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28/06/2023 | FRANCE | N°457727

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 28 juin 2023, 457727


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 octobre 2021 et 25 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération paysanne demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 avril 2021 relatif à la lutte contre la flavescence dorée de la vigne et contre son agent vecteur en tant qu'il n'impose pas une obligation générale de traitement à l'eau chaude des boutures issues des vignes mères et des plants issus des pépinières viticoles ;

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°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture de procéder à la modification de cet arrêt...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 octobre 2021 et 25 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération paysanne demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 avril 2021 relatif à la lutte contre la flavescence dorée de la vigne et contre son agent vecteur en tant qu'il n'impose pas une obligation générale de traitement à l'eau chaude des boutures issues des vignes mères et des plants issus des pépinières viticoles ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture de procéder à la modification de cet arrêté et de l'instruction technique DGAL/SAS/2021-627 du 13 août 2021 précisant les modalités de surveillance et de lutte contre la flavescence dorée de la vigne pour prévoir cette obligation ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté en tant qu'il n'impose pas l'obligation demandée au sein des zones délimitées et d'enjoindre au ministre de l'agriculture de procéder à la modification de cet arrêté et de l'instruction technique pour prévoir cette obligation au sein des zones délimitées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) 2016/2031 du 26 octobre 2016 ;

- le règlement (UE) 2019/2072 du 28 novembre 2019 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 27 avril 2021 relatif à la lutte contre la flavescence dorée de la vigne et contre son agent vecteur ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Jau, auditeur,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 27 avril 2021 relatif à la lutte contre la flavescence dorée de la vigne et contre son agent vecteur, pris en application du II de l'article L. 201-4 du code rural et de la pêche maritime, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a fixé les mesures de police sanitaire visant à la prévention, la surveillance et la lutte obligatoire contre la flavescence dorée, maladie grave de la vigne causée par un phytoplasme et transmise par un insecte, dit vecteur, la cicadelle Scaphoideus titanus, ou lors du greffage. Cet arrêté est complété par une instruction technique DGAL/SAS/2021-627 du directeur général de l'alimentation du 13 août 2021, dont l'annexe I porte un " Guide de lecture " de l'arrêté du 27 avril 2021. La Confédération paysanne demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté en tant qu'il n'impose pas une obligation générale de traitement à l'eau chaude des boutures issues des vignes mères et des plants issus des pépinières viticoles, ainsi que d'enjoindre au ministre de modifier cet arrêté et l'instruction technique en conséquence. A titre subsidiaire, elle demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il ne prévoit pas cette obligation pour l'ensemble des pépinières viticoles et des vignes mères de porte-greffes et de greffons situées en zones délimitées, correspondant en application de son article 3 aux zones infestées par la maladie et aux zones tampon autour de celles-ci.

2. D'une part, aux termes de l'article 16 de cet arrêté : " I. - Dans les pépinières viticoles et les vignes mères de porte-greffes et de greffons situées dans les zones où le vecteur de la flavescence dorée est présent, la lutte contre ce vecteur est obligatoire. Elle est réalisée au moyen de produits phytopharmaceutiques autorisés contre cet insecte ou, de préférence, s'il existe, de tout moyen autre qu'un produit phytopharmaceutique. (...) En cas de non-respect des mesures énoncées (...) les plants issus des pépinières viticoles et les boutures issues des vignes-mères de greffons sont détruits ou sont soumis à un traitement à l'eau chaude (...) / Dans les zones exemptes de flavescence dorée, la lutte contre le vecteur de la flavescence dorée peut être remplacée par un traitement à l'eau chaude des boutures issues des vignes-mères ou des plants issus des pépinières viticoles. / II. - Dans les pépinières viticoles et les vignes mères de porte-greffes et de greffons situées dans les zones délimitées où le vecteur de la flavescence dorée est absent, la lutte contre le vecteur de la flavescence dorée n'est pas exigée. Les boutures issues des vignes-mères et les plants issus de ces pépinières sont soumis à un traitement à l'eau chaude. / III. - Dans les pépinières viticoles et les vignes mères de porte-greffes et de greffons situées dans les zones exemptes où le vecteur de la flavescence dorée est absent, la lutte contre le vecteur n'est pas exigée ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 13 de l'arrêté attaqué : " Le propriétaire ou détenteur d'une parcelle située en zone exempte ne plante sur cette parcelle que des plants traités à l'eau chaude, sauf dans les cas suivants : / Si les pépinières dont sont issus les plants sont situés en zone exempte / et / si les porte-greffes et les greffons qui constituent les plants soit sont issus de vignes-mères situées en zone exempte, soit ont été traités à l'eau chaude ". Aux termes de l'article 14 du même arrêté : " Les détenteurs ou propriétaires de pépinières ou de vignes-mères de greffons réalisent ou font réaliser des prospections exhaustives et annuelles sous le contrôle de FranceAgriMer (...) ". Aux termes de l'article 20 du même arrêté : " Les plants infestés découverts en pépinière à la suite de l'obtention d'un résultat positif d'analyse officielle sont arrachés ou détruits dans un délai de deux semaines (...). / Les autres plants du lot unitaire (...) sont également arrachés ou détruits dans un délai de deux semaines (...) sauf s'ils sont soumis à un traitement à l'eau chaude préalable à leur mise en circulation (...). / Si les résultats (...) mettent en évidence un risque de contamination d'autres lots unitaires de plants ayant la même origine de matériel, ces lots sont détruits ou soumis à un traitement à l'eau chaude avant leur mise en circulation. / (...) En cas de découverte d'un cep infesté par la flavescence dorée dans l'environnement de la pépinière (...) tous les lots unitaires de plants situés en totalité ou en partie dans un rayon de 50 mètres (...) sont détruits ou traités à l'eau chaude ". Enfin, aux termes de l'article 21 du même arrêté : " En cas de détection de la flavescence dorée dans une parcelle unitaire de vigne-mère de greffons ou de porte-greffes ou dans leur environnement immédiat suite à l'obtention d'un résultat positif d'analyse officielle, les souches infestées sont arrachées ou détruites (...). / Les boutures issues des autres souches de la parcelle unitaire de vigne-mère de greffons concernée sont soit détruites, soit soumises à un traitement à l'eau chaude. Les boutures issues des autres souches de la parcelle unitaire de vigne-mère de porte-greffes concernée sont soit détruites, soit soumises à un traitement à l'eau chaude, soit les plants produits avec ces boutures sont soumis à un traitement à l'eau chaude. / (...) Dans tous les cas, une enquête est réalisée par FranceAgriMer pour identifier la destination des lots de boutures prélevées préalablement à la découverte de l'infestation sur la parcelle unitaire de vigne mère découverte infestée, au moins sur la campagne précédente. Tout plant issu de ces lots de boutures susceptibles d'être infestés, n'ayant pas encore été implanté au vignoble est détruit ou soumis à un traitement à l'eau chaude. Les plants déjà implantés au vignoble font l'objet d'une surveillance particulière (...), sauf si ces plants ont été traités à l'eau chaude ".

4. Il résulte de ces dispositions de l'arrêté attaqué que, dans les pépinières viticoles et vignes mères, la lutte contre la flavescence dorée est réalisée, en premier lieu, par la prospection exhaustive et annuelle menée sous le contrôle de FranceAgriMer, telle que prévue à l'article 14 et, en cas de découverte de flavescence dorée sur une parcelle, par l'arrachage ou la destruction, conformément aux articles 20 et 21, des plants ou souches et boutures infestés par le phytoplasme, ainsi que l'arrachage ou la destruction des autres plants, souches et boutures présentant un risque de contamination ou le traitement à l'eau chaude de ces derniers préalablement à leur mise en circulation. A ces mesures s'ajoutent, en deuxième lieu, en vertu de l'article 16, d'une part, pour les pépinières viticoles et vignes mères situées en zone exempte de maladie mais où l'insecte vecteur du phytoplasme est présent, la lutte contre cet insecte ou le traitement à l'eau chaude des boutures et des plants, et d'autre part, pour les pépinières viticoles et vignes mères situées en zone délimitée, le traitement à l'eau chaude des plants et boutures lorsque le vecteur est absent et, lorsque le vecteur est présent, la lutte contre ce vecteur réalisée au moyen de produits ciblant cet insecte, ou à défaut le traitement à l'eau chaude des plants et boutures. Enfin, en troisième lieu, l'article 13 prévoit que ne peuvent être plantés en zone exempte que des plants traités à l'eau chaude, sauf s'ils sont eux-mêmes issus de pépinières situées en zone exempte ou constitués de porte-greffes et greffons eux-mêmes issus de vignes-mères situées en zone exempte ou ayant été traités à l'eau chaude.

5. La Confédération paysanne soutient, d'une part, que le ministre aurait commis une erreur d'appréciation en ne rendant pas obligatoire le traitement à l'eau chaude, efficace contre le phytoplasme agent de la flavescence dorée de la vigne, dans les pépinières viticoles et vignes mères situées en zones délimitées, voire dans l'ensemble des pépinières et vignes mères, y compris en zone exempte.

6. Cependant, d'une part, l'article 13 impose que tous les plants plantés en zone exempte aient été traités à l'eau chaude lorsqu'ils sont issus de pépinières situées en zone délimitée, ou constitués de porte-greffes et greffons issus de vignes-mères situées en zone délimitée et non traités à l'eau chaude, ce qui revient à rendre obligatoire un tel traitement, dans les pépinières et vignes mères situées en zone délimitée, lorsqu'elles entendent vendre leurs plants à destination de zones exemptes. D'autre part, l'article 16 prévoit directement cette obligation, pour les pépinières et vignes mères situées en zone délimitée, lorsque l'insecte vecteur du phytoplasme est absent. Cette obligation directement imposée aux pépinières et vignes mères ne s'applique donc pas dans deux cas seulement : pour celles situées en zone exempte et où l'insecte vecteur est lui-même absent, et pour celles situées en zone délimitée et où l'insecte vecteur est présent, lorsque la lutte contre ce vecteur est réalisée au moyen de produits ciblant cet insecte.

7. S'agissant des pépinières et vignes mères situées en zone délimitée et où l'insecte vecteur est présent, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) du 13 mai 2015 ainsi que du tome 1 du rapport d'expertise collective de l'Anses de mai 2018, d'une part que si le traitement à l'eau chaude permet d'éliminer le phytoplasme, agent de la flavescence dorée de la vigne, de plants ou de boutures déjà contaminés, il n'empêche pas les plants traités de développer la maladie en cas d'infection ultérieure, d'autre part que ce traitement n'est pas efficace à lui seul contre l'insecte vecteur du phytoplasme, dont il élimine les œufs mais pas les larves et les insectes adultes, porteurs de la maladie, et enfin que, dans les zones où la maladie est déjà présente, son développement est très rapide sous l'effet du vecteur. Il en résulte qu'un traitement à l'eau chaude des plants plantés en zone délimitée où l'insecte vecteur est présent, en sus de la lutte menée directement contre l'insecte vecteur lui-même, ne permettrait pas de limiter plus significativement le développement de la maladie. Il n'est donc pas établi que, pour les cas où le traitement à l'eau chaude des plants issus de pépinières et vignes mères situées en zones délimitées n'est pas déjà obligatoire, sa généralisation contribuerait plus efficacement à la lutte contre la maladie. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait, faute d'avoir généralisé cette obligation, entaché d'erreur d'appréciation.

8. S'agissant des pépinières et vignes mères situées en zone exempte et où l'insecte vecteur est absent, la requérante ne fait pas apparaître en quoi, alors que le phytoplasme est lui-même absent de telles zones, un traitement à l'eau chaude contribuerait à lutter contre la flavescence dorée de la vigne, ni en quoi les mesures de surveillance et de prévention de la maladie décrites au point 4, dont elle ne soutient pas qu'elles sont inefficaces, seraient insuffisantes pour prévenir cette maladie. Dès lors, le moyen tiré de ce que, à défaut d'imposer un tel traitement, l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que, en tout état de cause, la Confédération paysanne n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 27 avril 2021 relatif à la lutte contre la flavescence dorée de la vigne et contre son agent vecteur. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Confédération paysanne est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération paysanne et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Nicolas Jau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 28 juin 2023

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Nicolas Jau

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 457727
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2023, n° 457727
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Jau
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:457727.20230628
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