorerie doivent être justifiées par des pièces prévues dans des nomenclatures établies, pour chaque catégorie de personnes morales mentionnées à l'article 1er, par arrêté du ministre chargé du budget. (...) / Lorsqu'une opération de dépense n'a pas été prévue par une nomenclature mentionnée ci-dessus, doivent être produites des pièces justificatives permettant au comptable d'opérer les contrôles mentionnés aux articles 19 et 20 ". Enfin, aux termes de l'article 38 du même décret : " Sans préjudice des dispositions prévues par le code général des collectivités territoriales et par le code de la santé publique, lorsqu'à l'occasion de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur. (...) ".

17. Il résulte de ces dispositions que, pour apprécier la validité des créances dont le paiement leur est demandé, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications. A ce titre, il leur revient d'apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée. Pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d'une part, complètes et précises, d'autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée. La circonstance qu'une opération n'a pas été prévue par la nomenclature des pièces justificatives applicable à l'organisme public concerné ne saurait dispenser le comptable public d'exercer tous les contrôles qui lui incombent, et notamment celui du caractère suffisant et cohérent des pièces fournies par l'ordonnateur. Dans une telle hypothèse, il appartient au comptable public de s'assurer de la production de toute pièce justificative pertinente, nécessaire à l'exercice des contrôles qui lui incombent en vertu des lois et règlements. Si ce contrôle peut conduire les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l'origine de la dépense et s'il leur appartient alors d'en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n'ont pas le pouvoir d'apprécier leur légalité.

18. Aux termes des dispositions de l'article D. 714-61 du code de l'éducation : " Les personnels qui, en dehors de leur activité principale, sont soit responsables de l'organisation des actions de formation continue, soit chargés de la gestion financière et comptable de ces actions peuvent être rémunérées au moyen d'indemnités pour travaux supplémentaires établies annuellement et calculées en fonction du volume des activités de formation continue de l'établissement, selon des modalités arrêtées par le ministre chargé du budget et le ministre chargé de l'enseignement supérieur. (...) ".

19. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour des comptes que des indemnités de formation continue ont été versées au Président de l'Université, à la directrice générale des services, à son adjointe et aux agents comptables successifs de l'université entre 2013 et 2017.

20. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour constituer M. A... débiteur des sommes de 11 272,40 euros au titre de l'exercice 2013, 821 euros au titre de l'exercice 2014, 798 euros au titre de l'année 2015, 20 272,50 euros au titre de l'année 2016 et 18 026 euros au titre de l'exercice 2017, correspondant au paiement de ces indemnités de formation continue au Président de l'Université, à la directrice générale des services et aux comptables publics successifs, la Cour des comptes a relevé que si M. A... disposait, pour tous les bénéficiaires d'indemnités de formation continue, d'arrêtés d'attribution et de certificats administratifs, il n'était pas contestable qu'au simple énoncé de la fonction qu'ils occupaient, le Président de l'Université, la directrice générale des services et l'agent comptable assuraient nécessairement, au titre de leur activité principale respective, l'organisation ou la gestion administrative, comptable et financière des actions de formation continue de l'université, de sorte qu'ils ne pouvaient pas bénéficier de ces indemnités. En statuant ainsi, le juge des comptes a exigé du comptable, en méconnaissance des règles exposées aux points 16 et 17, qu'il exerce un contrôle de légalité sur les pièces justificatives fournies par l'ordonnateur, alors que celles-ci ne révélaient pas, par elles-mêmes, d'incohérence au regard de la catégorie de la nomenclature applicable et de la nature et de l'objet de la dépense engagée. Par suite, la Cour des comptes a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

21. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il le déclare débiteur envers l'université Sorbonne Université des sommes, augmentées des intérêts de droit à compter du 19 décembre 2019, de 11 272,40 euros, 821 euros, 798 euros, 20 272,40 euros et 18 026 euros, au titre respectivement des exercices 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017 de l'université Paris IV au titre de la charge n° 6.

Sur les conclusions de M. A... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt n° S 2021-0085 du 9 février 2021 de la Cour des comptes est annulé en tant qu'il déclare M. A... débiteur envers l'université Sorbonne Université des sommes, augmentées des intérêts de droit à compter du 19 décembre 2019, de 11 272,40 euros, 821 euros, 798 euros, 20 272,40 euros et 18 026 euros, au titre respectivement des exercices 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017 de l'université Paris IV au titre de la charge n° 6.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la Cour des comptes.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au Procureur général près la Cour des comptes.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 juin 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 10 juillet 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Juliette Mongin

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 451534
Date de la décision : 10/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2023, n° 451534
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliette Mongin
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:451534.20230710
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