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22/06/2023 | FRANCE | N°468119

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 22 juin 2023, 468119


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national Force Ouvrière Justice demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites nées du silence gardé par la Première ministre sur ses demandes du 9 juin 2022 tendant à la modification, d'une part, du décret n° 2021-1834 du 24 décembre 2021 modifiant l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C de la fonction publique de l'Etat et portant attribution d'une bonification d'

ancienneté exceptionnelle, d'autre part, du décret n° 2022-254 du 25 février...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national Force Ouvrière Justice demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites nées du silence gardé par la Première ministre sur ses demandes du 9 juin 2022 tendant à la modification, d'une part, du décret n° 2021-1834 du 24 décembre 2021 modifiant l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C de la fonction publique de l'Etat et portant attribution d'une bonification d'ancienneté exceptionnelle, d'autre part, du décret n° 2022-254 du 25 février 2022 modifiant certaines dispositions statutaires relatives au corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, afin d'étendre aux membres du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire le bénéfice d'une bonification exceptionnelle d'ancienneté d'un an au titre de l'année 2022 ;

2°) d'enjoindre à la Première ministre de modifier ces mêmes dispositions réglementaires, afin de permettre aux membres du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire de bénéficier d'une bonification exceptionnelle d'ancienneté d'un an au titre de l'année 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le syndicat requérant soutient que le refus de modifier les décrets n° 2021-1834 du 24 décembre 2021 et n° 2022-254 du 25 février 2022 afin qu'une bonification d'ancienneté soit accordée exceptionnellement aux fonctionnaires appartenant au corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire porte atteinte au principe d'égalité de traitement des fonctionnaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2023, le ministre de la transformation et de la fonction publiques conclut au rejet de la requête. Il soutient que le moyen soulevé n'est pas fondé.

La requête a été communiquée à la Première ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 ;

- le décret n° 2016-580 du 11 mai 2016 ;

- le décret n° 2021-1834 du 24 décembre 2021;

- le décret n° 2022-254 du 25 février 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 9 juin 2022, le syndicat Force Ouvrière Justice a demandé à la Première ministre de modifier, d'une part, le décret n° 2021-1834 du 24 décembre 2021 modifiant l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C de la fonction publique de l'Etat et portant attribution d'une bonification d'ancienneté exceptionnelle, d'autre part, le décret n° 2022-254 du 25 février 2022 modifiant certaines dispositions statutaires relatives au corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, afin que les membres de ce dernier corps bénéficient de la bonification d'ancienneté exceptionnelle instituée par l'article 4 du décret du 24 décembre 2021 pour les membres de différents corps de catégorie C de la fonction publique de l'Etat. Le syndicat demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet de sa demande.

2. Le décret du 24 décembre 2021 mentionné ci-dessus a modifié l'organisation de la carrière des fonctionnaires appartenant à certains des corps de catégorie C régis par les dispositions du décret du 11 mai 2006 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C de la fonction publique de l'Etat, en modifiant le nombre d'échelons et en réduisant la durée de certains échelons des grades classés dans les échelles de rémunération C1 et C2. L'article 4 de ce décret a, en outre, prévu que : " Au titre de l'année 2022, une bonification d'ancienneté d'un an est attribuée aux fonctionnaires régis, à la date d'entrée en vigueur du présent décret, par le décret du 11 mai 2016 susvisé. Cette bonification est appliquée après le reclassement effectué conformément aux dispositions de l'article 3 ".

3. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. S'agissant des règles régissant les fonctionnaires, le principe d'égalité n'est en principe susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps, sauf à ce que la norme en cause ne soit, en raison de son contenu, pas limitée à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires. Or, aucune disposition législative, ni aucun principe général du droit n'exige que des conditions équivalentes soient accordées en matière d'avancement à des agents appartenant à des corps différents ou régis par des dispositions statutaires différentes.

4. Il ressort des pièces du dossier que la bonification d'ancienneté exceptionnelle instituée par l'article 4 du décret du 24 décembre 2021 cité au point 1, constitue une mesure d'accélération des règles d'avancement propres aux corps régis par le décret du 11 mai 2016, et auxquels s'appliquent les dispositions du décret en cause. Cette bonification était notamment destinée à permettre une revalorisation des traitements des fonctionnaires de catégorie C appartenant aux dix échelons des premier et second grades dont l'indice se trouvait à un niveau inférieur à l'indice minimum de traitement des fonctionnaires depuis que ce dernier avait été revalorisé à compter du 1er octobre 2021. Les fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire appartiennent à un corps distinct de ceux pour lesquels a été prévu le bénéfice de cette bonification d'ancienneté exceptionnelle. Par suite, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le syndicat requérant ne peut utilement se prévaloir de ce qu'en refusant d'instituer, au profit des fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, une bonification d'ancienneté exceptionnelle similaire au titre de l'année 2022, la décision attaquée aurait méconnu le principe de l'égalité de traitement entre les fonctionnaires. La circonstance que la structure et les conditions d'avancement du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire ont été modifiées par le décret du 25 février 2022 sans que ne soit instituée une telle bonification d'ancienneté exceptionnelle est, à cet égard, sans incidence.

5. Il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande de modification des décrets du 24 décembre 2021 et du 25 février 2022. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du syndicat national Force Ouvrière Justice est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat national Force Ouvrière Justice, à la Première ministre, au garde des sceaux ministre de la justice et au ministre de la transformation et de la fonction publiques.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 468119
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2023, n° 468119
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Antoine Berger
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468119.20230622
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