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02/06/2023 | FRANCE | N°463485

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 02 juin 2023, 463485


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 27 janvier 2021 par laquelle la présidente du conseil départemental du Gard a, sur son recours préalable, confirmé les décisions de la caisse d'allocations familiales du Gard lui réclamant le remboursement de trop-perçus au titre du revenu de solidarité active, d'un montant de 8 380,86 euros pour la période du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2020 et d'un montant de 904 euros pour la période du 1er octobre 2020 au 30 novembre 2020, et, d'autre

part, de le rétablir dans ses droits à l'aide personnalisée au logement....

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 27 janvier 2021 par laquelle la présidente du conseil départemental du Gard a, sur son recours préalable, confirmé les décisions de la caisse d'allocations familiales du Gard lui réclamant le remboursement de trop-perçus au titre du revenu de solidarité active, d'un montant de 8 380,86 euros pour la période du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2020 et d'un montant de 904 euros pour la période du 1er octobre 2020 au 30 novembre 2020, et, d'autre part, de le rétablir dans ses droits à l'aide personnalisée au logement. Par un jugement n° 2100585 du 29 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 avril et 25 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge du département du Gard et de la caisse d'allocations familiales du Gard la somme de 4 000 euros à verser à la société Boré, Salve de Bruneton, Mégret, son avocat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Larrivé, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. B... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du département du Gard ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., allocataire du revenu de solidarité active, détient des parts dans une société civile immobilière au titre de laquelle il a déclaré avoir perçu, en 2018 et 2019, des revenus qu'il a qualifiés de revenus fonciers auprès de l'administration fiscale et de revenus de placements auprès de la caisse d'allocations familiales du Gard. A la suite d'un contrôle de la situation de M. B..., la caisse d'allocations familiales du Gard lui a, par des décisions confirmées le 27 janvier 2021 par la présidente du conseil départemental du Gard sur le recours préalable de l'intéressé, réclamé le remboursement d'indus de revenu de solidarité active, au motif que les sommes en cause auraient dû être déclarées auprès d'elle, non comme des revenus de placement, mais comme des revenus fonciers devant être pris intégralement en compte pour l'appréciation des ressources de l'intéressé. Par un jugement du 29 octobre 2021, contre lequel M. B... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande contestant ces indus et tendant à ce qu'il soit rétabli dans ses droits à l'aide personnalisée au logement. Eu égard aux moyens qu'il invoque, M. B... doit être regardé comme demandant l'annulation de ce jugement en tant seulement qu'il rejette sa contestation de la décision du 27 janvier 2021 de la présidente du conseil départemental du Gard.

2. En vertu de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " (...) Le revenu de solidarité active est une allocation qui porte les ressources du foyer au niveau du montant forfaitaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 262-3 du même code : " (...) L'ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l'article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine notamment : / 1° Les ressources ayant le caractère de revenus professionnels ou qui en tiennent lieu ; / 2° Les modalités d'évaluation des ressources (...) ". Le premier alinéa de l'article L. 132-1 de ce code dispose que : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire (...) ". Aux termes de l'article R. 262-6 du même code : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant au présent chapitre, l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, et notamment les avantages en nature ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux. / Les dispositions de l'article R. 132-1 sont applicables au revenu de solidarité active ". Enfin, l'article R. 132-1 de ce code prévoit que : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux. "

3. Pour l'application de ces dispositions, lorsque l'allocataire est propriétaire de parts d'une société civile immobilière, il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que les bénéfices d'une telle société qui ne lui auraient pas été distribués puissent être, à raison des parts détenues, regardés comme constitutifs pour lui d'une ressource. Dans cette hypothèse, il y a lieu, pour déterminer le montant des ressources retirées par l'allocataire de ses parts détenues dans une telle société, de tenir compte des seuls bénéfices de la société dont il a effectivement disposé, c'est-à-dire qui lui ont été distribués, et, à défaut de bénéfices distribués, d'évaluer ces ressources sur la base forfaitaire, applicable aux capitaux non productifs de revenus, prévue par les articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles, en appliquant le taux de 3 % à la valeur de ces parts.

4. Par suite, en jugeant que les revenus déclarés par M. B... au titre de ses parts détenues dans une société civile immobilière devaient être intégralement pris en compte pour le calcul de ses droits au revenu de solidarité active, sans rechercher s'il s'agissait de bénéfices de la société qui lui ont été distribués et dont il a, par conséquent, effectivement disposé, le tribunal administratif de Nîmes a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il porte sur les indus de revenu de solidarité active mis à sa charge.

6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la société Boré, Salve de Bruneton, Mégret renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département du Gard une somme de 1 500 euros à verser à cette société. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 29 octobre 2021 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il porte sur les indus de revenu de solidarité active mis à la charge de M. B....

Article 2 : L'affaire est, dans cette mesure, renvoyée au tribunal administratif de Nîmes.

Article 3 : Le département du Gard versera à la société Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. B..., une somme de 1 500 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Les conclusions présentées par le département du Gard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au département du Gard

Délibéré à l'issue de la séance du 11 mai 2023 où siégeaient : M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Guillaume Larrivé, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 2 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Damien Botteghi

Le rapporteur :

Signé : M. Guillaume Larrivé

Le secrétaire :

Signé : M. Mickaël Lemasson


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 463485
Date de la décision : 02/06/2023
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 2023, n° 463485
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Larrivé
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:463485.20230602
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