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30/06/2023 | FRANCE | N°459025

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 30 juin 2023, 459025


Vu la procédure suivante :

M. A... D... et Mme C... B..., épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'Etat à leur verser la somme de 733 428,20 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des erreurs entachant la carte des aléas portant sur la zone où se situe leur terrain, sur le territoire de la commune d'Arcuit (Pyrénées-Atlantiques). Par un jugement n° 1600888 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par

un arrêt n° 19BX04573 du 30 septembre 2021, la cour administrative d'appel d...

Vu la procédure suivante :

M. A... D... et Mme C... B..., épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'Etat à leur verser la somme de 733 428,20 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des erreurs entachant la carte des aléas portant sur la zone où se situe leur terrain, sur le territoire de la commune d'Arcuit (Pyrénées-Atlantiques). Par un jugement n° 1600888 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 19BX04573 du 30 septembre 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. et Mme D... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 novembre 2021 et 28 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 95-1089 du 5 octobre 1995 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Occhipinti, avocat de M. et Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par des arrêtés des 20 mars et 24 septembre 2007, le maire d'Urcuit (Pyrénées-Atlantiques) a délivré, au nom de la commune, à M. et Mme D... un permis de construire et un permis de construire modificatif portant sur l'édification d'une maison individuelle sur un terrain à bâtir leur appartenant, situé chemin Mendiboure, à proximité du ruisseau de l'Ardanavy. Les 16 et 17 juin 2010, à la suite de fortes intempéries, le terrain et la maison de M. et Mme D... ont été inondés et, depuis cette date, leur terrain a subi plusieurs inondations. M. et Mme D... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 30 septembre 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant leur appel contre le jugement du 9 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 733 428,20 euros, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des erreurs que comportait la carte des aléas portant sur la zone où se situe leur terrain, établie par les services de l'Etat dans le cadre de l'élaboration d'un projet de plan de prévention du risque d'inondation.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme applicable aux projets de construction : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

3. D'autre part, en vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement en vigueur au moment des faits, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les risques d'inondations, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités. L'article L. 562-4 du même code précise que : " le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique (...) ". En outre, aux termes de l'article 3 du décret du 5 octobre 1995 relatif aux plans de prévention des risques naturels prévisibles, en vigueur à la date des faits et aujourd'hui repris, en substance, à l'article R. 562-3 du code de l'environnement : " Le projet de plan comprend : / 1° Une note de présentation indiquant le secteur géographique concerné, la nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles compte tenu de l'état des connaissances ; / 2° Un ou plusieurs documents graphiques délimitant les zones mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 562-1 (...) ", ces documents graphiques étant également dénommés " cartes des aléas ".

4. Les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, élaboré par l'Etat conformément aux articles L. 562-1 et suivants du code de l'environnement, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à certains risques naturels et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Il appartient toutefois à l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme, si les particularités de la situation l'exigent, de préciser dans l'autorisation, le cas échéant, les conditions d'application d'une prescription générale contenue dans le plan ou de subordonner, en application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, la délivrance du permis de construire sollicité à d'autres prescriptions spéciales, si elles lui apparaissent nécessaires, que celles qui résultent du plan de prévention des risques naturels prévisibles. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme peut aussi, si elle estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, que les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique le justifient, refuser, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de délivrer un permis de construire, alors même que le plan n'aurait pas classé le terrain d'assiette du projet en zone à risques ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables.

5. L'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme est susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard du bénéficiaire de cette dernière lorsque, en application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme précitées, il lui appartenait, soit de refuser l'autorisation, soit de l'assortir de prescriptions spéciales nécessaires à la préservation de la salubrité ou de la sécurité publique, à la condition qu'il existe un lien de causalité suffisamment direct entre les fautes commises pour délivrer cette autorisation et le préjudice subi par la victime. Si la compétence de l'autorité délivrant l'autorisation d'urbanisme ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité de l'Etat puisse être recherchée ou à ce que ce dernier soit appelé à garantir cette autorité, en raison du contenu du plan de prévention des risques approuvé ou des informations figurant dans les documents graphiques, comme la carte des aléas, portés à la connaissance de l'autorité délivrant l'autorisation d'urbanisme, ce n'est qu'à la condition qu'il existe un lien de causalité suffisamment direct entre la faute ainsi imputable à l'Etat et le préjudice subi par la victime.

6. En l'espèce, pour juger que la responsabilité de l'Etat n'était pas susceptible d'être engagée à l'égard des requérants en réparation des préjudices liés à la reconstruction de leur maison et à la perte de valeur de leur bien immobilier, la cour administrative d'appel a relevé que ces préjudices étaient liés à l'autorisation qui leur avait été donnée de construire leur maison à usage d'habitation sur un terrain inondable et que cette autorisation leur avait été délivrée par le maire au nom de la commune, même si celui-ci avait pris en compte les indications portées sur la carte des aléas du projet de plan de prévention des risques d'inondation, alors en cours d'élaboration, pour instruire leurs demandes de permis de construire. Elle a également relevé qu'il ne résultait pas de l'instruction, et n'était d'ailleurs pas allégué, que l'achat du terrain sur lequel avait été édifié la maison des requérants aurait été déterminé par les mentions portées sur cette carte. En déduisant de ces constatations, au terme d'une appréciation souveraine des faits, que les préjudices dont se prévalaient les requérants ne présentaient aucun lien direct et certain avec les erreurs alléguées entachant la carte des aléas établie par l'Etat en vue de l'élaboration d'un plan de prévention des risques d'inondation, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux qu'ils attaquent. Leur pourvoi doit par suite être rejeté, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme D... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... D..., premier dénommé, et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 31 mai 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 30 juin 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Cédric Fraisseix

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 459025
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2023, n° 459025
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cédric Fraisseix
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : OCCHIPINTI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:459025.20230630
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