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20/06/2023 | FRANCE | N°457925

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 20 juin 2023, 457925


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral résultant de son absence de relogement. Par un jugement n° 1917289 du 23 avril 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a condamné l'État à verser à Mme A... une somme de 300 euros et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 octobre 2021 et 28 janvier 2022 au secrétariat d

u contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral résultant de son absence de relogement. Par un jugement n° 1917289 du 23 avril 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a condamné l'État à verser à Mme A... une somme de 300 euros et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 octobre 2021 et 28 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à ses conclusions ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 6 août 2015, la commission de médiation de Paris a déclaré Mme A... prioritaire et devant être relogée en urgence, en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation. Le 26 avril 2017, Mme A... a refusé un logement qui lui avait été proposé en exécution de cette décision. Par un jugement du 18 juin 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de Paris, saisi par Mme A... sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 441-2-3-1 du même code, a enjoint au préfet de Paris, préfet de la région d'Ile-de-France, d'assurer son relogement. Mme A... a ensuite demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son absence de relogement. Par un jugement du 23 avril 2021, le tribunal administratif a jugé que la période de responsabilité de l'Etat, ayant couru à compter du délai de six mois suivant la décision de la commission de médiation, a pris fin le 26 avril 2017, au motif que Mme A... avait, à cette date, refusé une offre de logement adapté, et limité l'indemnisation accordée à la somme de 300 euros.

2. Lorsqu'une personne a été reconnue comme prioritaire et devant être logée ou relogée en urgence par une commission de médiation en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, la carence de l'Etat à exécuter cette décision dans le délai imparti engage sa responsabilité à l'égard du seul demandeur, au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission, que l'intéressé ait ou non fait usage du recours en injonction contre l'Etat prévu par l'article L. 441-2-3-1 de ce code. Ces troubles doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l'Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l'Etat, qui court à compter de l'expiration du délai de trois ou six mois imparti au préfet, à compter de la décision de la commission de médiation, pour provoquer une offre de logement, et prend fin à la date à laquelle un logement adapté a été assuré à l'intéressé, ou à celle à laquelle il a refusé sans motif impérieux une proposition de logement tenant compte de ses besoins et capacités, alors qu'il avait été averti des conséquences de ce refus dans les conditions prévues par l'article R. 441-16-3 du code de la construction et de l'habitation.

Sur le droit à indemnisation résultant de la carence à exécuter la décision de la commission de médiation :

3. D'une part, le tribunal administratif a pu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, fixer à 300 euros l'indemnité due à Mme A... en réparation des troubles dans les conditions d'existence subis du fait de son absence de logement entre le 6 février 2016 et le 26 avril 2017.

4. D'autre part, il résulte de ce qui vient d'être dit, qu'en se fondant, pour juger que la période de responsabilité de l'Etat, qui avait débuté le 6 février 2016 à défaut d'exécution de la décision de la commission de médiation du 6 août 2015 dans le délai de six mois imparti par l'article R. 441-16-1 du code de la construction et de l'habitation, avait expiré le 26 avril 2017, sur le motif qu'à cette date Mme A... avait, selon les éléments que le préfet de Paris, préfet de la région d'Ile-de-France a produits pour la première fois dans le cadre de l'instance indemnitaire, refusé sans motif impérieux une proposition de logement adaptée, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit. Le tribunal administratif n'a pas davantage, en l'absence d'identité d'objet entre le recours en injonction précédemment présenté par Mme A... sur le fondement de l'article L. 441-2-3-1 du code de justice administrative et la demande indemnitaire sur laquelle il a statué par le jugement attaqué, méconnu l'autorité de chose jugée attachée à son jugement du 18 juin 2018, statuant sur le recours en injonction, par lequel il avait retenu, pour enjoindre au préfet de Paris, préfet de la région d'Ile-de-France de reloger Mme A..., que celle-ci n'avait à cette date reçu aucune offre de logement tenant compte de ses besoins et capacités.

5. Cependant, il résultait en l'espèce des pièces produites en première instance, et notamment du courrier explicatif adressé au secrétariat de la commission de médiation, que Mme A..., âgée alors de soixante-six ans et disant souffrir de douleurs articulaires handicapantes, a refusé le logement qui lui était proposé en avril 2017 aux motifs qu'il se situait au neuvième étage, que l'ascenseur était en panne lors de la visite et que ce problème lui avait été décrit comme récurrent par le gardien de l'immeuble. En se bornant à indiquer que ce logement disposait d'un ascenseur pour en déduire qu'il était adapté aux besoins et capacités de Mme A... et que son refus de ce logement lui avait fait perdre son droit à indemnisation, sans rechercher si, eu égard aux circonstances non démenties dont elle faisait état, elle avait justifié d'un motif impérieux pour en refuser l'attribution, de sorte que ce refus n'était pas de nature à lui faire perdre son droit à indemnisation, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

Sur le droit à indemnisation résultant de l'inexécution du jugement ordonnant le relogement :

6. Il appartenait en tout état de cause au préfet de Paris, préfet de la région d'Ile-de-France, afin d'exécuter le jugement du 18 juin 2018 du tribunal administratif de Paris ordonnant le relogement sous astreinte de Mme A..., d'adresser à celle-ci, postérieurement à ce jugement, une offre de logement adapté. Le tribunal administratif ne pouvait dès lors, sans entacher son jugement d'erreur de droit, refuser toute indemnisation au titre de la période postérieure au jugement du 18 juin 2018 ordonnant le relogement de l'intéressée.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué qu'en tant qu'il exclut toute indemnisation pour la période postérieure au 26 avril 2017.

8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, son avocate, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cette société.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 23 avril 2021 est annulé en tant qu'il exclut toute indemnisation de Mme A... pour la période postérieure au 26 avril 2017.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocate de Mme A..., une somme de 3 000 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 mai 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 20 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Sylvie Pellissier

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 457925
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2023, n° 457925
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sylvie Pellissier
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:457925.20230620
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