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24/04/2023 | FRANCE | N°465002

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 24 avril 2023, 465002


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Rennes, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, à la suite de sa décision du 24 février 2022 rejetant le compte de campagne de M. A... D... et de Mme C... B..., candidats dans le canton de Gourin (Morbihan) aux élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021. Par un jugement n° 2201263 du 13 mai 2022, le tribunal administratif a, d'une part, jugé que le compte de campagne de M. D... et Mm

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Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Rennes, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, à la suite de sa décision du 24 février 2022 rejetant le compte de campagne de M. A... D... et de Mme C... B..., candidats dans le canton de Gourin (Morbihan) aux élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021. Par un jugement n° 2201263 du 13 mai 2022, le tribunal administratif a, d'une part, jugé que le compte de campagne de M. D... et Mme B... a été rejeté à bon droit, d'autre part, déclaré ces derniers inéligibles pour une durée d'un an.

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 juin 2022, 15 mars et 27 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de dire qu'il n'y a pas lieu de les déclarer inéligibles ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 avril 2023, présentée par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du premier tour des élections départementales qui a eu lieu le 20 juin 2021 dans le canton de Gourin (Morbihan), le binôme constitué par M. A... D... et Mme C... B... a obtenu 18,79 % des suffrages exprimés. Par une décision du 24 février 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté leur compte de campagne au motif que celui-ci n'avait pas été présenté par un expert-comptable. M. D... et Mme B... relèvent appel du jugement du 13 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes, après avoir jugé que la CNCCFP avait à bon droit rejeté leur compte de campagne, les déclarés inéligibles pour une durée d'un an.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été avertie du jour et de l'horaire de l'audience publique par un courrier du greffe du tribunal du 29 mars 2022. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des prescriptions de l'article R. 711-2 du code de justice administrative manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " I. - Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés (...) / III. - Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables. Ce dernier met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises (...) ".

4. Il résulte de l'instruction et n'est, au demeurant, pas contesté que le compte de campagne de M. D... et Mme B..., qui avaient obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés, n'a pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables. C'est ainsi à bon droit que le Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté ce compte.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 118-3 du même code : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible: / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 (...) ". En application de ces dispositions, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré, en tenant compte de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte et du montant des sommes en cause.

6. Il résulte de l'instruction que si, ainsi qu'il a été dit au point 4, le compte de campagne déposé par les requérants à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'était pas visé par un expert-comptable, les intéressés ont produit devant le Conseil d'Etat un compte de campagne revêtu du visa d'un expert-comptable, sans que ce compte ne comporte d'irrégularités ni ne présente de différence notable avec celui qui avait été soumis préalablement à la Commission. Eu égard au faible montant des recettes et dépenses de ce compte, de l'ordre de 4 600 euros, et, dans les circonstances de l'espèce, au caractère non délibéré du manquement en cause, celui-ci ne justifie pas que M. D... et Mme B... soient déclarés inéligibles en application des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral.

7. Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement qu'ils attaquent, le tribunal administratif les a déclarés inéligibles pour une durée d'un an.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. D... et Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 du jugement du 13 mai 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de déclarer M. D... et Mme B... inéligibles en application de l'article L. 118-3 du code électoral.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... D..., à Mme C... B..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 30 mars 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 24 avril 2023.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Catherine Moreau

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 465002
Date de la décision : 24/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2023, n° 465002
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Moreau
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465002.20230424
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