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15/06/2023 | FRANCE | N°465719

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 15 juin 2023, 465719


Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Worldwide Euro Protection a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2000037 du 16 novembre 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 22LY00046 du 12 mai 2022, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Worldwi

de Euro Protection contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire co...

Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Worldwide Euro Protection a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2000037 du 16 novembre 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 22LY00046 du 12 mai 2022, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Worldwide Euro Protection contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 juillet 2022, 12 octobre 2022 et 1er juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Worldwide Euro Protection demande au Conseil d'Etat:

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le règlement d'exécution n° 282/2011 du Conseil du 15 mars 2011 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Worldwide Euro Protection ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société de droit luxembourgeois Worldwide Euro Protection a fourni, entre 2012 et 2014, des prestations de service en matière administrative, financière, fiscale, juridique et informatique à deux de ses filiales ayant leur siège en France, les sociétés par actions simplifiées (SAS) Sacla et Europrotection, et qu'aux fins de la taxe sur la valeur ajoutée, ces prestations, déclarées en France comme des échanges intracommunautaires en provenance du Luxembourg, ont fait l'objet d'une auto-liquidation par les sociétés preneuses. Il en ressort également qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Sacla, l'administration fiscale a estimé que la société Worldwide Euro Protection devait être regardée comme la redevable légale de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces prestations, et lui a notifié les rappels correspondants pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, assortis d'une majoration de 80 % pour activité occulte. La société Worldwide Euro Protection se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 12 mai 2022 par laquelle le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel contre le jugement du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Lyon qui avait rejeté sa demande de décharge de ces impositions.

Sur l'ordonnance attaquée en tant qu'elle statue sur le bien-fondé des impositions :

2. D'une part, aux termes de l'article 194 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 : " Lorsque la livraison de biens ou la prestation de services imposable est effectuée par un assujetti qui n'est pas établi dans l'État membre dans lequel la TVA est due, les États membres peuvent prévoir que le redevable de la taxe est le destinataire de la livraison de biens ou de la prestation de services ". L'article 192 bis de la même directive dispose : " Aux fins de la présente section, un assujetti qui dispose d'un établissement stable sur le territoire de l'État membre dans lequel la taxe est due est considéré comme un assujetti qui n'est pas établi sur le territoire de cet État membre lorsque les conditions ci-après sont réunies: a) il effectue une livraison de biens ou une prestation de services imposable sur le territoire de cet État membre; b) un établissement que le fournisseur ou le prestataire possède sur le territoire de cet État membre ne participe pas à la livraison de ces biens ou à la prestation de ces services ". L'article 53 du règlement d'exécution du 15 mars 2011 énonce : " Pour l'application de l'article 192 bis de la directive 2006/112/CE, est pris en considération un établissement stable dont l'assujetti dispose, seulement lorsqu'il est caractérisé par un degré suffisant de permanence et une structure appropriée en termes de moyens humains et techniques, lui perme tant d'effectuer la livraison de biens ou la prestation de services à laquelle il participe ". Aux termes de l'article 54 du même règlement : " Lorsqu'un assujetti a établi le siège de son activité économique sur le territoire de l'État membre dans lequel la TVA est due, l'article 192 bis de la directive 2006/112/CE ne s'applique pas (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 259 du code général des impôts : " Le lieu des prestations de services est situé en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle (...). " L'article 283 du même code énonce : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...). 2. Lorsque les prestations mentionnées au 1° de l'article 259 sont fournies par un assujetti qui n'est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu'elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l'article 259 du code général des impôts, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. Dès lors que celles-ci peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du prestataire.

4. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le premier vice-président de la cour n'a pas commis d'erreur de droit en se fondant, pour juger que la société Worldwide Euro Protection était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur les prestations en litige, sur le seul constat de leur réalisation par l'intermédiaire d'un établissement stable en France, sans rechercher par ailleurs si le siège de l'activité économique de la société Worldwide Euro Protection serait situé en France.

5. En deuxième lieu, dès lors que le premier vice-président de la cour s'est fondé sur la circonstance que les prestations en litige étaient réalisées depuis l'établissement stable en France de la société Worldwide Euro Protection, les moyens tirés de ce qu'il aurait dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et insuffisamment motivé son ordonnance en estimant que le siège de l'activité économique de cette société n'était pas situé au Luxembourg sont inopérants.

6. En troisième lieu, le tribunal administratif avait relevé que le bureau d'une superficie de 12,5 mètres carrés dont disposait la société Worldwide Euro Protection au Luxembourg ne permettait pas à ses salariés d'y réaliser les prestations en litige, que six de ses salariés étaient déclarés en France où ils étaient domiciliés, que quatre d'entre eux étaient également salariés de sa filiale française Sacla et que les prestations litigieuses avaient été en particulier réalisées par M. A... et M. B... depuis la France. Il avait déduit de ces circonstances, que la société Worldwide Euro Protection avait réalisé les prestations litigieuses par l'intermédiaire de la société Sacla, et partant d'un établissement stable en France au sens l'article 53 du règlement d'exécution du 15 mars 2011. En adoptant ces motifs, le premier vice-président de la cour, qui s'est livré à une appréciation souveraine des faits non entachée de dénaturation, n'a ni donné aux faits de l'espèce une inexacte qualification juridique, ni commis d'erreur de droit, dès lors qu'il n'était ni établi ni même allégué, et qu'il ne ressortait pas davantage des pièces du dossier, que les prestations litigieuses auraient été fournies avec les mêmes moyens matériels et humains que ceux utilisés par la société Sacla pour les recevoir. Il n'a pas davantage entaché son ordonnance d'insuffisance de motivation sur ce point.

7. En quatrième lieu, les énonciations du jugement du tribunal administratif selon lesquelles le contrat conclu entre les sociétés Worldwide Euro Protection et Sacla prévoyait que la première sous-traiterait " en priorité " les prestations litigieuses à d'autres de ses filiales revêtant un caractère surabondant, le moyen dirigé contre l'ordonnance attaquée en tant qu'elle les fait siennes est inopérant.

8. N'est pas davantage opérant, en dernier lieu, le moyen tiré de ce que le premier vice-président de la cour aurait dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en adoptant les motifs par lesquels le tribunal administratif avait relevé que M. B... exerçait les fonctions de directeur financier et M. A... celles de directeur commercial de la société Sacla, dès lors que le tribunal administratif n'avait tiré de ces constats aucune conséquence quant à la caractérisation d'un établissement stable en France de la société Worldwide Euro Protection.

Sur l'ordonnance attaquée en tant qu'elle statue sur les pénalités :

9. Aux termes du 1 de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ".

10. Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du niveau d'imposition dans cet autre État et des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.

11. Le premier vice-président de la cour a, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, estimé, d'une part, que la société Worldwide Euro Protection n'avait pas déposé dans le délai légal les déclarations fiscales qu'elle était tenue de souscrire en France, ni fait connaître son activité à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce et qu'à cet égard, l'application délibérément erronée du régime de l'autoliquidation ne pouvait tenir lieu de déclaration, d'autre part, qu'il ne résultait pas de l'instruction que cette société aurait déclaré aux autorités luxembourgeoises, au titre de l'impôt sur les sociétés, les revenus tirés de l'activité de son établissement en France, constitué par les installations dont elle disposait au sein la société Sacla. En déduisant de ces éléments que la société Worldwide Euro Protection devait être regardée comme ayant entendu dissimuler l'activité qu'elle exerçait en France par l'intermédiaire de cet établissement stable et qu'elle n'établissait pas avoir commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit pas acquittée de son obligation de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations correspondantes, le premier vice-président de la cour n'a ni commis d'erreur de droit, ni donné aux faits de l'espèce une inexacte qualification juridique.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Worldwide Euro Protection n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Worldwide Euro Protection est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Worldwide Euro Protection et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.

Rendu le 15 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. François-René Burnod

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 465719
Date de la décision : 15/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - FISCALITÉ - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - PRESTATIONS DE SERVICES FOURNIES À DES ASSUJETTIS - IMPOSABLES EN FRANCE (1 DE L’ART - 259 DU CGI) – REDEVABLE – PRESTATAIRE ÉTABLI EN FRANCE (1 DE L’ART - 283) – 1) CHAMP – INCLUSION – PRESTATAIRE ÉTRANGER DISPOSANT - EN FRANCE - D’UN ÉTABLISSEMENT STABLE AUQUEL CES PRESTATIONS PEUVENT ÊTRE RATTACHÉES – 2) OBLIGATION - LE CAS ÉCHÉANT - DE RECHERCHER SI CE RATTACHEMENT EST FISCALEMENT PLUS RATIONNEL QU’UN RATTACHEMENT AU SIÈGE DU PRESTATAIRE – ABSENCE [RJ1] – 3) CAS OÙ LES PRESTATIONS SONT SUSCEPTIBLES D’AVOIR ÉTÉ FOURNIES AVEC LES MÊMES MOYENS MATÉRIELS ET HUMAINS QUE CEUX UTILISÉS POUR LES RECEVOIR [RJ2] – OFFICE DU JUGE.

15-05-11-01 Il résulte du 1° de l’article 259 et des 1 et 2 de l’article 283 du code général des impôts (CGI) que lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu’elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l’article 259, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférente est le prestataire qui les fournit s’il est lui-même établi en France. ...1) Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l’équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. ...2) Dès lors que celles-ci peuvent être rattachées à un tel établissement, il n’y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu’un rattachement au siège de l’activité économique du prestataire....3) Société luxembourgeoise ayant fourni des prestations de service à deux filiales établies en France. Prestations y ayant été déclarées comme des échanges intracommunautaires en provenance du Luxembourg et fait l’objet d’une auto-liquidation par les sociétés preneuses. A la suite d’une vérification de comptabilité d’une des filiales, administration fiscale ayant estimé que la société luxembourgeoise devait être regardée comme la redevable légale de la taxe afférente à ces prestations. Société luxembourgeoise reprochant en particulier aux premiers juges de ne pas avoir recherché si les moyens humains et matériels utilisés pour fournir les prestations de services litigieuses étaient bien distincts de ceux de l’entité les recevant....Juges du fond ayant relevé que le bureau d’une superficie de 12,5 mètres carrés dont disposait la société au Luxembourg ne permettait pas à ses salariés d’y réaliser les prestations en litige, que six de ses salariés étaient déclarés en France où ils étaient domiciliés, que quatre d’entre eux étaient également salariés de sa filiale française et que les prestations litigieuses avaient été en particulier réalisées, depuis la France, par deux personnes salariées des sociétés française et luxembourgeoise. Juges du fond en ayant déduit que la société luxembourgeoise avait réalisé les prestations litigieuses par l’intermédiaire de la société française, et partant d’un établissement stable en France au sens l’article 53 du règlement d’exécution n° 282/2011 du 15 mars 2011....Les premiers juges n’ont ni donné aux faits de l’espèce une inexacte qualification juridique, ni commis d’erreur de droit, dès lors qu’il n’était ni établi ni même allégué, et qu’il ne ressortait pas davantage des pièces du dossier, que les prestations litigieuses auraient été fournies avec les mêmes moyens matériels et humains que ceux utilisés par la société française pour les recevoir.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - AMENDES - PÉNALITÉS - MAJORATIONS - MAJORATION POUR DÉCOUVERTE D'UNE ACTIVITÉ OCCULTE (ART - 1728 DU CGI) – CAS D’UNE TVA AYANT ÉTÉ IRRÉGULIÈREMENT SOUMISE AU RÉGIME DE L’AUTO-LIQUIDATION – ÉLÉMENTS POUVANT ÊTRE PRIS EN COMPTE POUR CARACTÉRISER LA COMMISSION D’UNE ERREUR JUSTIFIANT QUE SON REDEVABLE LÉGAL NE SE SOIT ACQUITTÉ D’AUCUNE DE SES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES [RJ3].

19-01-04 Il résulte du 1 de l’article 1728 du code général des impôts (CGI) que, dans le cas où un contribuable n’a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu’il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s’il n’est pas en mesure d’établir qu’il a commis une erreur justifiant qu’il ne se soit acquitté d’aucune de ses obligations déclaratives. S’agissant d’un contribuable qui fait valoir qu’il a satisfait à l’ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l’erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce et notamment du niveau d’imposition dans cet autre État et des modalités d’échange d’informations entre les administrations fiscales des deux Etats....Société étrangère ayant fourni des prestations de service à deux filiales établies en France. Prestations y ayant été déclarées comme des échanges intracommunautaires en provenance du Luxembourg et fait l’objet d’une auto-liquidation par les sociétés preneuses. A la suite d’une vérification de comptabilité d’une des filiales, administration fiscale ayant estimé que la société luxembourgeoise devait être regardée comme la redevable légale de la taxe afférente à ces prestations. Vice-président d’une cour administrative d’appel ayant rejeté son appel par adoption des motifs des premiers. Société luxembourgeoise lui reprochant en particulier de ne pas avoir recherché si les moyens humains et matériels utilisés pour fournir les prestations de services litigieuses étaient bien distincts de ceux de l’entité les recevant. Société luxembourgeoise s’étant vu infliger la majoration de 80 % pour activité occulte. ...D’une part, cette société n’avait pas déposé dans le délai légal les déclarations fiscales qu’elle était tenue de souscrire en France, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce et qu’à cet égard, l’application délibérément erronée du régime de l’auto-liquidation ne pouvait tenir lieu de déclaration....D’autre part, il ne résulte pas de l’instruction que cette société aurait déclaré aux autorités luxembourgeoises, au titre de l’impôt sur les sociétés (IS), les revenus tirés de l’activité de son établissement en France, constitué par les installations dont elle disposait au sein de sa filiale française. ...Par suite, la société étrangère doit être regardée comme ayant entendu dissimuler l’activité qu’elle exerçait en France par l’intermédiaire de cet établissement stable et n’établit pas avoir commis une erreur justifiant qu’elle ne se soit pas acquittée de son obligation de déclarer la TVA afférente aux prestations correspondantes.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - PERSONNES ET OPÉRATIONS TAXABLES - PRESTATIONS DE SERVICES FOURNIES À DES ASSUJETTIS - IMPOSABLES EN FRANCE (1 DE L’ART - 259 DU CGI) – REDEVABLE – PRESTATAIRE ÉTABLI EN FRANCE (1 DE L’ART - 283) – 1) CHAMP – INCLUSION – PRESTATAIRE ÉTRANGER DISPOSANT - EN FRANCE - D’UN ÉTABLISSEMENT STABLE AUQUEL CES PRESTATIONS PEUVENT ÊTRE RATTACHÉES – 2) OBLIGATION - LE CAS ÉCHÉANT - DE RECHERCHER SI CE RATTACHEMENT EST FISCALEMENT PLUS RATIONNEL QU’UN RATTACHEMENT AU SIÈGE DU PRESTATAIRE – ABSENCE [RJ1] – 3) CAS OÙ LES PRESTATIONS SONT SUSCEPTIBLES D’AVOIR ÉTÉ FOURNIES AVEC LES MÊMES MOYENS MATÉRIELS ET HUMAINS QUE CEUX UTILISÉS POUR LES RECEVOIR [RJ2] – OFFICE DU JUGE – 4) MAJORATION DE 80 % POUR DÉCOUVERTE D'ACTIVITÉ OCCULTE (ART - 1728 DU CGI) – ÉLÉMENTS POUVANT ÊTRE PRIS EN COMPTE POUR CARACTÉRISER LA COMMISSION D’UNE ERREUR JUSTIFIANT QUE LE REDEVABLE LÉGAL NE SE SOIT ACQUITTÉ D’AUCUNE DE SES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES [RJ3].

19-06-02-01 Il résulte du 1° de l’article 259 et des 1 et 2 de l’article 283 du code général des impôts (CGI) que lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu’elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l’article 259, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférente est le prestataire qui les fournit s’il est lui-même établi en France. ...1) Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l’équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. ...2) Dès lors que celles-ci peuvent être rattachées à un tel établissement, il n’y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu’un rattachement au siège de l’activité économique du prestataire....3) 3) Société luxembourgeoise ayant fourni des prestations de service à deux filiales établies en France. Prestations y ayant été déclarées comme des échanges intracommunautaires en provenance du Luxembourg et fait l’objet d’une auto-liquidation par les sociétés preneuses. A la suite d’une vérification de comptabilité d’une des filiales, administration fiscale ayant estimé que la société luxembourgeoise devait être regardée comme la redevable légale de la taxe afférente à ces prestations. Société luxembourgeoise reprochant en particulier aux premiers juges de ne pas avoir recherché si les moyens humains et matériels utilisés pour fournir les prestations de services litigieuses étaient bien distincts de ceux de l’entité les recevant....Juges du fond ayant relevé que le bureau d’une superficie de 12,5 mètres carrés dont disposait la société au Luxembourg ne permettait pas à ses salariés d’y réaliser les prestations en litige, que six de ses salariés étaient déclarés en France où ils étaient domiciliés, que quatre d’entre eux étaient également salariés de sa filiale française et que les prestations litigieuses avaient été en particulier réalisées, depuis la France, par deux personnes salariées des sociétés française et luxembourgeoise. Juges du fond en ayant déduit que la société luxembourgeoise avait réalisé les prestations litigieuses par l’intermédiaire de la société française, et partant d’un établissement stable en France au sens l’article 53 du règlement d’exécution n° 282/2011 du 15 mars 2011....Les premiers juges n’ont ni donné aux faits de l’espèce une inexacte qualification juridique, ni commis d’erreur de droit, dès lors qu’il n’était ni établi ni même allégué, et qu’il ne ressortait pas davantage des pièces du dossier, que les prestations litigieuses auraient été fournies avec les mêmes moyens matériels et humains que ceux utilisés par la société française pour les recevoir....4) Société luxembourgeoise s’étant vu infliger la majoration de 80 % pour découverte d’une activité occulte. ...D’une part, cette société n’avait pas déposé dans le délai légal les déclarations fiscales qu’elle était tenue de souscrire en France, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce et qu’à cet égard, l’application délibérément erronée du régime de l’auto-liquidation ne pouvait tenir lieu de déclaration....D’autre part, il ne résulte pas de l’instruction que cette société aurait déclaré aux autorités luxembourgeoises, au titre de l’impôt sur les sociétés, les revenus tirés de l’activité de son établissement en France, constitué par les installations dont elle disposait au sein de sa filiale française. ...Par suite, la société étrangère doit être regardée comme ayant entendu dissimuler l’activité qu’elle exerçait en France par l’intermédiaire de cet établissement stable et n’établit pas avoir commis une erreur justifiant qu’elle ne se soit pas acquittée de son obligation de déclarer la TVA afférente aux prestations correspondantes.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Plénière, 11 décembre 2020, Ministère de l'économie, des finances et de la relance c\ Société Conversant International Ltd, n° 420174, p. 445....

[RJ2]

Rappr., jugeant – pour écarter l’existence d’un établissement stable dans une filiale d'un autre Etat membre réalisant des prestations de services pour la mère – que les mêmes moyens ne peuvent être utilisés pour fournir et recevoir les mêmes services, CJUE, 7 avril 2022, Berlin Chemie A. Menarini SRL, aff. C-333/20, pt. 54....

[RJ3]

Cf. CE, Plénière, 7 décembre 2015, Ministre c/ Société Frutas y Hortalizas Murcial SL, n° 368227, p. 423 ;

CE, 27 novembre 2020, M. Kowalewski, n° 428898, T. pp. 680-696.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2023, n° 465719
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François-René Burnod
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465719.20230615
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