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01/06/2023 | FRANCE | N°469179

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 01 juin 2023, 469179


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 21 novembre 2022, enregistrée le 25 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), après avoir rejeté le compte de campagne de M. B... A..., candidat tête de la liste " Saint-Martin avec vous " à l'élection des conseillers territoriaux de la collectivité qui s'est déroulée les 20 et 27 mars 2022 à Saint-Martin, a saisi le Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral.

La sai

sine a été communiquée à M. A..., qui n'a pas présenté de mémoire.

Vu le...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 21 novembre 2022, enregistrée le 25 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), après avoir rejeté le compte de campagne de M. B... A..., candidat tête de la liste " Saint-Martin avec vous " à l'élection des conseillers territoriaux de la collectivité qui s'est déroulée les 20 et 27 mars 2022 à Saint-Martin, a saisi le Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral.

La saisine a été communiquée à M. A..., qui n'a pas présenté de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4.". L'article L. 52-15 du même code prévoit que : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. (...)".

2. En premier lieu, aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : " Le montant global des dons en espèces faits au candidat ne peut excéder 20 p. 100 du montant des dépenses autorisées lorsque ce montant est égal ou supérieur à 15 000 euros en application de l'article L. 51-1 ".

3. Il résulte de l'instruction que la totalité des recettes inscrites au compte de campagne de la liste conduite par M. A... pour l'élection du conseil territorial de Saint-Martin, soit 12 000 euros, était constituée de dons en espèces de personnes physiques, soit plus de 52 % du plafond des dépenses autorisées, qui était en l'espèce de 22 903 euros. Par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a estimé que le compte de campagne de M. A... méconnaissait les dispositions mentionnées au point 2.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral : " Tout candidat à une élection déclare un mandataire (...) au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. (...) Le mandataire (...) règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payée directement par le candidat ou à son profit (...) font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte de dépôt (...) ". Selon le deuxième alinéa de l'article L. 52-6 de ce code : " Le mandataire financier est tenu d'ouvrir un compte de dépôt unique retraçant la totalité de ses opérations financières. L'intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat, nommément désigné. (...) Les comptes du mandataire sont annexés au compte de campagne du candidat qui l'a désigné (...) ". En raison de la finalité poursuivie par ces dispositions, l'obligation de financer toute dépense effectuée en vue de la campagne exclusivement à partir du compte unique ouvert à cette seule fin par le mandataire financier désigné par le candidat constitue une formalité substantielle à laquelle il ne peut, en principe, pas être dérogé. Le règlement direct de menues dépenses par le candidat ou par toute autre personne participant à sa campagne, y compris son mandataire financier sur ses fonds propres, ne peut être admis qu'à la double condition que leur montant soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral.

5. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que M. A..., la mandataire qu'il avait désignée ou des tiers participant à sa campagne ont réglé en espèces diverses dépenses de campagne pour un montant total de 2 390 euros. Ces dépenses représentent respectivement 19,96 % des dépenses inscrites au compte de campagne et 10,43 % du plafond légal des dépenses autorisées. Elles ne peuvent donc être admises au regard des règles rappelées au point 4.

6. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. A....

7. Aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : (...) 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de l'élection. ". En application de ces dispositions, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne prononce l'inéligibilité d'un candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré ainsi que de tenir compte de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte, du montant des sommes en cause ainsi que de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

8. Eu égard aux sommes en jeu, rapportées au montant des dépenses de campagne et à celui du plafond des dépenses autorisées, et à la nature et à la finalité des règles de financement des campagnes électorales méconnues, les manquements relevés aux points 3 et 5 présentent une particulière gravité. M. A..., qui avait déjà été candidat aux élections législatives de 2012 et de 2017 dans la circonscription de Saint-Martin et Saint-Barthélemy et, à ce titre, tenu de présenter un compte de campagne dans des conditions analogues à celles qui s'appliquaient à l'élection des membres du conseil territorial de Saint-Martin en mars 2022, ne pouvait ignorer les obligations qui lui incombaient au titre de ce dernier scrutin. Dans ces conditions et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il y a lieu de le déclarer inéligible pour une durée de dix-huit mois.

D E C I D E :

---------------

Article 1er : M. A... est déclaré inéligible pour une durée de dix-huit mois à compter de la présente décision.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 avril 2023 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat et M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 1er juin 2023.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

Le rapporteur :

Signé : M. Emmanuel Weicheldinger

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 469179
Date de la décision : 01/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2023, n° 469179
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel Weicheldinger
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:469179.20230601
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