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30/06/2023 | FRANCE | N°468815

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 30 juin 2023, 468815


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2113554 du 9 novembre 2022, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par le syndicat national CGT de la Banque de France.

Par cette requête, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés le 25 juin 2021 et les 28 février, 7 avril et 19 mai 2022 au greffe du tribunal administratif

de Paris, et par un nouveau mémoire enregistré au secrétariat du contentieu...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2113554 du 9 novembre 2022, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par le syndicat national CGT de la Banque de France.

Par cette requête, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés le 25 juin 2021 et les 28 février, 7 avril et 19 mai 2022 au greffe du tribunal administratif de Paris, et par un nouveau mémoire enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 mars 2023, le syndicat national CGT de la Banque de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le gouverneur de la Banque de France a rejeté sa demande tendant à la mise en place de la garantie d'évolution de rémunération pour les femmes de retour de congé maternité prévue par l'article L. 1225-26 du code du travail ;

2°) de mettre à la charge de la Banque de France la somme de

3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code monétaire et financier ;

- le statut du personnel de la Banque de France ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Nissen, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la Banque de France ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat national CGT de la Banque de France demande l'annulation de la décision implicite par laquelle le gouverneur de la Banque de France a rejeté sa demande, présentée par lettre en date du 26 février 2021, tendant à la mise en place de la garantie d'évolution de rémunération pour les femmes de retour de congé maternité prévue par l'article L. 1225-26 du code du travail.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1225-26 du code du travail : " En l'absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise déterminant des garanties d'évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité et à la suite de ce congé au moins aussi favorables que celles mentionnées dans le présent article, cette rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, est majorée, à la suite de ce congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 142-9 du code monétaire et financier : " (...) Le conseil général de la Banque de France détermine, dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article L. 142-2, les règles applicables aux agents de la Banque de France dans les domaines où les dispositions du code du travail sont incompatibles avec le statut ou avec les missions de service public dont elle est chargée (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1211-1 du code du travail, les dispositions du livre II de sa première partie " sont applicables au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel ".

4. Il résulte de la combinaison des dispositions mentionnées au point 3 que les dispositions du livre II de la première partie du code du travail, relatives au contrat de travail, au nombre desquelles figure l'article L. 1225-26 cité au point 2, sont applicables aux agents de la Banque de France, sous réserve de celles d'entre elles qui sont incompatibles avec le statut de la Banque de France ou avec les missions de service public dont elle est chargée.

5. Il ressort des pièces du dossier que la garantie de rattrapage salarial au retour de congé maternité instituée par les dispositions de l'article L. 1225-26 du code du travail citées au point 2 n'est incompatible avec aucune disposition du statut de la Banque de France, ni avec aucune des missions de service public dont elle est chargée. Elle bénéficie, par suite, de plein droit à l'ensemble des agents de la Banque de France, titulaires ou contractuelles, à leur retour de congé maternité, et doit se traduire, le cas échéant, par le versement d'une rémunération majorée des augmentations générales et de la moyenne des augmentations individuelles intervenues pendant ce congé.

6. Les dispositions de l'article L. 1225-26 du code du travail étant applicables de plein droit aux agents de la Banque de France, celle-ci n'est pas tenue d'adopter de mesures à caractère général afin d'en assurer le respect. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la Banque de France, que le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le gouverneur de la Banque de France a rejeté sa demande tendant à la mise en place de la garantie d'évolution de rémunération pour les femmes de retour de congé maternité prévue par cet article du code du travail.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Banque de France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat national CGT de la Banque de France une somme à verser au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du syndicat national CGT de la Banque de France est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Banque de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat national CGT de la Banque de France, et à la Banque de France.

Copie en sera adressée au ministre chargé de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 juin 2023 où siégeaient :

Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Vincent Daumas, M. Nicolas Polge, M. Alexandre Lallet, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et Mme Cécile Nissen, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 30 juin 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Nissen

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre chargé de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 468815
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

13-025 CAPITAUX, MONNAIE, BANQUES. - BANQUE DE FRANCE. - GARANTIE DE RATTRAPAGE SALARIAL AU RETOUR DE CONGÉ MATERNITÉ (ART. L. 1225-26 DU CODE DU TRAVAIL) – 1) APPLICABILITÉ AUX AGENTS DE LA BANQUE DE FRANCE – EXISTENCE [RJ1] – 2) PORTÉE.

13-025 1) La garantie de rattrapage salarial au retour de congé maternité instituée par l’article L. 1225-26 du code du travail n’est incompatible avec aucune disposition du statut de la Banque de France, ni avec aucune des missions de service public dont elle est chargée. ...Elle bénéficie, par suite, de plein droit à l’ensemble des agents de la Banque de France, titulaires ou contractuelles, à leur retour de congé maternité, et 2) doit se traduire, le cas échéant, par le versement d’une rémunération majorée des augmentations générales et de la moyenne des augmentations individuelles intervenues pendant ce congé.


Références :

[RJ1]

Cf., sur les critères d’application du code du travail aux agents de la Banque de France, CE, 21 février 2003, Fédération C.F.D.T. des syndicats de banques et sociétés financières, n° 237772, p. 47, aux Tables sur un autre point. Comp., s’agissant de l’applicabilité aux agents de direction des dispositions du même code relatives à la période d'essai, CE, 5 juin 2015, M. Yildiz , n° 382015, p. 189.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2023, n° 468815
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Nissen
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SARL DELVOLVE ET TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468815.20230630
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