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12/04/2023 | FRANCE | N°455306

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 12 avril 2023, 455306


Vu la procédure suivante :

La société Company, la société Sport Val, Mme B... A..., l'association France nature environnement des Bouches-du-Rhône et le comité d'intérêt de quartier de l'Eure les Rampals ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 janvier 2020 par lequel le maire de Marseille a délivré à la société Saint Christophe un permis d'aménager quatre lots à bâtir sur un terrain situé dans le 12ème arrondissement de Marseille, ainsi que les décisions des 27 mai et 3 juillet 2020 rejetant leurs recours

gracieux. Par un jugement n° 2004996, 2005554 du 7 juin 2021, le tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

La société Company, la société Sport Val, Mme B... A..., l'association France nature environnement des Bouches-du-Rhône et le comité d'intérêt de quartier de l'Eure les Rampals ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 janvier 2020 par lequel le maire de Marseille a délivré à la société Saint Christophe un permis d'aménager quatre lots à bâtir sur un terrain situé dans le 12ème arrondissement de Marseille, ainsi que les décisions des 27 mai et 3 juillet 2020 rejetant leurs recours gracieux. Par un jugement n° 2004996, 2005554 du 7 juin 2021, le tribunal administratif a annulé ces décisions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 5 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Saint Christophe demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les demandes de la société Company et autres ;

3°) de mettre à la charge de la société Company et autres la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la société Saint Christophe, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Company et de la société Sport Val et à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de l'association France nature environnement des Bouches du Rhône ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 16 janvier 2020, le maire de Marseille a délivré à la société Saint Christophe un permis d'aménager quatre lots à bâtir sur un terrain situé dans le 12ème arrondissement de Marseille. La société Saint Christophe se pourvoit en cassation contre le jugement du 7 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille, saisi par la société Company et autres, a annulé cet arrêté.

2. En vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques " et " fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ". En vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-22 du même code : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Enfin, l'article R. 151-23 du même code précise : " Peuvent être autorisées, en zone A : / 1°-Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

4. Le tribunal administratif a ainsi pu sans erreur de droit, contrairement à ce qui est soutenu, se fonder sur la continuité du secteur à vocation agricole dans lequel s'inscrirait la parcelle en cause et la cohérence de la zone agricole à laquelle son classement porterait atteinte, et dont une part importante est actuellement exploitée pour l'agriculture, sans rechercher si cette parcelle présente elle-même un caractère de terres agricoles. Toutefois, en estimant, malgré le large pouvoir d'appréciation dont disposaient les auteurs du plan local d'urbanisme, que le classement du terrain d'assiette du permis litigieux en zone constructible était entaché d'une erreur d'appréciation présentant un caractère manifeste, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la parcelle en cause, qui n'a jamais été classée en zone agricole et dont le sol, pollué, est impropre à l'exercice d'une activité agricole, se situe dans la continuité, non seulement d'un secteur à vocation agricole, mais également d'une zone d'activités commerciales et en bordure d'une avenue très passante, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, la société Saint-Christophe est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Company, de la société Sport Val, de Mme B... A..., de l'association France nature environnement des Bouches-du-Rhône et du comité d'intérêt de quartier de l'Eure les Rampals la somme de 600 euros chacun à verser à la société Saint Christophe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Saint Christophe, qui n'est pas la partie perdante dans la présence instance, la somme que demandent, à ce titre et au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la société Company, la société Sport Val et l'association France nature environnement des Bouches-du-Rhône.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 juin 2021 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : La société Company, la société Sport Val, Mme B... A..., l'association France nature environnement des Bouches-du-Rhône et le comité d'intérêt de quartier de l'Eure les Rampals verseront à la société Saint Christophe la somme de 600 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Company et la société Sport Val au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'association France nature environnement des Bouches-du-Rhône au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Saint Christophe, à la société Company, à la société Sport Val, à Mme B... A..., à l'association France nature environnement des Bouches-du-Rhône, au comité d'intérêt de quartier de l'Eure les Rampals et à la commune de Marseille.

Délibéré à l'issue de la séance du 27 mars 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Joachim Bendavid, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 12 avril 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Joachim Bendavid

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 455306
Date de la décision : 12/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 avr. 2023, n° 455306
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Joachim Bendavid
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP SPINOSI ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:455306.20230412
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