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22/06/2023 | FRANCE | N°455652

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 22 juin 2023, 455652


Vu la procédure suivante :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 146-146 bis quai Louis Blériot a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 mai 2019 par lequel la maire de Paris a accordé à l'office public de l'habitat (OPH) Paris Habitat un permis de construire un ensemble immobilier sur un terrain sis 148-154 quai Louis Blériot, 2-18 rue Van Loo et 147 avenue de Versailles, dans le 16ème arrondissement de Paris, ainsi que la décision du 16 septembre 2019 par laquelle la maire de Paris a implicitement rejeté son r

ecours gracieux dirigé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1924...

Vu la procédure suivante :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 146-146 bis quai Louis Blériot a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 mai 2019 par lequel la maire de Paris a accordé à l'office public de l'habitat (OPH) Paris Habitat un permis de construire un ensemble immobilier sur un terrain sis 148-154 quai Louis Blériot, 2-18 rue Van Loo et 147 avenue de Versailles, dans le 16ème arrondissement de Paris, ainsi que la décision du 16 septembre 2019 par laquelle la maire de Paris a implicitement rejeté son recours gracieux dirigé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1924659/4-3 du 18 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 août 2021, 17 novembre 2021 et 10 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 146-146 bis quai Louis Blériot demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris et de l'OPH Paris Habitat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble 146-146 bis quai Louis Blériot, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris et à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de l'office public de l'habitat Paris Habitat ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 17 mai 2019, la maire de Paris a délivré à l'office public de l'habitat Paris Habitat un permis de construire un ensemble immobilier d'une surface de plancher totale de 2 533 m², composé d'un immeuble d'habitation de vingt-cinq logements sociaux et d'une crèche de cinquante-cinq berceaux, comportant quatre étages sur un niveau de stationnement souterrain, et situé sur un terrain sis 148-154 quai Louis Blériot, 2-18 rue Van Loo et 147 avenue de Versailles, dans le 16e arrondissement de Paris. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 146-146 bis Quai Louis Blériot se pourvoit en cassation contre le jugement du 18 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté du 17 mai 2019, ainsi que de la décision née le 16 septembre 2019 du silence gardé par la maire de Paris sur son recours gracieux.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Les risques d'atteinte à la sécurité publique qui, en application de cet article, peuvent justifier le refus d'un permis de construire ou son octroi sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers.

3. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, le tribunal administratif, qui n'a pas omis de rechercher si le projet de construction présentait des dangers pour la sécurité des tiers, et notamment de la copropriété voisine, a au contraire relevé, au terme d'une appréciation souveraine des pièces du dossier qui lui était soumis, qu'il ne ressortait pas de ces pièces que la construction projetée aurait pour effet d'enclaver les habitations des bâtiments B, C, D et E de la copropriété du 146-146 bis Quai Louis Blériot ni les appartements du bâtiment A, qui donnent sur la première cour de cette copropriété. Contrairement à ce qui est allégué, il n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en considérant que l'accès des services d'incendie et de secours serait possible par " voie échelles " par la rue Van Loo, et par-dessus le mur de la troisième cour séparant la parcelle du 145 avenue de Versailles.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article UG 7.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la Ville de Paris relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : " Nonobstant les dispositions du présent article UG.7 et de l'article UG.10.3, l'implantation d'une construction en limite séparative peut être refusée si elle a pour effet de porter gravement atteinte aux conditions d'éclairement d'un immeuble voisin ou à l'aspect du paysage urbain, et notamment à l'insertion de la construction dans le bâti environnant ".

5. Au sens de ces dispositions, l'atteinte grave aux conditions d'éclairement suppose une obstruction significative de la lumière, qui ne saurait se réduire à une simple perte d'ensoleillement. Lorsqu'une obstruction significative résulte de la perte totale d'éclairement d'une pièce d'au moins un des appartements de l'immeuble voisin, la gravité de l'atteinte doit s'apprécier en prenant en compte les caractéristiques propres de cette pièce, notamment sa destination, ainsi que son rôle dans le niveau d'éclairement d'ensemble du ou des appartements concernés.

6. Pour juger que le projet litigieux ne méconnaissait pas les dispositions de cet article UG 7.1, le tribunal administratif a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier, notamment du rapport d'expertise établi par un expert mandaté par le syndicat requérant, que la perte d'ensoleillement résultant de la construction projetée pourrait atteindre 75 % pour deux des quarante-huit appartements de la copropriété et 42 % pour six d'entre eux, et que la diminution moyenne d'éclairement de trente-cinq des quarante-huit logements projetés n'était évaluée qu'à 22 %, et concernait une intensité allant de 50 à 475 Lux maximum pour six appartements, en hiver. Le tribunal en a conclu, au terme d'une appréciation souveraine des faits, qui n'est pas contestée en cassation, qu'alors même que la perte d'éclairement pourrait atteindre jusqu'à 3,25 heures quotidiennes en moyenne au cours d'une année pour deux appartements, selon le rapport d'expertise, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article UG.7.1 devait être écarté. En jugeant ainsi que le projet litigieux ne porte pas atteinte aux conditions d'éclairement des bâtiments de l'immeuble sis 146-146 bis quai Louis Blériot, le tribunal administratif, qui ne s'est pas borné à relever la diminution moyenne de l'éclairement des appartements des bâtiments mitoyens, mais a évalué la diminution concernant les logements dont l'éclairement était le plus affecté par le projet, n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article UG 8 du règlement du plan local d'urbanisme de la Ville de Paris, relatif à l'implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur un même terrain : " Lorsque les dispositions inscrites aux documents graphiques du règlement ne sont pas conformes aux dispositions du présent article, elles prévalent sur ces dernières (...) ". Cet article prévoit, en outre, dans sa partie UG 8.1 : " Dispositions générales : / 1° - Façades comportant des baies constituant l'éclairement premier de pièces principales : / Lorsque des façades ou parties de façade de constructions en vis-à-vis sur un même terrain comportent des baies constituant l'éclairement premier de pièces principales, elles doivent être édifiées de telle manière que la distance de l'une d'elles au point le plus proche de l'autre soit au moins égale à 6 mètres. Toute pièce principale doit être éclairée par au moins une baie comportant une largeur de vue égale à 4 mètres au minimum. Toutefois, lorsque l'expression d'une recherche architecturale le justifie, une largeur inférieure à 4 mètres peut être admise à condition que la profondeur du redent créé n'excède pas la moitié de cette largeur. / (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions et des schémas annexés au règlement du plan local d'urbanisme auxquels elles renvoient, qui ne sont pas contredites par le rapport de présentation de ce plan, que, exception faite des façades de bâtiments entourant des " cours couvertes ", lesquelles font l'objet de dispositions spécifiques dans le règlement du plan local d'urbanisme, les règles qu'elles fixent s'appliquent à des bâtiments ou constructions distincts situés en vis-à-vis sur un même terrain. Par suite, en jugeant que les dispositions de l'article UG 8.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la Ville de Paris ne s'appliquent pas au projet, qui consiste en un seul bâtiment, en deux parties se faisant face, reposant sur une dalle commune bâtie en rez-de-dalle, où sera installée la crèche collective, le tribunal administratif de Paris n'a pas commis d'erreur de droit.

9. Si le requérant soutient que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'une dénaturation des pièces du dossier et d'une erreur de droit en relevant qu'il ressortait en tout état de cause des pièces du dossier qui lui était soumis que les largeurs de vue des pièces principales des appartements concernés seraient égales à 6,60 mètres, de tels moyens ne sauraient qu'être écartés, dès lors que ce motif du jugement attaqué présente un caractère surabondant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 146-146 bis quai Louis Blériot n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. Par suite, son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

11. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 146-146 bis quai Louis Blériot à verser à l'office public de l'habitat Paris Habitat et à la Ville de Paris une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 146-146 bis quai Louis Blériot est rejeté.

Article 2 : Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 146-146 bis quai Louis Blériot versera à la Ville de Paris et à l'office public de l'habitat Paris Habitat une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 146-146 bis quai Louis Blériot, à la Ville de Paris et à l'office public de l'habitat Paris Habitat.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 455652
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2023, n° 455652
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Hot
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:455652.20230622
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