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27/04/2023 | FRANCE | N°459668

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 27 avril 2023, 459668


Par une requête sommaire enregistrée le 20 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme BE... BH..., M. AC... AU..., M. AJ... M..., M. A... E..., M. AB... AO..., M. AN... J..., M. AK... AP..., M. AC... Z..., M. AV... F..., M. AH... R..., M. AF... AX..., M. C... AY..., M. AW... S..., M. W... AQ..., M. N... BG..., M. I... T..., M. O... AD..., M. AN... G..., M. D... AE..., M. D... AG..., M. AM... H..., M. Q... AZ..., M. AA... AI..., M. AN... BA..., M. AS... B..., M. P... BB..., M. BC... BF..., M. X... U..., M. AL... V..., M. D... Y..., M. AR... AT..., M. BD... L... et M

. AS... K... demandent au Conseil d'Etat :



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Par une requête sommaire enregistrée le 20 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme BE... BH..., M. AC... AU..., M. AJ... M..., M. A... E..., M. AB... AO..., M. AN... J..., M. AK... AP..., M. AC... Z..., M. AV... F..., M. AH... R..., M. AF... AX..., M. C... AY..., M. AW... S..., M. W... AQ..., M. N... BG..., M. I... T..., M. O... AD..., M. AN... G..., M. D... AE..., M. D... AG..., M. AM... H..., M. Q... AZ..., M. AA... AI..., M. AN... BA..., M. AS... B..., M. P... BB..., M. BC... BF..., M. X... U..., M. AL... V..., M. D... Y..., M. AR... AT..., M. BD... L... et M. AS... K... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction du 9 juillet 2021 du directeur général de la police nationale ainsi que décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

- le code général des impôts ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2000-194 du 23 mars 2000 ;

- le décret n° 2013-728 du 12 août 2013 ;

- l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Hortense Naudascher, auditrice,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par une instruction du 9 juillet 2021, le directeur général de la police nationale a prévu l'indemnisation des heures supplémentaires effectuées entre le 1er janvier 2019 et le 30 juin 2021 pour les personnels du corps d'encadrement et d'application et les agents spécialisés et techniciens de la police technique et scientifique. L'instruction prévoit ainsi, à titre obligatoire, l'indemnisation des heures excédant la cent-soixantième heure, dans la limite d'un montant de 5 358 euros brut, correspondant au plafond de l'exonération annuelle d'impôt sur le revenu prévu par l'article 81 quater du code général des impôts et, à titre optionnel, une indemnisation complémentaire. Les agents du service de la protection sont, quant à eux, indemnisés à titre obligatoire des heures effectuées et acquises au cours de la même période, au-delà du plancher de cent soixante heures, dans la limite de quatre fois le plafond d'exonération d'impôt sur le revenu de 5 358 euros. Les requérants doivent être regardés comme demandant l'annulation de l'instruction du 9 juillet 2021 par laquelle le directeur général de la police nationale a prévu l'indemnisation exceptionnelle, en 2021, d'une partie des heures supplémentaires effectuées par les agents placés sous son autorité, en tant qu'elle a prévu des modalités dérogatoires plus favorables pour les seuls agents du service de la protection.

2. En premier lieu, aux termes du second alinéa de l'article 22 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " Les services accomplis au-delà de la durée hebdomadaire normale du travail sont compensés par des repos égaux ou équivalents qui doivent être accordés dans les plus courts délais compatibles avec les besoins du service, ou dans des conditions définies par décret, par un régime indemnitaire adapté ". Aux termes de l'article 1er du décret du 3 mars 2000 fixant les conditions d'attribution d'une indemnité pour services supplémentaires aux fonctionnaires actifs de la police nationale : " Les fonctionnaires actifs de la police nationale, à l'exclusion des fonctionnaires du corps de conception et de direction et du corps de commandement, peuvent, lorsqu'ils sont amenés à effectuer des services supplémentaires non susceptibles de donner lieu à récupération, bénéficier d'une indemnité pour services supplémentaires ". L'article 3 de ce décret précise les modalités de calcul de cette indemnité. Enfin, aux termes de l'article 113-34 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale : " Les services supplémentaires (permanences, astreintes, rappels au service, dépassements horaires de la journée de travail ou de la vacation) effectués au-delà de la durée réglementaire de travail ouvrent droit : / 1. Après prise en compte temps pour temps, à des repos égaux ou équivalents dans des conditions précisées par l'instruction générale relative à l'organisation du travail dans la police nationale. / (...) / 2. Ou à une indemnisation forfaitaire dans des conditions fixées par décret. / Le paiement, en application des dispositions du décret n° 2000-194 du 3 mars 2000 modifié, d'indemnités pour services supplémentaires effectués sur une période donnée, exclut toute compensation horaire au titre de cette même période. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que les fonctionnaires actifs de la police nationale appartenant au corps d'encadrement et d'application peuvent prétendre, lorsque les services supplémentaires qu'ils ont effectués ne sont pas susceptibles de donner lieu à récupération sous forme de repos égaux ou équivalents, au versement d'une indemnité calculée selon les modalités prévues par le décret du 3 mars 2000. L'impossibilité de récupérer de tels services supplémentaires peut être la conséquence d'une décision de l'administration, prise pour les besoins du service, ou résulter de la situation du fonctionnaire concerné, notamment de son état de santé.

3. L'instruction attaquée constitue une décision de l'administration pour l'application des règles mentionnées au point précédent. Par suite, le moyen tiré de ce que l'instruction aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté.

4. En deuxième lieu, l'égalité de traitement à laquelle ont droit les agents d'un même corps ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, en particulier en instituant des régimes indemnitaires tenant compte de fonctions, de responsabilités ou de sujétions particulières ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit.

5. Aux termes de l'article 19 du décret du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer : " Le service de la protection assure au profit de personnes françaises ou étrangères les missions de protection rapprochée et d'accompagnement de sécurité ; il met en œuvre les mesures nécessaires à la sécurité du Président de la République. Il contribue à l'organisation et à la sécurité des visites des hautes personnalités en France et à l'étranger, ainsi que des événements ou manifestations de grande ampleur ou auxquels participent de nombreuses hautes personnalités françaises ou étrangères. / Il assure la surveillance et la protection des bâtiments et emprises de l'administration centrale du ministère de l'intérieur, sans préjudice des compétences du haut fonctionnaire de défense. / Il met à la disposition du ministre de l'intérieur, de ses services et de certaines autorités gouvernementales des moyens automobiles. / Il est responsable de l'organisation des services d'honneur du ministère de l'intérieur ".

6. Si l'instruction attaquée prévoit, pour résorber le stock d'heures supplémentaires des agents du service de la protection, particulièrement important en comparaison de celui accumulé par des agents d'autres services, des modalités distinctes d'indemnisation du stock d'heures supplémentaires de ces agents, avec notamment une indemnisation obligatoire quatre fois supérieure à celle prévue pour les autres agents, la différence de traitement qui en résulte nécessairement entre les agents du service de la protection et ceux des autres services, est, contrairement à ce qui est soutenu, justifiée par la différence de situation entre ces agents au regard du nombre d'heures supplémentaires qu'ils ont à effectuer et qu'ils ont effectivement effectuées sans qu'elles soient indemnisées ou récupérées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'instruction méconnaît le principe d'égalité entre agents d'un même corps doit être écarté.

7. En troisième lieu, les dispositions mentionnées au point 3 prévoient deux modalités de compensation des heures supplémentaires effectuées avec, d'une part, l'attribution d'un repos compensateur et, d'autre part, l'indemnisation, laquelle est subordonnée à une décision de l'administration. Le moyen tiré de ce que les requérants disposeraient d'un droit acquis à des congés compensateurs au titre des heures supplémentaires effectuées n'est, en tout état de cause, pas assorti des précisions qui permettent d'en apprécier le bien-fondé.

8. En quatrième lieu, la circonstance que les heures supplémentaires accomplies par les agents du service de la protection, qui seront obligatoirement indemnisées au-delà du plafond dans la limite duquel elles bénéficient d'une exonération fiscale en application de l'article 81 quater du code général des impôts, seront fiscalisées, est sans incidence sur la légalité de l'instruction attaquée.

9. En cinquième lieu, l'instruction attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de modifier le régime applicable à la durée maximale du travail et aux cycles de travail des agents du service de la protection. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que l'instruction méconnaîtrait les objectifs poursuivis par les dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ne peut qu'être écarté.

10. En sixième lieu, les dispositions du § 4.1.3 de l'instruction attaquée n'ont ni pour objet ni pour effet d'exclure les majorations prévues par les dispositions de l'article 3 du décret du 3 mars 2000 fixant les conditions d'attribution d'une indemnité pour services supplémentaires aux fonctionnaires actifs de la police nationale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de ce décret ne peut qu'être écarté. Les requérants, qui ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l'article 4 de la charte sociale européenne, lesquelles ne produisent pas d'effets directs à l'égard des nationaux de ces Etats, ne sont pas non plus fondés à soutenir que ce taux horaire fixerait le montant d'indemnisation à un " niveau insuffisant ".

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. J... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'instruction litigieuse. Leur requête doit, par suite, être rejetée, y compris, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. J... et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. AN... J..., premier requérant dénommé, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 avril 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Hortense Naudascher, auditrice-rapporteure.

Rendu le 27 avril 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Hortense Naudascher

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 459668
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 avr. 2023, n° 459668
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hortense Naudascher
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:459668.20230427
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