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30/06/2023 | FRANCE | N°463867

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 30 juin 2023, 463867


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, d'annuler la décision du 30 mars 2020 par laquelle le président du syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille a refusé de lui verser l'allocation d'aide au retour à l'emploi qu'il sollicitait ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte de 100 euros par jour de retard au syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille de lui verser, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, les pres

tations qu'il estime lui être dues. Par un jugement n° 2001665 du 1...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, d'annuler la décision du 30 mars 2020 par laquelle le président du syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille a refusé de lui verser l'allocation d'aide au retour à l'emploi qu'il sollicitait ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte de 100 euros par jour de retard au syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille de lui verser, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, les prestations qu'il estime lui être dues. Par un jugement n° 2001665 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 30 mars 2020 du président du syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. A..., renvoyé M. A... devant le syndicat mixte pour le calcul et le versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A....

Par une ordonnance n° 21LY04092 du 10 mai 2022, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 14 décembre 2021 au greffe de cette cour, présenté par le syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille.

Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 16 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Dijon ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Redondo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat du syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., adjoint technique territorial, a exercé les fonctions de chauffeur de benne auprès du syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille du 27 janvier 2014 au 31 janvier 2020, date de sa démission. Il a ensuite conclu le 3 février 2020 un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'aide maçon avec la société Llorca Bâtiment, qui a mis fin à ce contrat durant la période d'essai par lettre du 5 février 2020. Par une décision du 17 février 2020, Pôle emploi a refusé à M. A... le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi qu'il sollicitait au motif que son indemnisation relevait, en application des articles L. 5422-1, L. 5422-2, L. 5424-1 et R. 5424-2 du code du travail, du syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille, employeur l'ayant occupé pendant la période la plus longue dans la période de référence prise en compte pour l'ouverture de ses droits. Par une décision du 30 mars 2020, le président de ce syndicat mixte a refusé d'accorder à M. A... le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi au motif qu'il ne pouvait pas être regardé comme ayant été involontairement privé d'emploi. Par un jugement du 12 octobre 2021, contre lequel le syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Dijon, saisi par M. A..., a annulé la décision du 30 mars 2020 du président du syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille et renvoyé M. A... devant ce syndicat mixte pour le calcul et le versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 5421-1 du code du travail : " En complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les personnes aptes au travail et recherchant un emploi ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent titre ". Les dispositions du 1° de l'article L. 5424-1 du code du travail étendent notamment aux agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, aux agents titulaires des collectivités territoriales et aux agents statutaires des autres établissements publics administratifs le bénéfice de l'allocation d'assurance instituée par l'article L. 5422-1 du code du travail au profit des travailleurs dont " la privation d'emploi est involontaire, ou assimilée à une privation involontaire par les accords relatifs à l'assurance chômage mentionnés à l'article L. 5422-20 (...) ". Cet article L. 5422-20 du code du travail prévoit que : " Les mesures d'application des dispositions du présent chapitre, à l'exception des articles de la présente section, du 5° de l'article L. 5422-9, des articles L. 5422-10, L. 5422-14 à L. 5422-16 et de l'article L. 5422-25, font l'objet d'accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés. / Ces accords sont agréés dans les conditions définies par la présente section. / En l'absence d'accord ou d'agrément de celui-ci, les mesures d'application sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ".

3. D'autre part, l'article 2 du règlement d'assurance chômage figurant à l'annexe A du décret du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage prévoit en son paragraphe 1 que : " Ont droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi les salariés dont la perte d'emploi est involontaire. Remplissent cette condition les salariés dont la perte d'emploi résulte : / - d'un licenciement (....) " et en son paragraphe 2 que : " Sont assimilés à des salariés involontairement privés d'emploi au sens de l'article L. 5422-1 du code du travail, et ont donc également droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi, les salariés dont la cessation du contrat de travail résulte d'un des cas de démission légitime suivants : ( ...) l) La rupture volontaire d'un contrat de travail, par un salarié justifiant d'une période d'emploi totalisant trois années d'affiliation continue au régime d'assurance chômage, en vue de reprendre une activité salariée à durée indéterminée, concrétisée par une embauche effective, à laquelle l'employeur met fin avant l'expiration d'un délai de 65 jours travaillés (...) ". L'article 4 de ce règlement fixe les autres conditions auxquelles est subordonné l'octroi de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et prévoit en particulier, en son point e), que les salariés privés d'emploi ne doivent pas avoir " quitté volontairement, sauf cas mentionnés aux § 2 et §4 de l'article 2, leur dernière activité professionnelle salariée, ou une activité professionnelle salariée autre que la dernière dès lors que, depuis le départ volontaire, il ne peut être justifié d'une durée d'affiliation d'au moins 65 jours travaillés ou 455 heures travaillées. (...) "

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, qui, contrairement à ce que soutient le syndicat mixte requérant, ne sont pas incompatibles avec les règles qui gouvernent l'emploi des agents publics, et notamment les différentes positions qui leur sont ouvertes, que le tribunal administratif de Dijon n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les agents visés au 1° de l'article L. 5424-1 du code du travail ayant quitté volontairement leur emploi en vue de reprendre une activité salariée à durée indéterminée, concrétisée par une embauche effective, à laquelle l'employeur met fin avant l'expiration d'un délai de 65 jours travaillés sont assimilés à des salariés involontairement privés d'emplois et ont par conséquent droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi dès lors qu'ils justifient d'une période d'emploi totalisant trois années d'affiliation continue au régime d'assurance chômage et qu'ils en remplissent les autres conditions, fixées par l'article 4 du règlement d'assurance chômage figurant à l'annexe A du décret du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., après avoir vainement demandé le 9 janvier 2020 à bénéficier d'une rupture conventionnelle, a présenté sa démission le 21 janvier 2020 et quitté les services du syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille le 31 janvier 2020, puis a conclu le 3 février 2020 un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'aide maçon avec la société Llorca Bâtiment, prévoyant une durée de travail supérieure à celle à laquelle il était assujetti au sein du syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille et une rémunération brute inférieure à celle dont il bénéficiait auparavant, circonstances s'expliquant, selon M. A..., par le fait qu'il ne disposait d'aucune formation dans le bâtiment et qu'il s'agissait d'une reconversion professionnelle. Après que la société Llorca Bâtiment a mis fin à cette période d'essai, par un courrier non signé du 5 février 2020, M. A... a créé, le 10 février 2020, la société RTCE Frères, qui a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 18 février 2020 et dont M. A... a exercé la fonction de mandataire social du 10 février au 30 septembre 2020. En estimant dans ces conditions que M. A... ne s'était pas livré à une manœuvre frauduleuse destinée à bénéficier de manière indue de l'allocation d'aide au retour à l'emploi en qualité de travailleur involontairement privé d'emploi à la suite de son licenciement par la société Llorca Bâtiment, le tribunal administratif de Dijon a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

6. Par suite, le syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille est fondé à demander pour ce motif l'annulation du jugement qu'il attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A... ne saurait se prévaloir de l'assimilation de sa situation, eu égard à la manœuvre frauduleuse dont elle résulte, à une privation involontaire d'emploi au sens des dispositions mentionnées aux points 2 et 3.

9. Dans ces conditions, ses conclusions tendant à ce que le syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille lui verse l'allocation d'aide au retour à l'emploi ne peuvent qu'être rejetées.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros à verser au syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par M. A....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 12 octobre 2021 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Dijon sont rejetées.

Article 3 : M. A... versera au syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat mixte des ordures ménagères d'Is-sur-Tille et à M. B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et Mme Anne Redondo, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 30 juin 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Redondo

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 463867
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2023, n° 463867
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Redondo
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:463867.20230630
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