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07/04/2023 | FRANCE | N°467467

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 07 avril 2023, 467467


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct, enregistré le 27 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. B... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation partielle du décret n°2022-1187 du 25 août 2022, pris en application de l'article 5 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis

par la Constitution de l'article L. 2143-6 du code de la santé publique.
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Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct, enregistré le 27 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. B... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation partielle du décret n°2022-1187 du 25 août 2022, pris en application de l'article 5 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 2143-6 du code de la santé publique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le décret du 25 août 2022 relatif à l'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur pris en application de l'article 5 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique et portant modification des dispositions relatives à l'assistance médicale à la procréation a défini les modalités du droit d'accès aux origines des enfants nés d'une assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur. Par un mémoire distinct, présenté à l'appui du recours pour excès de pouvoir qu'il a formé contre ce décret, M. B... soutient que les dispositions de l'article L. 2143-6 du code de la santé publique, issu de la loi du 2 août 2021, portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Aux termes de l'article L. 2143-6 du code de la santé publique : " Une commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur est placée auprès du ministre chargé de la santé. Elle est chargée : (...) / 6° De contacter les tiers donneurs qui n'étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don, lorsqu'elle est saisie de demandes au titre de l'article L. 2143-5, afin de solliciter et de recueillir leur consentement à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité ainsi qu'à la transmission de ces données à l'Agence de la biomédecine. Afin d'assurer cette mission, la commission peut utiliser le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques et consulter ce répertoire. Les conditions de cette utilisation et de cette consultation sont fixées par un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. La commission est également autorisée à consulter le répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l'assurance maladie afin d'obtenir, par l'intermédiaire des organismes servant les prestations d'assurance maladie, l'adresse des tiers donneurs susmentionnés ; (...) ".

4. Les dispositions de l'article L. 2143-6 du code de la santé publique, issues de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, sont applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale, en prévoyant que la commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'accès à ses origines par l'enfant né d'un don, puisse contacter les tiers donneurs ayant réalisé un don avant l'entrée en vigueur de la loi, à une époque où leur anonymat était garanti vis-à-vis de l'enfant né du don, afin de solliciter et de recueillir leur consentement à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité, soulève une question nouvelle au sens de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

5. Il y a lieu, par suite, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 2143-6 du code de la santé publique est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B... jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la Première ministre, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré à l'issue de la séance du 27 mars 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et Mme Alexandra Bratos, auditrice-rapporteure.

Rendu le 7 avril 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Alexandra Bratos

La secrétaire :

Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 467467
Date de la décision : 07/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 avr. 2023, n° 467467
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Alexandra Bratos
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:467467.20230407
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