La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2023 | FRANCE | N°463503

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 06 juillet 2023, 463503


Vu la procédure suivante :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence L'Etendard, M. A... E..., Mme H... C... veuve B..., M. G... B..., M. F... B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 septembre 2017 par lequel le maire des Deux Alpes a délivré à la société en nom collectif Lucéma un permis de construire une résidence de tourisme et un parking couvert, assorti de prescriptions, ainsi que la décision du 10 janvier 2018 rejetant leur recours gracieux. Par un jugement n° 1801475 du 18

décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à c...

Vu la procédure suivante :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence L'Etendard, M. A... E..., Mme H... C... veuve B..., M. G... B..., M. F... B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 septembre 2017 par lequel le maire des Deux Alpes a délivré à la société en nom collectif Lucéma un permis de construire une résidence de tourisme et un parking couvert, assorti de prescriptions, ainsi que la décision du 10 janvier 2018 rejetant leur recours gracieux. Par un jugement n° 1801475 du 18 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.

Par un premier arrêt n° 20LY00653 du 9 février 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et sursis à statuer sur la requête d'appel de la société Lucéma jusqu'à l'expiration du délai de six mois imparti à cette société à compter de la notification de cet arrêt pour justifier d'une mesure de régularisation des vices entachant le permis litigieux.

Un permis de construire modificatif a été délivré à la société Lucéma le 14 juin 2021 par le maire des Deux Alpes et versé à l'instruction, dont les intimés ont également demandé l'annulation.

Par un second arrêt n° 20LY00653 du 25 février 2022 mettant fin à l'instance, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le permis de construire délivré le 14 juin 2021 et rejeté l'appel de la société Lucéma.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 avril et 19 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Lucéma demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 février 2022 de la cour administrative d'appel de Lyon ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence L'Etendard la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado, Gilbert, avocat de la société Lucema ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Lucéma a obtenu du maire des Deux Alpes, le 26 septembre 2017, un permis de construire une résidence de tourisme et un parking couvert, pour une surface de plancher totale de 7 530 m². Par un jugement du 18 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit au recours pour excès de pouvoir dirigé contre ce permis par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence L'Etendard et d'autres requérants. Saisie de l'appel formé contre ce jugement par la société Lucéma, la cour administrative de Lyon a, par un premier arrêt du 9 février 2021, faisant application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer jusqu'à l'expiration du délai de six mois imparti à la société Lucéma pour justifier d'une mesure de régularisation des vices identifiés par cet arrêt puis, après que celle-ci eut versé à l'instance le permis de construire modificatif et rectifiant une erreur matérielle délivré le 14 juin 2021 par le maire, dont les intimés ont également demandé l'annulation, la même cour a, par un second arrêt du 25 février 2022 mettant fin à l'instance, annulé le permis de construire délivré le 14 juin 2021 et rejeté l'appel de la société Lucéma. Cette dernière se pourvoit en cassation contre l'arrêt rendu le 25 février 2022.

2. Aux termes de l'article AUs 13 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif aux espaces libres et plantations et aux espaces boisés classés, dans leur rédaction issue de la modification simplifiée n° 3 approuvée par une délibération du conseil municipal des Deux Alpes du 23 mars 2021 : " Espaces verts / Les surfaces libres de toute construction, ainsi que les délaissés des aires de stationnement, seront à dominante végétale composée d'essences locales. Les espaces libres représenteront au moins 30 % du terrain. / Les espaces verts représenteront au moins 50 % des espaces libres. / Un plan des dispositions projetées permettant d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et des abords devra être joint à la demande d'autorisation d'occupation des sols. (...) ". L'article 4, relatif aux définitions, des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme, dans leur rédaction issue de la même modification simplifiée n° 3, définit les espaces libres comme correspondant " aux espaces ne supportant pas de construction. Sont inclus dans les espaces libres les espaces verts (conformément à la définition ci-après), les terrasses, y compris celles situées au-dessus d'une construction enterrée, si elles ne sont pas surélevées de plus de 0,6 m du sol. Les piscines ne sont pas des espaces libres. " La définition donnée des espaces verts est quant à elle la suivante : " Les espaces végétalisés correspondent aux espaces plantés ou végétalisés y compris les toitures végétalisées, possédant un complexe naturel de 60 cm permettant à la végétation de se développer durablement en montagne. / Les espaces verts sont généralement réalisés sur des espaces de pleine terre. Toutefois, sont comptabilisés dans la superficie des espaces verts : / - les espaces aménagés sur dalle, en toiture ou en terrasse possédant un complexe naturel de 60 cm permettant à la végétation de se développer durablement en montagne. / - les cheminements piétonniers et les aires de jeux, dès lors qu'ils sont conçus pour que leur emprise demeure perméable ".

3. Il résulte de ces dispositions que doivent être regardés comme des espaces libres, au sens et pour l'application de la règle selon laquelle ceux-ci doivent représenter au moins 30 % du terrain d'assiette d'un projet en zone AUs, les espaces verts, y compris ceux aménagés sur dalle, en toiture ou en terrasse possédant un complexe naturel de 60 centimètres permettant à la végétation de se développer durablement en montagne. En jugeant qu'elles étaient illégales pour être entachées d'une contradiction rendant leur application impossible, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

4. Il suit de là que la société Lucéma est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence L'Etendard une somme de 3 000 euros à verser à la société Lucéma au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Lucéma, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 25 février 2022 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence L'Etendard versera à la société Lucéma une somme de 3 000 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le syndicat des copropriétaires de la Résidence L'Etendard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société en nom collectif Lucéma et au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence L'Etendard, pour l'ensemble des requérants de première instance.

Copie en sera adressée à la commune des Deux Alpes.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 juin 2023 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 6 juillet 2023.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Pierre Boussaroque

Le secrétaire :

Signé : M. Mickaël Lemasson


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 463503
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 2023, n° 463503
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:463503.20230706
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award