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02/06/2023 | FRANCE | N°464450

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 02 juin 2023, 464450


Vu la procédure suivante :



La société civile immobilière (SCI) MB Immo a demandé au tribunal administratif de Versailles, par deux requêtes distinctes, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire d'Evry a rejeté sa demande du 31 mai 2017 tendant à lui verser la somme de 3 336 975 euros, assortie des intérêts au taux légal, avec capitalisation, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'exercice illégal de son droit de préemption par la commune d'Evry sur un bien dont elle était propriétaire et de condamner la com

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Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) MB Immo a demandé au tribunal administratif de Versailles, par deux requêtes distinctes, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire d'Evry a rejeté sa demande du 31 mai 2017 tendant à lui verser la somme de 3 336 975 euros, assortie des intérêts au taux légal, avec capitalisation, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'exercice illégal de son droit de préemption par la commune d'Evry sur un bien dont elle était propriétaire et de condamner la commune d'Evry à lui verser la somme de 3 336 708 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2017, avec capitalisation, en réparation de ce préjudice. Par un jugement n°s1705439 - 1802855 du 20 janvier 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 20VE00718 du 31 mars 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société MB Immo contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 mai 2022, 30 août 2022, 24 janvier 2023 et 10 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société MB Immo demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de commune d'Evry la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Larrivé, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poupet, Kacenelenbogen, avocat de la société MB Immo et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune d'Evry ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière MB Immo a signé, le 25 février 2013, une promesse de vente à la société civile immobilière Benjamin, portant sur trois des six lots dont elle était propriétaire au sein d'un ensemble immobilier situé à Evry. La décision du 30 avril 2013 par laquelle la commune d'Evry a préempté ce bien a été annulée, à la demande de la société MB Immo, par un jugement du tribunal administratif de Versailles du 15 juin 2015, devenu définitif. Après avoir cherché un nouvel acquéreur, la société MB Immo a vendu ce bien, le 5 mai 2017, à la société LGSI. La société MB Immo a alors, le 31 mai 2017, vainement demandé à la commune d'Evry d'être indemnisée du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de l'illégalité de la décision de préemption. Elle a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune d'Evry à lui verser, à ce titre, une somme de 3 336 708 euros, avec intérêts et capitalisation. Par un jugement du 20 janvier 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par un arrêt du 31 mars 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société MB Immo contre ce jugement.

2. A l'issue d'une procédure de préemption qui n'a pas abouti, le propriétaire du bien en cause peut, si la décision de préemption est entachée d'illégalité, obtenir réparation du préjudice qui lui a causé de façon directe et certaine cette illégalité.

3. Pour dénier à la société requérante droit à réparation du préjudice qu'elle allègue avoir subi du fait que la décision de préemption aurait rendu impossible la réalisation de la vente projetée, la cour administrative d'appel a relevé, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, qu'aucune demande de permis de construire n'avait été déposée par la société Benjamin, ni à la date du 12 mars 2013 mentionnée dans une clause suspensive de la promesse de vente stipulant que la société s'engageait à déposer une telle demande avant cette date, ni même à celle, postérieure, de la décision de préemption et, au surplus, que les termes de la promesse de vente étaient particulièrement avantageux pour le promettant. En déduisant de ces constatations que, à la date de la décision de préemption, la vente n'avait pas de caractère suffisamment probable et en en concluant que le préjudice invoqué était purement éventuel, la cour administrative d'appel n'a ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

4. S'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la promesse de vente comportait une clause suspensive selon laquelle l'absence de demande de permis de construire présentée au plus tard le 12 mars 2013 permettait à la société Benjamin, si elle ne renonçait pas au bénéfice de cette condition, de se soustraire à la promesse de vente, alors que l'arrêt attaqué a indiqué que cette clause devait être regardée comme réalisée, l'erreur de plume ainsi commise est restée sans incidence sur le raisonnement de la cour administrative d'appel et sur l'appréciation, exempte de dénaturation comme il a été dit au point précédent, que celle-ci a portée sur l'absence de caractère suffisamment probable de la vente. En outre, en ne recherchant pas si la société Benjamin s'était prévalue de la non-réalisation de la condition suspensive ou si elle avait au contraire renoncé au bénéfice de cette condition, la cour administrative d'appel, qui ne s'est pas méprise sur la portée de la promesse de vente, n'a ni commis d'erreur de droit ni entaché sa décision de dénaturation sur ce point.

5. Il résulte de ce qui précède que la société MB Immo n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société MB Immo la somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Evry au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Evry qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société MB Immo est rejeté.

Article 2 : La société MB Immo versera une somme de 1 500 euros à la commune d'Evry au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société MB Immo et à la commune d'Evry.

Délibéré à l'issue de la séance du 11 mai 2023 où siégeaient : M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Guillaume Larrivé, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 2 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Damien Botteghi

Le rapporteur :

Signé : M. Guillaume Larrivé

Le secrétaire :

Signé : M. Mickaël Lemasson


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 464450
Date de la décision : 02/06/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 2023, n° 464450
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Larrivé
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP POUPET & KACENELENBOGEN ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:464450.20230602
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