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25/05/2023 | FRANCE | N°463482

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 25 mai 2023, 463482


Vu la procédure suivante :

La société Escota a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler pour excès de pouvoir le permis de construire accordé à Mme A... B... le 23 mars 2017 par la commune de Menton, prorogé par un arrêté du 19 février 2020 pour une durée d'un an. Par un jugement n° 2100722 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 avril et 22 juillet 2022 et le 10 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Eta

t, la Société Escota demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2...

Vu la procédure suivante :

La société Escota a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler pour excès de pouvoir le permis de construire accordé à Mme A... B... le 23 mars 2017 par la commune de Menton, prorogé par un arrêté du 19 février 2020 pour une durée d'un an. Par un jugement n° 2100722 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 avril et 22 juillet 2022 et le 10 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société Escota demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Menton la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sara-Lou Gerber, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Escota et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la commune de Menton et de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 23 mars 2017, le maire de la commune de Menton a délivré à Mme B... un permis de construire portant sur l'édification de trois logements et de quatre places de stationnement, qui a été prorogé pour une durée d'un an par un arrêté du 19 février 2020. La société Escota se pourvoit en cassation contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire, au motif que cette société ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cette autorisation d'urbanisme.

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

3. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le terrain d'assiette du projet se situe en face d'un talus occupé au moins en partie par la société Escota, dans le cadre d'une concession d'autoroute au titre de laquelle elle exploite l'échangeur autoroutier ainsi que la portion d'autoroute situés en contrebas et dans la continuité du talus. Il ressort, d'autre part, des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet et les terrains occupés par la société Escota ne sont séparés que par un chemin d'accès commun. Pour écarter l'intérêt pour agir de la société Escota, le tribunal administratif a retenu que le chemin d'accès (dénommé corniche André Tardieu) appartenait au domaine public communal et que cette route était ouverte à la circulation publique, ce dont il a conclu que la société Escota ne pouvait se prévaloir d'aucun trouble de jouissance. En se fondant ainsi sur la propriété du chemin séparant le terrain d'assiette du projet des terrains utilisés par la société Escota, sans rechercher si, d'une part, compte-tenu de l'occupation de ces terrains, la société Escota pouvait être regardée comme un voisin immédiat et si, d'autre part, compte-tenu des éléments dont la société Escota faisait état, relatifs notamment aux risques qu'un usage plus intensif du chemin ferait peser sur l'exploitation de l'ouvrage autoroutier situé en contrebas, cette société justifiait d'un intérêt pour agir, le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement et commis une erreur de droit.

4. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, la société Escota est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Menton la somme de 3 000 euros à verser à la société Escota, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de ce même article font obstacle à ce que les sommes demandées par Mme B... et par la commune de Menton soient mises à la charge de la société Escota qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 24 février 2022 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nice.

Article 3 : La commune de Menton versera à la société Escota une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme B... et par la commune de Menton sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Escota, à la commune de Menton et à Mme A... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 20 avril 2023 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Sara-Lou Gerber, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 25 mai 2023.

Le président :

Signé : M. Olivier Yeznikian

La rapporteure :

Signé : Mme Sara-Lou Gerber

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 463482
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mai. 2023, n° 463482
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sara-Lou Gerber
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:463482.20230525
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