La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2023 | FRANCE | N°456192

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 22 juin 2023, 456192


Vu la procédure suivante :

La société Parc éolien de la Mutte a demandé à la cour administrative d'appel de Douai d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aisne du 30 avril 2019, par lequel il a délivré à la société Ferme éolienne de la Fontaine du Berger une autorisation unique pour la construction et l'exploitation de dix aérogénérateurs et trois postes de livraison sur le territoire de la commune de Macquigny. Par un arrêt n° 19DA02052 du 29 juin 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentai

re et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 août 2021, 29 novembre 2021 et le...

Vu la procédure suivante :

La société Parc éolien de la Mutte a demandé à la cour administrative d'appel de Douai d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aisne du 30 avril 2019, par lequel il a délivré à la société Ferme éolienne de la Fontaine du Berger une autorisation unique pour la construction et l'exploitation de dix aérogénérateurs et trois postes de livraison sur le territoire de la commune de Macquigny. Par un arrêt n° 19DA02052 du 29 juin 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 août 2021, 29 novembre 2021 et le 6 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Parc éolien de la Mutte demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de la société Parc éolien de la Mutte et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Ferme éolienne de la Fontaine du Berger ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 mai 2023, présentée par la société Ferme éolienne de la Fontaine du Berger ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 30 avril 2019, le préfet de l'Aisne a autorisé la société Ferme éolienne de la Fontaine du Berger à construire et exploiter un parc éolien composé de dix éoliennes et de trois postes de livraison sur le territoire de la commune de Macquigny. Par un arrêt du 29 juin 2021, contre lequel la société Parc éolien de la Mutte se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 732-1 du code de justice administrative : " Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R. 222-12, le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 741-7 du même code : " Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes de l'article R. 741-8 du même code : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau. / Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience ".

3. Il ressort des mentions de l'arrêt attaqué que, lors de l'audience publique du 15 juin 2021, la cour administrative d'appel de Douai a entendu " le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, présidente-assesseure ", dont il résulte que Mme E... était la rapporteure de l'affaire. La minute de cet arrêt précise qu'il a été signé par " la rapporteure la plus ancienne ", Mme B... C... et par " la présidente de la formation de jugement ", Mme A... E.... Le simple fait que la signature de Mme B... C... soit précédée de la mention " rapporteure la plus ancienne " n'est pas de nature à créer une incertitude sur l'identité de la rapporteure de l'affaire, de sorte que le moyen tiré d'une irrégularité de l'arrêt pour méconnaissance des dispositions citées au point 2 ne peut être qu'écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 peuvent être déférées à la juridiction administrative : (...) / 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 181-3 du même code, dans sa rédaction en vigueur : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1, dans sa rédaction en vigueur : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

5. Au sens de ces dispositions, un établissement commercial ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge une autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement délivrée à une entreprise, fut-elle concurrente, que dans les cas où les inconvénients ou les dangers que le fonctionnement de l'installation classée présente pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 sont de nature à affecter par eux-mêmes les conditions d'exploitation de cet établissement commercial. Il appartient à ce titre au juge administratif de vérifier si l'établissement justifie d'un intérêt suffisamment direct lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'autorisation en cause, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour lui l'installation classée, appréciés notamment en fonction de ses conditions de fonctionnement, de la situation des personnes qui le fréquentent ainsi que de la configuration des lieux.

6. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que pour juger que la société requérante, qui exploite depuis le 1er février 2019 un parc éolien composé de six éoliennes sur le territoire de la commune de Landifay-et-Bertaignement, et dont une des éoliennes se situe à 490 mètres de l'éolienne E9 du projet de parc éolien autorisé par l'arrêté litigieux, ne pouvait être regardée comme un tiers justifiant d'un intérêt, au sens des dispositions de l'article R. 181-50 du code de l'environnement citées au point 4, lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté litigieux, la cour administrative d'appel a relevé, d'une part, qu'elle ne justifiait pas de la réalité de l'existence d'une perte de production du parc éolien qu'elle exploite du fait de l'effet de sillage de l'implantation du projet de parc éolien autorisé et, d'autre part, qu'elle ne produisait aucun élément mettant en évidence que la proximité des éoliennes du parc éolien qu'elle exploite avec les éoliennes du projet de parc éolien autorisé par l'arrêté litigieux favoriserait des phénomènes de turbulence augmentant le risque d'accident lié à la projection de pales ou de fragments de pales, de sorte qu'il ne résultait pas de l'instruction que le fonctionnement du projet de parc éolien autorisé par l'arrêté litigieux présenterait des inconvénients ou des dangers pour les intérêts visés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement, de nature à affecter par eux-mêmes les conditions de l'exploitation du parc éolien qu'elle exploite.

7. D'une part, la cour a, pour considérer que la société requérante ne justifiait pas de la réalité de la perte de production alléguée du parc éolien qu'elle exploite du fait de l'effet de sillage de l'implantation du projet de parc éolien autorisé par l'arrêté litigieux, relevé que l'étude de l'association Danish wind industry produite à l'instance précise que les éoliennes sont habituellement espacées d'une distance équivalente à au moins trois fois le diamètre du rotor afin d'éviter que la turbulence créée derrière chaque éolienne n'affecte trop la production des éoliennes situées en aval, que la distance de 482 mètres séparant une des éoliennes du projet de parc éolien d'une éolienne du parc éolien exploité par la société requérante représente une distance équivalente à 4,38 diamètres de rotor et que la seconde étude produite à l'instance était insuffisamment précise et circonstanciée pour démontrer l'existence d'une perte de production. Elle a également, d'autre part, pour juger que le risque de projection de pale ou de fragments de pale n'était pas de nature à affecter, par lui-même, les conditions de l'exploitation du parc éolien de la société requérante, relevé que l'étude de dangers évalue cette probabilité comme un risque qui " s'est produit mais a fait l'objet de mesures correctrices réduisant significativement la probabilité ", que l'autorité environnementale a retenu dans son avis que le niveau de risque technologique était aussi faible que possible et que la société requérante n'a produit aucun élément propre au parc projeté qui mettrait en évidence que sa proximité avec le parc existant favoriserait des phénomènes de turbulences augmentant les risques d'accident. Si la société requérante soutient que la cour administrative d'appel a ainsi exigé d'elle qu'elle apporte la preuve du caractère certain des atteintes aux conditions d'exploitation de son parc éolien, du fait de la perte de production alléguée et du risque de projection de pale ou de fragments de pale, en statuant ainsi, la cour, qui a, ce faisant, apprécié si le risque de perte de production et de projection de pale ou de fragments de pale était de nature à affecter les conditions d'exploitation de son parc éolien, au regard notamment de ses conditions de fonctionnement et de la configuration des lieux n'a pas commis d'erreur de droit au regard des principes rappelés au point 5.

8. En troisième lieu, d'une part, si la société requérante soutient qu'une distance équivalente à cinq diamètres de rotor au minimum devait être retenue, au regard de la direction des vents dominants pour éviter tout risque d'effet de sillage, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la cour, qui n'était en tout état de cause saisie d'aucune argumentation mettant en cause la distance devant être retenue en l'espèce en fonction de la direction des vents dominants, a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas donné aux faits de l'espèce une inexacte qualification juridique en considérant que la société requérante ne justifiait pas de la perte de production alléguée. D'autre part, si la société requérante soutient également qu'il résulte des pièces du dossier que le risque de projection de pale et de fragment de pale était réel, du fait de la présence d'une de ses éoliennes dans un rayon de 500 mètres d'une des éoliennes du projet de parc éolien autorisé par l'arrêté litigieux, il résulte de ce qui a été dit au point 7 qu'en relevant que la société requérante ne produisait aucun élément permettant de démontrer que la proximité entre les éoliennes serait de nature à favoriser un tel risque, la cour n'a pas dénaturé l'appréciation souveraine portée sur les faits de l'espèce. En déduisant de ces considérations que la société requérante ne pouvait se prévaloir d'un intérêt pour agir, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une inexacte qualification juridique.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Parc éolien de la Mutte n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel qu'elle attaque, de sorte que son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Parc éolien de la Mutte la somme de 2 000 euros à verser à la société Ferme éolienne de la Fontaine du Berger en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Parc éolien de la Mutte est rejeté.

Article 2 : La société Parc éolien de la Mutte versera à la société Ferme éolienne de la Fontaine du Berger une somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Parc éolien de la Mutte, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Ferme éolienne de la Fontaine du Berger.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 456192
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2023, n° 456192
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Hot
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET ; SCP GUÉRIN - GOUGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:456192.20230622
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award