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15/06/2023 | FRANCE | N°460576

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 15 juin 2023, 460576


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 19 juillet 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société anonyme (SA) Groupe TSF contre l'arrêt n° 19VE03220 de la cour administrative d'appel de Versailles du 18 novembre 2021 en tant qu'il s'est prononcé sur son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les redevances d'exploitation de la marque " Gaffer " que lui avait facturées l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) CINAIR.

Vu les autres pièces du dossier

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Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le c...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 19 juillet 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société anonyme (SA) Groupe TSF contre l'arrêt n° 19VE03220 de la cour administrative d'appel de Versailles du 18 novembre 2021 en tant qu'il s'est prononcé sur son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les redevances d'exploitation de la marque " Gaffer " que lui avait facturées l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) CINAIR.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Groupe TSF ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société anonyme (SA) Groupe TSF, qui a pour activité principale la post-production de films et vidéos, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a notamment remis en cause la déduction, au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 octobre 2013, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant selon elle grevé le prix de prestations de service qui lui ont été facturées par l'entreprise CINAIR. Par un jugement du 18 juillet 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des rappels de taxe mis à sa charge à ce titre. Par une décision du 19 juillet 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi formé par cette société contre l'arrêt du 18 novembre 2021 de la cour administrative d'appel de Versailles rejetant son appel, en tant seulement que cet arrêt s'est prononcé sur son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les redevances d'exploitation de la marque " Gaffer ".

2. Aux termes du II. de l'article 271 du code général des impôts : " 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est (...) a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 (...) / 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels ". Aux termes du II. de l'article 289 du code général des impôts : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la facture. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée ". En vertu du 8° de l'article 242 nonies A de l'annexe II du code général des impôts, les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures sont notamment, pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors taxes.

3. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative aux articles 168, 178, 219, 220 et 226 de la directive du 28 novembre 2006, dont les dispositions mentionnées au point 2 assurent la transposition, notamment de l'arrêt Barlis 06 - Investimentos Imobiliários e Turísticos SA du 15 septembre 2016 (C-516/14), que l'obligation, faite à un assujetti souhaitant exercer son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée payée en amont, de disposer d'une facture faisant figurer les mentions obligatoires prévues par ces textes revêt une nature formelle, de sorte que sa méconnaissance n'a pas pour effet d'entraîner la déchéance de ce droit, à condition toutefois que l'assujetti établisse que les conditions de fond en sont remplies, ce qui implique de produire, devant l'administration ou devant le juge, une facture ou tout document en tenant lieu faisant figurer les informations permettant de déterminer l'étendue de son droit à déduction.

4. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société Groupe TSF se prévalait du droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé, en amont, le montant mensuel forfaitaire figurant sur des factures libellées " Honoraires selon convention du 01/10 / Prestation de management du développement stratégique : / - Etude et analyse sectorielle / - Anticipation technologique ", correspondant selon elle à la contrepartie de diverses prestations prévues par un contrat qu'elle avait conclu avec l'entreprise CINAIR, et que la cour, contrairement au tribunal administratif, a admis, dans son principe, l'existence d'un droit à déduction pour celle de ces prestations consistant en la concession de la marque de fabrique " Gaffer ".

5. A cet égard, alors que l'administration avait soutenu devant la cour qu'il était impossible de déterminer, au vu des éléments figurant au dossier, la fraction des montants forfaitaires en cause correspondant à la concession de marque, la société Groupe TSF n'a pas répliqué en produisant l'un des documents mentionnés au point 3. Dans ces conditions, en se fondant, pour rejeter la demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée procédant de la remise en cause de la déduction de la taxe d'amont afférente à cette prestation, sur ce que la société n'avait pas mis le juge de l'impôt à même de déterminer l'étendue de son droit à déduction, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Groupe TSF n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il s'est prononcé sur son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les redevances d'exploitation de la marque " Gaffer ".

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les conclusions du pourvoi de la société Groupe TSF dirigées contre l'arrêt du 18 novembre 2021 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il s'est prononcé sur son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les redevances d'exploitation de la marque " Gaffer " et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Groupe TSF et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.

Rendu le 15 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. François-René Burnod

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 460576
Date de la décision : 15/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. - LIQUIDATION DE LA TAXE. - DÉDUCTIONS. - CONDITIONS DE LA DÉDUCTION. - OBLIGATION DE DISPOSER D’UNE FACTURE COMPORTANT LES MENTIONS EXIGÉES PAR LE CGI – 1) PORTÉE – A) NATURE FORMELLE – B) CONSÉQUENCE – DÉCHÉANCE DU DROIT À DÉDUCTION EN CAS DE MÉCONNAISSANCE – ABSENCE, À CONDITION QUE L’ASSUJETTI ÉTABLISSE LE RESPECT DES CONDITIONS DE FOND – 2) CONSÉQUENCE – OFFICE DU JUGE DE L’IMPÔT – CAS OÙ IL ADMET LA DÉDUCTIBILITÉ DE LA TVA AFFÉRENTE À UNE PRESTATION MAIS NE PEUT EN CALCULER LE MONTANT DÉDUCTIBLE.

19-06-02-08-03-02 1) Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) relative aux articles 168, 178, 219, 220 et 226 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, dont le II de l’article 271, le II de l’article 289 du code général des impôts (CGI) et le 8° de l’article 242 nonies A de l’annexe II à ce code assurent la transposition, que a) l’obligation faite à un assujetti souhaitant exercer son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) payée en amont, de disposer d’une facture faisant figurer les mentions obligatoires prévues par ces textes revêt une nature formelle, b) de sorte que sa méconnaissance n’a pas pour effet d’entraîner la déchéance de ce droit, à condition toutefois que l’assujetti établisse que les conditions de fond en sont remplies, ce qui implique de produire, devant l’administration ou devant le juge, une facture ou tout document en tenant lieu faisant figurer les informations permettant de déterminer l’étendue de son droit à déduction. ...2) Société se prévalant du droit de déduire la TVA ayant grevé, en amont, le montant mensuel forfaitaire figurant sur des factures correspondant selon elle à la contrepartie de diverses prestations prévues par un contrat conclu avec une société tierce. Cour administrative d’appel ayant admis, dans son principe, l’existence d’un droit à déduction pour la prestation consistant en une concession de la marque. ...A cet égard, alors que l’administration avait soutenu devant la cour qu’il était impossible de déterminer, au vu des éléments figurant au dossier, la fraction des montants forfaitaires en cause correspondant à la concession de marque, la société requérante n’a pas répliqué en produisant une autre facture ou tout document en tenant lieu faisant figurer les informations permettant de déterminer l’étendue de son droit à déduction. ...Dans ces conditions, en se fondant, pour rejeter la demande de décharge des rappels de TVA procédant de la remise en cause de la déduction de la taxe d’amont afférente à cette prestation, sur ce que la société n’avait pas mis le juge de l’impôt à même de déterminer l’étendue de son droit à déduction, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2023, n° 460576
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François-René Burnod
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:460576.20230615
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