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02/06/2023 | FRANCE | N°452653

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 02 juin 2023, 452653


Vu la procédure suivante :

Par une requête, des mémoires complémentaires, un mémoire en réplique et de nouveaux mémoires, enregistrés les 17 mai, 13 juin et 21 juillet 2021, les 6 janvier et 6 avril 2022 et les 11 janvier et 10 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Tekimmo demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 3 et les mots " validé conformément à la procédure décrite à l'article 3 " figurant à l'article 4 de l'arrêté du ministre de la transition écologique du 31 mars 2021 relatif aux m

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, des mémoires complémentaires, un mémoire en réplique et de nouveaux mémoires, enregistrés les 17 mai, 13 juin et 21 juillet 2021, les 6 janvier et 6 avril 2022 et les 11 janvier et 10 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Tekimmo demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 3 et les mots " validé conformément à la procédure décrite à l'article 3 " figurant à l'article 4 de l'arrêté du ministre de la transition écologique du 31 mars 2021 relatif aux méthodes et procédures applicables au diagnostic de performance énergétique et aux logiciels l'établissant, ainsi que son annexe ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la " circulaire GT éditeurs " du 6 mai 2021 du ministre de la transition écologique ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir le règlement de la procédure d'évaluation des logiciels de diagnostic de performance énergétique du Centre scientifique et technique du bâtiment du 28 mai 2021 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 34 ;

- la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le décret n° 2019-873 du 21 août 2019 ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 15, 17 et 19 mai 2023, présentées par la société Tekimmo ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Tekimmo demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de l'article 3, des mots " validé conformément à la procédure décrite à l'article 3 " figurant à l'article 4 et de l'annexe de l'arrêté du ministre de la transition écologique du 31 mars 2021 relatif aux méthodes et procédures applicables au diagnostic de performance énergétique et aux logiciels l'établissant, d'autre part, du document intitulé " GT éditeurs " du 6 mai 2021 émanant du ministère de la transition écologique, enfin, du règlement de la procédure d'évaluation des logiciels de diagnostic de performance énergétique du Centre scientifique et technique du bâtiment du 28 mai 2021.

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

2. En premier lieu, les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le document intitulé " GT éditeurs " du 6 mai 2021, établi par le ministère de la transition écologique, correspond à une impression du support visuel diffusé au sein d'un groupe de travail consacré à la présentation de la procédure d'agrément des logiciels du nouveau diagnostic de performance énergétique des logements et bâtiments institué par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique. Cette présentation a pour seul objet de donner des informations pratiques aux éditeurs de logiciels et est, par elle-même, dépourvue d'effets notables sur leurs droits ou sur leur situation. Par suite, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que ce document n'est pas susceptible de recours. Il suit de là que les conclusions tendant à son annulation sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

3. En second lieu, la société requérante a demandé, par un mémoire enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 21 juillet 2021, soit dans le délai de recours contentieux de deux mois, l'annulation pour excès de pouvoir du règlement de la procédure d'évaluation des logiciels de diagnostic de performance énergétique du 28 mai 2021 du Centre scientifique et technique du bâtiment, établissement public à caractère industriel et commercial placé sous l'autorité du ministre chargé de la construction. La circonstance que ces conclusions ont été présentées après l'expiration du délai de recours contentieux contre l'arrêté du 31 mars 2021, qui faisait seul l'objet du recours initialement introduit par la société requérante, est dépourvue d'incidence sur leur recevabilité. Il s'ensuit que le ministre n'est pas fondé à opposer une fin de non-recevoir aux conclusions tendant à l'annulation de ce règlement du 28 mai 2021.

Sur la légalité de l'arrêté et du règlement attaqués :

4. L'article 3 de l'arrêté du 31 mars 2021 de la ministre de la transition écologique et de la ministre déléguée chargée du logement relatif aux méthodes et procédures applicables au diagnostic de performance énergétique et aux logiciels l'établissant dispose : " Les logiciels établissant les diagnostics de performance énergétique, mettant notamment en œuvre la méthode de calcul 3CL-DPE 2021 mentionnée à l'article 2, sont validés par le ministre en charge de la construction selon la procédure d'évaluation définie en annexe du présent arrêté ".

5. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 271-6 du code de la construction et de l'habitation, les diagnostics de performance énergétique, à l'instar d'autres documents composant le dossier de diagnostic technique qui doit être fourni par le vendeur en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti en vertu de l'article L. 271-4 de ce code, " sont établis par une personne présentant des garanties de compétence et disposant d'une organisation et de moyens appropriés. (...) ". Ce même article prévoit, en outre, que la personne établissant un diagnostic de performance énergétique " (...) ne doit avoir aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance ni avec le propriétaire ou son mandataire qui fait appel à elle, ni avec une entreprise pouvant réaliser des travaux sur les ouvrages, installations ou équipements pour lesquels il lui est demandé d'établir l'un des documents mentionnés au premier alinéa. (...) ". Aux termes de l'article R. 134-5 du même code, dans sa version en vigueur à la date d'édiction de l'arrêté attaqué : " Un arrêté conjoint des ministres chargés de la construction et de l'industrie détermine les modalités d'application de la présente sous-section. Il précise notamment, par catégorie de bâtiments, la définition des surfaces, le contenu du diagnostic de performance énergétique, les éléments des méthodes de calcul conventionnel, les échelles de référence, le prix moyen de l'énergie servant à l'évaluation des dépenses annuelles mentionnée à l'article R. 134-2, les facteurs de conversion des quantités d'énergie finale en quantités d'émissions de gaz à effet de serre et les modalités selon lesquelles est prise en compte dans les calculs l'incidence positive de l'utilisation de sources d'énergie renouvelable ou d'éléments équivalents ". Aux termes de l'article R. 134-5-7 du même code, dans sa version en vigueur à la date d'édiction de l'arrêté attaqué : " Le délai à l'expiration duquel naît une décision implicite valant acceptation est de neuf mois, en ce qui concerne les demandes, présentées sur le fondement des articles R. 134-2 et R. 134-5, tendant à : / 1° l'agrément d'un logiciel utilisé pour le calcul des diagnostics de performance énergétique (...) ".

6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, d'une part, le pouvoir réglementaire a pu, sans excéder les limites de sa compétence, prévoir que les logiciels utilisés pour le calcul des diagnostics de performance énergétique font l'objet d'un agrément par le ministre chargé de la construction, en vue à la fois d'harmoniser les pratiques des éditeurs de ces logiciels et de s'assurer que les algorithmes utilisés par ces derniers sont conformes à la méthode de calcul homologuée par le ministère chargé de la construction. D'autre part, en application des dispositions combinées des articles R. 134-5 et R. 134-5-7 dans leur version alors en vigueur, les ministres auteurs de l'arrêté attaqué étaient compétents pour préciser les modalités de cette procédure d'agrément des logiciels, dont le principe avait été prévu par décret en Conseil d'Etat. Par suite, les moyens tirés de ce que les dispositions attaquées de l'arrêté du 31 mars 2021 méconnaîtraient l'article 34 de la Constitution et auraient été prises par une autorité incompétente doivent être écartés.

7. En deuxième lieu, le point 6 de l'article 4 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur définit comme relevant d'un régime d'autorisation au sens de cette directive " toute procédure qui a pour effet d'obliger un prestataire ou un destinataire à faire une démarche auprès d'une autorité compétente en vue d'obtenir un acte formel ou une décision implicite relative à l'accès à une activité de service ou à son exercice ". L'agrément des logiciels utilisés pour le calcul des diagnostics de performance énergétique, qui intervient au terme d'une procédure d'évaluation visant, selon la définition figurant au point 1 de l'annexe de l'arrêté attaqué, à permettre " aux éditeurs de logiciels et aux utilisateurs de ceux-ci de s'assurer de leurs qualités techniques et ergonomiques pour l'élaboration des diagnostics de performance énergétique ", n'a ni pour objet ni pour effet de conditionner à l'obtention d'un tel agrément la mise sur le marché de ces logiciels par leurs éditeurs. Dès lors, l'agrément des logiciels utilisés pour le calcul des diagnostics de performance énergétique, prévu par l'arrêté attaqué, ne saurait être regardé comme relevant d'un régime d'autorisation au sens des dispositions précitées de la directive du 12 décembre 2006. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 9, 10 et 13 de cette directive, respectivement relatifs aux régimes d'autorisation, aux conditions d'octroi de l'autorisation et aux procédures d'autorisation en matière de liberté d'établissement des prestataires, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

8. En troisième lieu, si la requête conteste le rôle qui serait confié à la société " Tribu Energie " dans la procédure d'agrément des logiciels prévue par les actes attaqués, cette société n'est mentionnée ni dans l'arrêté du 31 mars 2021, ni dans le règlement de la procédure d'évaluation des logiciels de diagnostic de performance énergétique du Centre scientifique et technique du bâtiment du 28 mai 2021. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du principe d'égalité et de l'article 14 de la directive du 12 décembre 2006 du fait du rôle dévolu à cette société ne peuvent, en tout état de cause, qu'être regardés comme inopérants.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Tekimmo n'est pas fondée à demander l'annulation des actes qu'elle attaque. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Tekimmo est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Tekimmo et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 2 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. David Gaudillère

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 452653
Date de la décision : 02/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 2023, n° 452653
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Gaudillère
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:452653.20230602
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