Vu la procédure suivante :
La société anonyme (SA) Legris Industries a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge du rappel de taxe sur les salaires mis à sa charge au titre de l'année 2012 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1801013 du 4 mars 2020, ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 20NT01871 du 26 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la société Legris Industries, annulé ce jugement et prononcé la décharge des impositions en litige.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 janvier et 28 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Legris Industries.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Legris Industries ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société Legris Industries, l'administration fiscale a considéré que cette dernière, qui était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur l'intégralité de son chiffre d'affaires au titre de la période correspondant à l'année 2012, était redevable au titre de ce même exercice de la taxe sur les salaires, au motif qu'elle n'avait pas été soumise, au titre de la période correspondant à l'année civile précédente, à la taxe sur la valeur ajoutée sur au moins 90 % de son chiffre d'affaires. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 novembre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a fait droit à l'appel de la société Legris Industries formé contre le jugement du 4 mars 2020 du tribunal administratif de Rennes qui avait rejeté sa demande de décharge du rappel de taxe sur les salaires mis à sa charge au titre de l'année 2012.
2. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant (...) à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total (...) ". Il résulte de ces dispositions que sont redevables de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d'une année civile, dans la limite du rapport mentionné ci-dessus, d'une part, les personnes ou organismes dont le chiffre d'affaires de cette année n'est pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, les personnes ou organismes dont le chiffre d'affaires de l'année précédente a été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur d'une fraction inférieure à 90%. Il en résulte inversement que, pour ne pas être redevable de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d'une année civile, une personne ou un organisme doit, non seulement être assujetti cette année-là à la taxe sur la valeur ajoutée sur une partie au moins de son chiffre d'affaires, mais aussi l'avoir été l'année précédente à hauteur d'au moins 90 % de son chiffre d'affaires.
3. En jugeant que la société Legris Industries devait être regardée comme n'étant pas redevable de la taxe sur les salaires dès lors qu'elle était assujettie, au titre de la période correspondant à l'année 2012 en litige, à la taxe sur la valeur ajoutée sur l'intégralité de son chiffre d'affaires, et qu'était à cet égard sans incidence la circonstance qu'elle ne l'avait pas été, au titre de la période correspondant à l'année civile précédente, sur une fraction de son chiffre d'affaires d'au moins 90 %, la cour administrative d'appel a méconnu les dispositions citées au point 2. Le ministre est, par suite, fondé à demander l'annulation, pour ce motif, de l'arrêt qu'il attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 26 novembre 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société anonyme Legris Industries.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 mars 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier et M. Frédéric Gueudar Delahaye, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Jean-Claude Hassan, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 31 mars 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Claude Hassan
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle