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23/06/2023 | FRANCE | N°468965

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 23 juin 2023, 468965


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Demathieu Bard Construction a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon, statuant sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de prescrire une expertise portant sur le décompte général et final du marché de réalisation d'un bâtiment destiné à regrouper plusieurs services du centre hospitalier universitaire de Besançon, ainsi que sur ses conditions d'exécution.

Par une ordonnance n° 1700611 du 16 janvier 2018 du juge des référ

s du tribunal administratif de Besançon, partiellement réformée par une ordonnance n°s 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Demathieu Bard Construction a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon, statuant sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de prescrire une expertise portant sur le décompte général et final du marché de réalisation d'un bâtiment destiné à regrouper plusieurs services du centre hospitalier universitaire de Besançon, ainsi que sur ses conditions d'exécution.

Par une ordonnance n° 1700611 du 16 janvier 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon, partiellement réformée par une ordonnance n°s 18NC00263, 18NC00294 du 21 juin 2018 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy, il a été fait droit à cette demande.

Par jugement n° 1900304 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Besançon a, à la demande du centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Besançon, prononcé la récusation de l'expert désigné, confirmée par un arrêt n° 19NC01798 du 3 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Nancy.

Par une ordonnance n° 1902295 du 13 juillet 2020, le tribunal administratif de Besançon a procédé à la désignation d'un nouvel expert.

Par une ordonnance n° 1901995 du 22 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a, à la demande du CHRU de Besançon, interprété l'ordonnance du 16 janvier 2018 telle que rectifiée par la cour administrative d'appel de Nancy.

Par une demande enregistrée le 23 juillet 2021, les sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon, sur le fondement de l'article R. 532-3 du code de justice administrative, d'étendre les opérations d'expertise aux sociétés B3G2, Arcadis ESG, Egis Conseil et Socotec Construction.

Par une ordonnance n° 2101289 du 13 avril 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a mis la société Egis Conseil hors de cause, admis l'intervention volontaire de la société Egis Conseil et rejeté la requête des sociétés requérantes.

Par une ordonnance n°s 22NC01032, 22NC01039 du 31 octobre 2022, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les appels formés par, d'une part les sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés, d'autre part la société Demathieu Bard Construction contre ce jugement.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 novembre et 2 décembre 2022 et 10 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Demathieu Bard Construction demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 31 octobre 2022 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional et universitaire de Besançon et des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie, AIA architectes ingénieurs associés, Arcadis ESG, Socotec construction, Egis Conseil, Philippe Donze, HGM ingénierie, Fondasol, Franki fondation, CTE, SOGEA Rhône-Alpes et B3G2 la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Demathieu Bard Construction, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat du centre hospitalier régional et universitaire de Besançon, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de la société Arcadis ESG et de la société Egis conseil, à Me Bouthors, avocat de la société Socotec Construction et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Philippe Donze ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 juin 2023, présentée par le centre hospitalier régional et universitaire de Besançon ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Besançon que la société Demathieu Bard Construction, mandataire d'un groupement désigné titulaire d'un marché de conception-réalisation pour la construction d'un nouveau bâtiment regroupant plusieurs services par le centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Besançon et composé de la société AIA architectes ingénierie associés, de la société AIA architectes, de la société AIA ingénierie, de la société Philippe Donze, lui a demandé d'ordonner une expertise portant sur le décompte général et final du marché, sur les conditions d'exécution de celui-ci eu égard à la technicité des difficultés rencontrées sur le chantier, l'imputabilité de ces difficultés et sur le quantum des préjudices en résultant pour la société. Par ordonnance du 16 janvier 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon, réformée par une ordonnance du 21 juin 2018 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy, il a été fait droit à cette demande. Par une ordonnance du 13 avril 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande des sociétés AIA Architectes, AIA Ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés, présentée sur le fondement de l'article R. 532-3 du code de justice administrative, tendant à l'extension des opérations d'expertise aux sociétés B3G2, Arcadis ESG, Egis Conseil et Socotec Construction, en leur qualité respectivement d'auteur d'une étude géotechnique réalisée préalablement à la passation du marché de conception-réalisation, d'assistant technique à la maîtrise d'ouvrage, de programmiste et de contrôleur technique de l'opération de construction. La société Demathieu Bard Construction se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 31 octobre 2022 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel formé contre l'ordonnance du 13 avril 2022.

Sur le cadre juridique du litige :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". Aux termes de l'article R. 532-3 du même code : " Le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise, ou à la demande de l'expert formée à tout moment, étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, ou mettre hors de cause une ou plusieurs des parties ainsi désignées. / Il peut, dans les mêmes conditions, étendre la mission de l'expertise à l'examen de questions techniques qui se révélerait indispensable à la bonne exécution de cette mission, ou, à l'inverse, réduire l'étendue de la mission si certaines des recherches envisagées apparaissent inutiles ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est saisi d'une demande d'une partie ou de l'expert tendant à l'extension de la mission de l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance ou à l'examen de questions techniques qui se révélerait indispensable à la bonne exécution de cette mission, le juge des référés ne peut ordonner cette extension qu'à la condition qu'elle présente un caractère utile. Cette utilité doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.

Sur le pourvoi :

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy que la société Demathieu Bard Construction lui demandait d'étendre aux sociétés B3G2, Arcadis ESG, Egis conseil et Socotec Construction, les opérations d'expertise prescrites par l'ordonnance du 16 janvier 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon, telle que rectifiée par une ordonnance du 21 juin 2018 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy. La société Demathieu Bard Construction soutenait devant le juge des référés en appel que sa demande tendant à la mise en cause de ces sociétés et leur participation aux opérations d'expertise en raison de leur rôle dans l'élaboration de l'étude géotechnique préalable au lancement du marché de conception-réalisation attribué à un groupement dont elle était le mandataire, était utile pour apprécier la responsabilité des divers intervenants dans le cadre du litige qui l'oppose au centre hospitalier régional universitaire de Besançon, alors que l'exécution du marché de conception-réalisation avait été affectée par la découverte d'une doline de dimensions importantes.

4. Il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour rejeter les conclusions de la société Demathieu Bard Construction tendant à l'extension des opérations d'expertise aux sociétés B3G2, Arcadis ESG, Egis Conseil et Socotec Construction, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy a estimé que sa demande constituait un litige distinct de celui, de nature contractuelle, qui l'opposait au centre hospitalier, dans la mesure où l'extension du périmètre de l'expertise se rattachait à un litige extracontractuel destiné à contester le bien-fondé des études réalisées en amont des travaux de construction. En statuant ainsi, sans rechercher si l'intervention, antérieurement à la conclusion du contrat, de la société B3G2 chargée de l'étude géotechnique, et des sociétés Arcadis ESG, Egis Conseil et Socotec Construction, avait pu exercer une influence sur l'exécution du contrat, notamment sur la conception des fondations et l'exécution des travaux de fondation de l'immeuble, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit. Il suit de là que la société Demathieu Bard Construction est, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.

5. II y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

Sur la mise en cause des sociétés B3G2, Arcadis ESG, Egis Conseil et Socotec Construction :

6. Il résulte de l'instruction que, par son ordonnance du 13 avril 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a refusé d'étendre les opérations d'expertise demandées par les sociétés AAA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés, membres du groupement dont la société Demathieu Bard Construction était mandataire, aux sociétés B3G2, Arcadis ESG, Egis Conseil et Socotec Construction. Or, il résulte de ce qui précède que ces quatre sociétés ont été chargées de la réalisation de l'étude géotechnique préalable au lancement du marché de conception-réalisation et n'étaient, dès lors, pas étrangères à l'objet du litige à l'origine de la demande d'expertise. Par suite, la mise en cause de ces quatre sociétés doit être regardée comme utile à la réalisation de l'expertise afin d'analyser les surcoûts d'exécution et de rechercher leurs causes, leur imputabilité et leurs conséquences. Il s'ensuit que la société Demathieu Bard Construction est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance du 13 avril 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés tendant à l'extension des opérations d'expertise aux sociétés B3G2, Arcadis ESG, Egis Conseil et Socotec Construction.

Sur les frais du litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Besançon et des sociétés, Arcadis ESG, Socotec construction, Egis Conseil, Philippe Donze, HGM ingénierie, Fondasol, Franki Fondation, CTE, SOGEA Rhône-Alpes et B3G2 la somme de 700 euros chacun à verser à la société Demathieu Bard Construction au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Demathieu Bard Construction et des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie, AIA architectes ingénieurs associés qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 31 octobre 2022 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy et l'ordonnance du 13 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon sont annulées.

Article 2 : Les opérations d'expertise ordonnées par le juge des référés du tribunal administratif de Besançon sont étendues aux sociétés B3G2, Arcadis ESG, Egis Conseil et Socotec Construction.

Article 3 : Le centre hospitalier régional universitaire de Besançon et les sociétés Arcadis ESG, Socotec construction, Egis conseil, Philippe Donze, HGM ingénierie, Fondasol, Franki Fondation, CTE, SOGEA Rhône-Alpes et B3G2 verseront à la société Demathieu Bard Construction une somme de 700 euros chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la société Demathieu Bard Construction est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier régional universitaire de Besançon et les sociétés Arcadis ESG, Socotec Construction et Philippe Donze au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Demathieu Bard Construction, au centre hospitalier régional et universitaire de Besançon et aux sociétés Arcadis ESG, Socotec Construction, Philippe Donze et Egis Conseil.

Copie en sera adressée aux sociétés AIA Architectes, AIA Ingénierie, AIA Architectes ingénieurs associés, HGM Ingénierie, Fondasol, Franki Fondation, CTE, SOGEA Rhône-Alpes et B3G2.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 468965
Date de la décision : 23/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2023, n° 468965
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elise Adevah-Poeuf
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; CABINET ROUSSEAU, TAPIE ; SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE ; SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH ; BOUTHORS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468965.20230623
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