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24/04/2023 | FRANCE | N°462780

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 24 avril 2023, 462780


Vu la procédure suivante :

La société Bermont et fils a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 novembre 2021 la mettant en demeure de respecter plusieurs prescriptions relatives au fonctionnement de la carrière à ciel ouvert " Le Vescorn " sur le territoire des communes de Massoins et de Tournefort. Par une ordonnance n° 2106386 du 15 mars 2022, le juge des référés a fait droit à cette d

emande et enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situat...

Vu la procédure suivante :

La société Bermont et fils a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 novembre 2021 la mettant en demeure de respecter plusieurs prescriptions relatives au fonctionnement de la carrière à ciel ouvert " Le Vescorn " sur le territoire des communes de Massoins et de Tournefort. Par une ordonnance n° 2106386 du 15 mars 2022, le juge des référés a fait droit à cette demande et enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de l'exploitation de la société Bermont et fils dans un délai de deux mois.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mars et 15 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance ou, à titre subsidiaire, de l'annuler en tant qu'elle suspend l'exécution des alinéas 1, 2 et 4 de l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 2 novembre 202l.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Bermont et fils ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société Bermont et fils a été autorisée par un arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 21 décembre 2013 à exploiter une carrière à ciel ouvert d'éboulis calcaires et de calcaire massif à bancs située sur un versant du massif du Vescorn, sur le territoire de la commune de Massoins. A la suite du constat établi en décembre 2017 et en juillet 2018 par un comité d'experts d'un risque d'effondrement brusque d'une partie du massif, le préfet a, par des arrêtés des 22 février 2018, 23 juillet 2018 et 29 mars 2019, prescrit à l'exploitant des mesures de première nécessité, puis suspendu toutes activités d'extraction dans la carrière et ordonné la mise en sécurité du site. Par un arrêté complémentaire du 20 juillet 2020, le préfet a redéfini les conditions et le périmètre relatifs à la poursuite des activités dans la carrière. Par un arrêté du 2 novembre 2021, pris en application de l'article L.178-8 du code de l'environnement, le préfet a mis en demeure la société Bermont et fils de respecter plusieurs dispositions de son précédent arrêté du 20 juillet 2020, relatives aux prélèvements et consommations d'eau, au périmètre des activités autorisées, aux mesures d'évitement, de suppression ou de réduction des impacts sur la biodiversité, et à la gestion des eaux de ruissellement. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 15 mars 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a suspendu l'exécution de l'arrêté du 2 novembre 2021.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porterait atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Elle s'apprécie objectivement et globalement compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce. Il ressort de l'ordonnance attaquée que le juge des référés a estimé que les mesures prévues par l'arrêté préfectoral litigieux étaient susceptibles d'avoir des conséquences financières non négligeables susceptibles de mettre en péril la poursuite de l'exploitation de la carrière, et en a déduit que la condition d'urgence était satisfaite. En fondant cette appréciation sur les conséquences économiques potentielles, non spécifiées, des mesures prescrites pour l'exploitant, sans examiner l'intérêt général qui s'attache à l'exécution de prescriptions visant notamment à garantir la sécurité des personnes travaillant dans la carrière et à contrôler les incidences de l'exploitation sur les aquifères voisins, le juge des référés a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge de référés du tribunal administratif de Nice du 15 mars 2022 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Nice.

Article 3 : Les conclusions de la société Bermont et fils tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Bermont et fils.

Copie en sera adressée aux communes de Massoins et de Tournefort.

Délibéré à l'issue de la séance du 30 mars 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 24 avril 2023.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Juliette Mongin

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 462780
Date de la décision : 24/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2023, n° 462780
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliette Mongin
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462780.20230424
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