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30/06/2023 | FRANCE | N°465574

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 30 juin 2023, 465574


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 19 janvier 2022 par laquelle elle a constaté le dépôt hors délai du compte de campagne de Mme C... D... et M. A... B..., candidats aux élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans le canton de Pamiers 2 (Ariège). Par un jugement n° 2201469 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a déclaré Mme D... et M.

B... inéligibles pour une durée de douze mois.

Par une requête et...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 19 janvier 2022 par laquelle elle a constaté le dépôt hors délai du compte de campagne de Mme C... D... et M. A... B..., candidats aux élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans le canton de Pamiers 2 (Ariège). Par un jugement n° 2201469 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a déclaré Mme D... et M. B... inéligibles pour une durée de douze mois.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 juillet et

18 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de juger qu'il n'y a pas lieu de le déclarer inéligible.

M. B... soutient :

- que le dépôt hors délai du compte de campagne ne présentait pas un caractère délibéré ;

- que les dépenses engagées étaient justifiées et présentaient un caractère électoral ;

- que la peine d'inéligibilité prononcée est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques conclut au rejet de la requête et déclare s'en remettre à la sagesse du Conseil d'Etat pour l'appréciation d'une volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

La requête a été communiquée à Mme C... D... et au ministère de l'intérieur et des outre-mer, qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 ;

- la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que le binôme constitué par Mme D... et M. B..., candidats aux élections départementales des 20 et 27 juin 2021 dans le canton de Pamiers 2 (Ariège), a obtenu 29,34 % des suffrages exprimés au premier tour et 47,99 % des suffrages exprimés au second tour et n'a pas été élu. Par une décision du 19 janvier 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a constaté le dépôt hors délai de leur compte de campagne. En application de l'article L. 52-15 du code électoral, la Commission a saisi le tribunal administratif de Toulouse, qui a déclaré

Mme D... et M. B... inéligibles pour une durée de douze mois, par un jugement du 9 juin 2022 dont M. B... relève appel.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " I.- Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés (...). / Pour la période mentionnée à l'article L. 52-4 du présent code, le compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection (...). / II.- Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes, notamment d'une copie des contrats de prêts conclus en application de l'article L. 52-7-1 du présent code, ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. (...) ". En vertu de l'article 11 de la loi du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique, la date limite de dépôt du compte de campagne a été fixée au 17 septembre 2021 à 18 heures.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du code électoral : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; (...) / L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. / En cas de scrutin binominal, l'inéligibilité s'applique aux deux candidats du binôme. (...) ".

4. En application des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral citées ci-dessus, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. B... a déposé son compte de campagne le 18 septembre 2021, soit après l'expiration du délai qui lui était imparti pour ce faire en vertu des dispositions citées au point 2 ci-dessus. Si M. B... fait valoir qu'il a adressé par erreur le compte de campagne à la préfecture de l'Ariège sur les conseils de son expert-comptable, ce qu'au demeurant il n'établit pas, il ne justifie pas avoir entrepris au préalable toutes les démarches nécessaires afin de déposer son compte de campagne dans le délai prescrit.

6. En deuxième lieu, il résulte également de l'instruction que le compte de campagne ainsi déposé au-delà de la fin du délai imparti est entaché de nombreuses irrégularités tenant à l'absence des pièces justificatives requises par les dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral et sollicitées par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, tant pour établir l'origine des fonds perçus en recettes, et par suite le respect des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral qui interdisent les dons des personnes morales autres que les partis et groupements politiques, plafonnent le montant des dons des personnes physiques et encadrent l'octroi de prêts aux candidats, que le caractère électoral des dépenses déclarées. Si M. B... soutient que ces dépenses sont justifiées et qu'elles présentent un caractère électoral, il n'en apporte pas la preuve. S'agissant des recettes déclarées, il n'apporte aucune des justifications nécessaires. Par ailleurs, la circonstance que le mandataire financier de M. B... ait rencontré des difficultés pour l'ouverture du compte de campagne est sans incidence sur les nombreuses irrégularités affectant ce compte. Il en résulte que M. B... n'a pas satisfait aux exigences posées par l'article L. 52-12, notamment en ce qui concerne l'origine des recettes perçues.

7. En troisième lieu, si le retard, d'un jour, du dépôt du compte de campagne ne saurait, à lui seul, caractériser un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, eu égard aux circonstances de l'espèce, la gravité des irrégularités mentionnées au point 6 caractérise un tel manquement. Par suite, l'inéligibilité prononcée pour une durée de douze mois, laquelle, conformément aux termes mêmes de l'article L. 118-3 du code électoral cités au point 3, ne s'applique pas aux mandats acquis antérieurement à la date à laquelle elle est prononcée, ne présente pas un caractère disproportionné. M. B... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse l'a prononcée à son encontre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B....

Copie en sera adressée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à Mme D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 juin 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 30 juin 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Martin de Lagarde

La secrétaire :

Signé : Mme Katia Nunes

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 465574
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2023, n° 465574
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Martin de Lagarde
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465574.20230630
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