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27/04/2023 | FRANCE | N°464630

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 27 avril 2023, 464630


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la carence fautive du préfet des Pyrénées-Atlantiques dans l'examen de sa demande de logement social. Par un jugement no 2000336 du 16 février 2022, le tribunal administratif Pau a condamné l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros.

Par une ordonnance n° 22BX00918 du 2 juin 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a renvoyé au Conseil d'E

tat le pourvoi formé par M. A... contre ce jugement.

Par ce pourvoi et u...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la carence fautive du préfet des Pyrénées-Atlantiques dans l'examen de sa demande de logement social. Par un jugement no 2000336 du 16 février 2022, le tribunal administratif Pau a condamné l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros.

Par une ordonnance n° 22BX00918 du 2 juin 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a renvoyé au Conseil d'Etat le pourvoi formé par M. A... contre ce jugement.

Par ce pourvoi et un mémoire, enregistré les 21 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, son avocat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les demandes successives de M. A... tendant à ce que soit reconnu le caractère prioritaire et urgent de sa demande de logement ont été rejetées par la commission de médiation des Pyrénées-Atlantiques. Par une ordonnance du 25 juin 2018, le juge des référés de ce tribunal a suspendu l'exécution de la décision de la commission de médiation du 29 mars 2018 rejetant une nouvelle fois sa demande et enjoint à la commission de médiation de procéder au réexamen de sa situation et à ce que l'intéressé soit logé, dans cette attente, dans une structure d'hébergement à compter du 30 juin 2018. Par un jugement du 21 décembre 2018, le président du tribunal administratif de Pau a annulé pour excès de pouvoir la décision du 29 mars 2018 en prescrivant, à nouveau, le réexamen de la demande de l'intéressé. A la suite du rejet implicite par le préfet des Pyrénées-Atlantiques d'une réclamation préalable tendant à la réparation des préjudices qu'il impute à l'inexécution de ces jugements, M. A... a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 30 000 euros en réparation des préjudices résultant des fautes qu'il impute à la commission de médiation. M. A... se pourvoit contre le jugement du 16 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à lui verser une somme de 3000 euros au titre de ces préjudices.

2. En vertu de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la décision juridictionnelle comporte notamment la mention de la production d'une note en délibéré. Lorsque, postérieurement à la tenue d'une audience, le juge est saisi d'une note en délibéré émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette note en délibéré avant de rendre sa décision, ainsi que de la viser sans l'analyser. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte - après l'avoir visée et, cette fois, analysée -, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A... a adressé, postérieurement à l'audience du 26 janvier 2022, deux notes en délibéré qui ont été enregistrées au greffe du tribunal administratif de Pau les 1er février et 4 février 2022. Il est constant que le jugement du tribunal administratif du 16 février 2022 omet de mentionner la seconde note en délibéré. Il est, dès lors, entaché d'irrégularité et doit, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, être annulé.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond.

5. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision implicite née du silence gardé par le préfet des Pyrénées-Atlantiques sur la demande indemnitaire qui lui a été préalablement adressée par M. A..., laquelle a eu pour seul objet de lier le contentieux en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, est inopérant.

6. En deuxième lieu, par un jugement du 21 décembre 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de Pau a, comme il a été rappelé au point 1, annulé pour excès de pouvoir la décision du 29 mars 2018 par laquelle la commission de médiation des Pyrénées-Atlantiques a refusé de reconnaître comme urgente et prioritaire la demande de logement de M. A... alors que ce dernier se trouvait, à la date de cette décision, dans une des situations prévues au II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation et qu'il satisfaisait à l'un des critères définis à l'article R. 441-14-1 de ce code. Il résulte en outre de l'instruction que, d'une part, l'injonction provisoire prononcée par l'ordonnance du 25 juin 2018 du juge des référés qui, saisi au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, avait suspendu l'exécution de la décision précitée du 29 mars 2018 de la commission de médiation et enjoint à cette dernière de procéder au réexamen de la situation de M. A... dès sa prochaine séance et, dans cette attente, de le loger dans une structure d'hébergement à compter du 30 juin 2018 et, d'autre part, l'injonction de réexamen de la situation de l'intéressé prononcée par le jugement du 21 décembre 2018 du tribunal administratif mentionné au point 1 à la suite de son annulation de la décision du 29 mars 2018, n'ont été exécutées qu'avec retard, dès lors, d'une part, que la commission de médiation ne s'est prononcé sur le droit au logement de M. A... que le 19 décembre 2019 et, d'autre part, qu'à la suite de la reconnaissance de ce droit, une offre de logement ne lui a été faite que le 24 janvier 2020. L'illégalité entachant la décision du 29 mars 2018 et les retards mis, d'une part, par la commission de médiation pour se prononcer sur le droit au logement de l'intéressé et, d'autre part, par le préfet pour lui fournir un logement, sont constitutifs de fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la période à prendre en compte au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant des retards rappelés au point précédent, est celle comprise entre le 30 juin 2018 et le 24 janvier 2020. Il convient toutefois d'en déduire les trois mois de septembre à novembre 2019 durant lesquels le requérant a été pris en charge par l'organisme de gestion des foyers Amitiés.

8. Il s'ensuit qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des troubles dans les conditions d'existence du fait de ces fautes subis par M. A..., qui a été contraint durant la période de carence de l'Etat, de vivre dans des conditions précaires et notamment d'habiter dans son véhicule automobile, en lui allouant une indemnité de 3 000 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'Etat est condamné à verser à M. A... une indemnité de 3 000 euros.

10. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du requérant, peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cette société.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 16 février 2022 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A... une somme de 3 000 euros.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du requérant, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4: La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 avril 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 27 avril 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Rousselle

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 464630
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 avr. 2023, n° 464630
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:464630.20230427
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