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27/06/2023 | FRANCE | N°462668

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 27 juin 2023, 462668


Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 2018161/6-1 du 25 mars 2022, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, en tant que serait concernée la sûreté de l'Etat, les conclusions de la requête de M. B... A....

Par cette requête, enregistrée le 30 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif de Paris et un mémoire complémentaire, enregistré au secrétariat du contentieux le 12

août 2022, M. A... demande :

1°) d'annuler la décision du 3 juillet 2019 ...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 2018161/6-1 du 25 mars 2022, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, en tant que serait concernée la sûreté de l'Etat, les conclusions de la requête de M. B... A....

Par cette requête, enregistrée le 30 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif de Paris et un mémoire complémentaire, enregistré au secrétariat du contentieux le 12 août 2022, M. A... demande :

1°) d'annuler la décision du 3 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui donner accès aux données susceptibles de le concerner et figurant dans les fichiers du renseignement territorial et la décision implicite par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés a rejeté sa demande d'exercice de son droit d'accès indirect à ces données ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui communiquer les données le concernant et figurant dans ces fichiers, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre en œuvre son pouvoir de contrôle afin de s'assurer que le contenu des fichiers en cause est conforme à leur finalité et que les informations y figurant, le cas échéant, ne portent pas atteinte à ses droits fondamentaux, de lui fournir une information précise et exacte et de l'associer à tout processus éventuel de rectification ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à Maître Bouthors, son avocat, au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée notamment par la loi n° 2018-693 du 20 juin 2018 et l'ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. A... et, Maître Didier Bouthors, son avocat, et d'autre part, le ministre de l'intérieur et des outre-mer et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en œuvre de ces traitements. Le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre du droit d'accès aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu des 14°, 15° et 16° de l'article R. 841-2 du même code, figurent au nombre de ces traitements, pour les seules données intéressant la sûreté de l'Etat qu'ils contiennent, les traitements de données à caractère personnel " Enquêtes administratives liées à la sécurité publique ", " Prévention des atteintes à la sécurité publique " et " Gestion de l'information et prévention des atteintes à la sécurité publique ", qui constituent les fichiers du renseignement territorial.

3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes relatives à la mise en œuvre du droit d'accès mentionné au point 2, " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. / Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en œuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. / Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier en date du 3 juillet 2019, le ministre de l'intérieur, saisi par M. B... A... d'une demande d'accès aux données le concernant susceptibles de figurer dans les fichiers du renseignement territorial, a refusé de faire droit à cette demande et l'a invité à saisir la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) d'une demande tendant à l'exercice du droit d'accès indirect à ces données. Par un courrier en date du 4 juillet 2019, M. A... a procédé à cette démarche auprès de la CNIL, qui l'a informé qu'elle allait procéder aux investigations nécessaires. M. A... a demandé l'annulation de la décision du 3 juillet 2019 du ministre de l'intérieur et celle de la décision implicite de la CNIL rejetant sa demande au tribunal administratif de Paris, lequel a renvoyé au Conseil d'Etat le jugement des conclusions relatives aux données intéressant la sûreté de l'Etat susceptibles de figurer dans les fichiers du renseignement territorial.

5. Dès lors qu'il n'appartient pas à la CNIL, saisie d'une demande tendant à l'exercice du droit d'accès indirect prévu à l'article 118 de la loi du 6 janvier 1978, de se prononcer par une décision sur une telle demande, mais seulement d'accomplir les diligences prévues par ces dispositions et d'informer la personne concernée du résultat de ses investigations, lequel est susceptible de révéler ou de confirmer le refus du responsable de traitement de faire droit à la demande d'accès, les conclusions de M. A... doivent être regardées comme dirigées uniquement contre le refus du ministre de l'intérieur de faire droit à la demande d'accès aux données le concernant qui pourraient être conservées dans les fichiers du renseignement territorial.

6. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer a communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments susceptibles d'être relatifs à la situation de l'intéressé.

7. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.

8. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre et par la CNIL. Cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent, n'a révélé aucune illégalité, et notamment aucune violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la loi du 6 janvier 1978 et du décret du 29 mai 2019 pris pour son application. Il en résulte que les conclusions de M. A..., qui ne peut utilement invoquer le défaut de motivation de la décision qu'il attaque ni utilement mettre en cause les conditions dans lesquelles la CNIL a procédé aux investigations prévues à l'article 118 de la loi du 6 janvier 1978, doivent être rejetées, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les conclusions présentées par M. A... sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 juin 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président de la formation spécialisée, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 27 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Alexandre Lallet

Le secrétaire :

Signé : M. Valéry Cérandon-Merlot


Synthèse
Formation : Formation spécialisée
Numéro d'arrêt : 462668
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2023, n° 462668
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Lallet
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : BOUTHORS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462668.20230627
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