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04/05/2023 | FRANCE | N°465581

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 04 mai 2023, 465581


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution, d'une part, de la décision du 29 octobre 2021 par laquelle la directrice générale de l'établissement public médico-social (EPMS) " Le Littoral " a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et, d'autre part, de la décision de la directrice générale de cet établissement du 15 février 2022 la plaçant en disponibilité d'office pour

maladie pour une durée de neuf mois à compter du 24 novembre 2021. Par un...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution, d'une part, de la décision du 29 octobre 2021 par laquelle la directrice générale de l'établissement public médico-social (EPMS) " Le Littoral " a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et, d'autre part, de la décision de la directrice générale de cet établissement du 15 février 2022 la plaçant en disponibilité d'office pour maladie pour une durée de neuf mois à compter du 24 novembre 2021. Par une ordonnance n° 2206339, 2206348 du 22 juin 2022, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 juillet 2022, 19 juillet 2022 et 20 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'EPMS " Le Littoral " la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-83 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ;

- le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de Mme A... et à Me François Bardoul, avocat de l'EPMS " Le Littoral ".

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 29 octobre 2021, prise sur avis de la commission de réforme du département de la Loire Atlantique, la directrice générale de l'établissement public médico-social (EPMS) " Le Littoral " a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... A..., aide médico-psychologique principale. Par ailleurs, par un arrêté du 15 février 2022 pris après avis du comité médical départemental de la Loire Atlantique, la directrice générale de l'EPMS a placé Mme A... en disponibilité d'office pour maladie à compter du 24 novembre 2021. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 22 juin 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à la suspension de l'exécution des décisions du 29 octobre 2021 et du 15 février 2022.

Sur l'ordonnance attaquée en tant qu'elle est relative à la décision du 15 février 2022 plaçant Mme A... en disponibilité d'office :

3. La décision du 15 février 2022, qui plaçait Mme A... en disponibilité d'office pour une durée de neuf mois à compter du 24 novembre 2021, a été en tout état de cause abrogée par la décision du 7 février 2023 par laquelle la directrice générale de l'EPMS " Le Littoral " a placé Mme A... en congé de longue maladie pour une durée de dix-huit mois à compter du 23 novembre 2021. Par suite, le pourvoi a perdu son objet en tant qu'il tend à l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a rejeté la demande de suspension de l'exécution de la décision du 15 février 2022.

Sur l'ordonnance attaquée en tant qu'elle est relative à la décision du 29 octobre 2021 rejetant la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... :

En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance :

4. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence. ". En vertu du premier alinéa de l'article L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale ". Selon l'article R. 522-4 du même code : " Notification de la requête est faite aux défendeurs / Les délais les plus brefs sont donnés aux parties afin de fournir leurs observations. (...) ". Enfin, l'article R. 522-7 du même code dispose : " L'affaire est réputée en état d'être jugée dès lors qu'a été accomplie la formalité prévue au premier alinéa de l'article R. 522-4 et que les parties ont été régulièrement convoquées à une audience publique pour y présenter leurs observations ". Il résulte de ces dispositions que, s'il incombe au juge des référés de communiquer au demandeur par tous moyens, notamment en le mettant à même d'en prendre connaissance à l'audience publique, les observations de la partie adverse, les décisions prises par le juge des référés sont rendues à la suite d'une procédure particulière adaptée à la nature des demandes et à la nécessité d'assurer une décision rapide.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que les observations en défense présentées par l'EPMS " Le Littoral " ont été communiquées à Mme A... avant l'audience publique du 2 juin 2022. Au surplus, Mme A..., qui était représentée à l'audience, n'a sollicité ni le renvoi de celle-ci, ni le report de la clôture de l'instruction. Le moyen tiré de ce que le juge des référés aurait entaché son ordonnance d'irrégularité, faute d'avoir mis Mme A... en mesure de répliquer utilement aux observations en défense présentées par l'EPMS " Le Littoral " doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'ordonnance :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. (...) Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le dossier soumis à la commission de réforme doit contenir le rapport du médecin agréé qui a examiné le fonctionnaire et que ce dernier doit être informé de la possibilité d'obtenir la consultation de ces pièces avant la réunion de la commission.

7. Eu égard à la circonstance, d'une part, que Mme A... a été examinée le 21 avril 2021 par le médecin agréé dont l'avis défavorable à l'imputation de sa pathologie au service a été communiqué à la commission de réforme, réunie le 14 octobre 2021 et, d'autre part, que le médecin traitant de Mme A... a écrit à ce médecin agréé le 9 septembre 2021 pour lui demander de réétudier la demande de Mme A... qui souhaitait contester son avis défavorable, le juge des référés du tribunal administratif a pu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation et sans commettre d'erreur de droit, estimer que le moyen tiré de ce que Mme A... n'aurait pas été informée de la possibilité de consulter son dossier avant la réunion de la commission de réforme, de présenter des observations écrites et de fournir des certificats médicaux, n'est, en l'état de l'instruction, pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : " La commission départementale de réforme (...) est notamment consultée (...) sur l'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, dans les conditions prévues au titre VI bis du présent décret ". Selon l'article 35-9 du même décret, dans sa rédaction alors en vigueur : " Au terme de l'instruction, l'autorité investie du pouvoir de nomination dont relève le fonctionnaire se prononce sur l'imputabilité au service et, lorsqu'elle est constatée, place le fonctionnaire en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la durée de l'arrêt de travail ". Le juge des référés a pu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation et sans commettre d'erreur de droit, estimer, en l'état de l'instruction, que n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée le moyen tiré de ce que la directrice générale de l'EPMS " Le Littoral " se serait estimée tenue de suivre l'avis exprimé par la commission de réforme.

9. Il ressort, en dernier lieu, des pièces du dossier soumis au juge des référés que la décision litigieuse a été prise sur la base de l'avis de la commission de réforme, saisie en application des dispositions des articles 35-6, dans sa rédaction alors en vigueur, et 35-8 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière. Selon cet avis, la maladie de Mme A... n'est pas désignée dans l'un des tableaux des maladies professionnelles, est en lien direct avec le service, mais entraîne une incapacité permanente à un taux inférieur au seuil de 25% fixé par l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale. Par ailleurs, les expertises et contre-expertises médicales qui ont été réalisées concluent également que la pathologie dont souffre Mme A... n'entre pas dans les prévisions du tableau n° 98 des maladies professionnelles. Dès lors, le juge des référés n'a ni dénaturé les pièces du dossier, ni commis d'erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de ce que la maladie dont souffre Mme A... relèverait du tableau des maladies professionnelles n° 98 n'est, en l'état de l'instruction, pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme A... dirigées contre l'ordonnance attaquée en tant qu'elle rejette sa demande de suspension de la décision du 29 octobre 2021 doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi de Mme A... en tant qu'il tend à l'annulation de l'ordonnance du 22 juin 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes en tant qu'elle rejette sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 15 février 2022 de la directrice générale de l'établissement public médico-social " Le Littoral ".

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de l'établissement public médico-social " Le Littoral " présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à l'établissement public médico-social " Le Littoral "

Délibéré à l'issue de la séance du 23 mars 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 4 mai 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Barthélemy

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 465581
Date de la décision : 04/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 mai. 2023, n° 465581
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Barthélemy
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP THOMAS-RAQUIN, LE GUERER, BOUNIOL-BROCHIER ; BARDOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465581.20230504
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