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12/06/2023 | FRANCE | N°459918

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 12 juin 2023, 459918


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Academic Golf de Roquebrune, l'association syndicale libre Les Rives du Golf, Mme F... C..., M. A... H..., Mme D... B..., M. G... E... et M. et Mme L... J... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 avril 2019 par lequel le maire de Roquebrune-sur-Argens a délivré à la société anonyme Bouygues Immobilier un permis de construire quarante-six logements, dont vingt-trois logements locatifs sociaux, ainsi que les décisions de rejet de leurs recours gracieux. Par un

jugement n°s 1902928, 1903147 du 7 juillet 2020, le tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Academic Golf de Roquebrune, l'association syndicale libre Les Rives du Golf, Mme F... C..., M. A... H..., Mme D... B..., M. G... E... et M. et Mme L... J... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 avril 2019 par lequel le maire de Roquebrune-sur-Argens a délivré à la société anonyme Bouygues Immobilier un permis de construire quarante-six logements, dont vingt-trois logements locatifs sociaux, ainsi que les décisions de rejet de leurs recours gracieux. Par un jugement n°s 1902928, 1903147 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n°s 20MA03263, 20MA03399 du 28 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur les appels de la société Academic Golf de Roquebrune, de l'association syndicale libre Les Rives du Golf ainsi que de MM. H..., J... et I..., annulé ce jugement, l'arrêté du 3 avril 2019 et les décisions de rejet des recours gracieux.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 décembre 2021 et 29 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bouygues Immobilier demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels de la société Academic Golf de Roquebrune, de l'association syndicale libre Les Rives du Golf, de M. H... et de M. J..., ainsi que l'intervention de M. I... ;

3°) de mettre à la charge de la société Academic Golf de Roquebrune, l'association syndicale libre Les Rives du Golf, M. H... et M. J... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Bouygues Immobilier et à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la société Academic Golf de Roquebrune ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de Roquebrune-sur-Argens a délivré, par un arrêté du 3 avril 2019, à la société Bouygues immobilier un permis de construire quarante-six logements, dont vingt-trois logements locatifs sociaux. Par un jugement du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté les demandes présentées notamment par la société Academic Golf de Roquebrune, l'association syndicale libre Les Rives du Golf, M. H... et M. J... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ainsi que du rejet de leurs recours gracieux. Sur les appels formés par ces requérants, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement, l'arrêté du 3 avril 2019 et les décisions de rejet des recours gracieux, par un arrêt du 28 octobre 2021 contre lequel la société Bouygues immobilier se pourvoit en cassation.

2. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dans les communes littorales : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. " Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages. La nature de l'opération foncière ayant présidé à la création d'un secteur est sans incidence pour apprécier s'il caractérise une agglomération ou un village existant au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Un projet de construction situé en continuité avec un secteur urbanisé issu d'une opération de lotissement peut, ainsi, être autorisé si le nombre et la densité des constructions de ce lotissement sont suffisamment significatifs pour qu'il caractérise une agglomération ou un village existant au sens de l'article L. 121-8.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet litigieux consiste à remplacer un bâtiment de seize logements en R + 2 par un bâtiment de quarante-six logements en R + 2 sur une parcelle en lisière du secteur du Perrussier, zone développée dans le cadre d'une opération de lotissement, qui se situe à cinq kilomètres de l'ancien village qui constitue le quartier principal de la commune de Roquebrune-sur-Argens, laquelle est divisée en trois quartiers très éloignés les uns des autres. Pour juger que le projet ne pouvait être regardé comme s'inscrivant en continuité avec les agglomérations et villages existants, la cour s'est fondée sur les circonstances, d'une part, que le secteur en limite duquel s'implante le projet litigieux est séparé par une vaste zone forestière et agricole d'un autre secteur urbanisé de la commune, qu'elle a identifié comme en constituant le centre, correspondant au village ancien, et, d'autre part, qu'un " lotissement " ne pourrait caractériser une agglomération ou un village existant au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, ce dont elle a déduit que le secteur d'implantation, composé essentiellement d'habitations mitoyennes, de même que les secteurs adjacents, constitués d'une centaine de logements ainsi que de terrains de sport communaux et d'un centre de loisirs, ne constituaient pas une agglomération ou un village existant au sens de ces dispositions, en continuité duquel un projet de construction pourrait être autorisé. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la cour, à laquelle il incombait seulement de rechercher si le nombre et la densité des constructions du secteur en continuité duquel se situait le projet étaient suffisamment significatifs, a commis une erreur de droit en prenant en considération la nature de l'opération foncière ayant présidé à la création de ce secteur et en jugeant à ce titre qu'un " lotissement " ne pouvait constituer une agglomération ou un village existant au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, de même, au demeurant, qu'en prenant en considération l'éloignement de ce secteur par rapport au centre historique de la commune, situé dans un autre secteur urbanisé.

4. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Academic Golf de Roquebrune, de l'association syndicale libre Les Rives du Golf, de M. H... et de M. J... une somme globale de 1 500 euros à verser à la société Bouygues Immobilier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la société Academic Golf de Roquebrune.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 28 octobre 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : La société Academic Golf de Roquebrune, l'association syndicale libre Les Rives du Golf, M. H... et M. J... verseront une somme globale de 1 500 euros à la société Bouygues Immobilier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Academic Golf de Roquebrune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Bouygues Immobilier et à la société par actions simplifiée Academic Golf de Roquebrune.

Copie en sera adressée à l'association syndicale libre Les Rives du Golf, à M. A... H..., à M. L... J..., à M. K... I... et à la commune de Roquebrune-sur-Argens.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 mai 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 12 juin 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Lazar Sury

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 459918
Date de la décision : 12/06/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - RÈGLES GÉNÉRALES D'UTILISATION DU SOL - RÈGLES GÉNÉRALES DE L'URBANISME - PRESCRIPTIONS D'AMÉNAGEMENT ET D'URBANISME - RÉGIME ISSU DE LA LOI DU 3 JANVIER 1986 SUR LE LITTORAL - EXTENSION DE L'URBANISATION (ART - L - 121-8 DU CODE DE L’URBANISME) – CONDITION TENANT À CE QUE LES CONSTRUCTIONS SE TROUVENT EN CONTINUITÉ AVEC DES SECTEURS DÉJÀ URBANISÉS – 1) NOTION – SECTEURS PRÉSENTANT UN NOMBRE ET UNE DENSITÉ SIGNIFICATIFS DE CONSTRUCTIONS [RJ1] – 2) A) NATURE DE L’OPÉRATION FONCIÈRE DONT EST ISSU LE SECTEUR URBANISÉ – INCIDENCE – ABSENCE – B) ILLUSTRATION – CAS D’UN SECTEUR ISSU D’UNE OPÉRATION DE LOTISSEMENT [RJ1].

68-001-01-02-03 1) Il résulte de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu’aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d’autres constructions, dans les espaces d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages....2) a) La nature de l’opération foncière ayant présidé à la création d’un secteur déjà urbanisé est sans incidence pour apprécier s’il caractérise une agglomération ou un village existant au sens de cet article. ...b) Un projet de construction situé en continuité avec un secteur urbanisé issu d’une opération de lotissement peut, ainsi, être autorisé si le nombre et la densité des constructions de ce lotissement sont suffisamment significatifs pour qu’il caractérise une agglomération ou un village existant au sens de cet article.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - LÉGALITÉ INTERNE DU PERMIS DE CONSTRUIRE - LÉGALITÉ AU REGARD DE LA RÉGLEMENTATION NATIONALE - DISPOSITIONS LÉGISLATIVES DU CODE DE L'URBANISME - DISPOSITIONS PARTICULIÈRES AU LITTORAL – EXTENSION DE L'URBANISATION (ART - L - 121-8 DU CODE DE L’URBANISME) – CONDITION TENANT À CE QUE LES CONSTRUCTIONS SE TROUVENT EN CONTINUITÉ AVEC DES SECTEURS DÉJÀ URBANISÉS – 1) NOTION – SECTEURS PRÉSENTANT UN NOMBRE ET UNE DENSITÉ SIGNIFICATIFS DE CONSTRUCTIONS [RJ1] – 2) A) NATURE DE L’OPÉRATION FONCIÈRE DONT EST ISSU LE SECTEUR URBANISÉ – INCIDENCE – ABSENCE – B) ILLUSTRATION – CAS D’UN SECTEUR ISSU D’UNE OPÉRATION DE LOTISSEMENT [RJ1].

68-03-03-01-01 1) Il résulte de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu’aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d’autres constructions, dans les espaces d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages....2) a) La nature de l’opération foncière ayant présidé à la création d’un secteur déjà urbanisé est sans incidence pour apprécier s’il caractérise une agglomération ou un village existant au sens de cet article. ...b) Un projet de construction situé en continuité avec un secteur urbanisé issu d’une opération de lotissement peut, ainsi, être autorisé si le nombre et la densité des constructions de ce lotissement sont suffisamment significatifs pour qu’il caractérise une agglomération ou un village existant au sens de cet article.


Références :

[N1]

Cf. sol. contr., en précisant que la circonstance qu’un secteur urbanisé soit issu d’une opération de lotissement ne fait pas par elle-même obstacle à ce qu’il soit regardée comme constituant une agglomération ou un village existant pour l’appréciation de l’urbanisation en continuité, CE, 3 juillet 1996, S.C.I. Mandelieu Maure-Vieil, n° 137623, p. 261....

[RJ1]

Cf. CE, 9 novembre 2015, Commune de Porto-Vecchio, n° 372531, p. 388.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2023, n° 459918
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Lazar Sury
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SCP JEAN-PHILIPPE CASTON ; SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:459918.20230612
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