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24/03/2023 | FRANCE | N°470132

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 24 mars 2023, 470132


Vu la procédure suivante :

Par trois mémoires, enregistrés les 31 décembre 2022, 17 janvier et 6 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, l'association National organisation for the reform of marijuana laws France demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l'usage de stupéfiants et des analyses et examens prévus par

le code de la route ainsi que de la décision implicite de rejet de sa de...

Vu la procédure suivante :

Par trois mémoires, enregistrés les 31 décembre 2022, 17 janvier et 6 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, l'association National organisation for the reform of marijuana laws France demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l'usage de stupéfiants et des analyses et examens prévus par le code de la route ainsi que de la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation de cet arrêté, de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 235-1 et L. 235-2 du code de la route.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la route ;

- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;

- l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l'usage de stupéfiants et des analyses et examens prévus par le code de la route ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-204 QPC du 9 décembre 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Hortense Naudascher, auditrice,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. En premier lieu, les dispositions du I de l'article L. 235-1 du code de la route définissent le délit de conduite d'un véhicule sous l'emprise de substances ou plantes classées comme stupéfiants et les sanctions encourues. Par une décision n° 2011-204 QPC du 9 décembre 2011, le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions, dans leur rédaction issue de la loi n° 2007-292 du 5 mars 2007, étaient conformes à la Constitution, aux motifs qu'il était loisible au législateur d'instituer une qualification pénale pour réprimer la conduite lorsque le conducteur a fait usage de stupéfiants et de renvoyer au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge compétent, le soin de fixer, en l'état des connaissances scientifiques, médicales et techniques, les seuils minima de détection témoignant de l'usage de stupéfiants.

3. Contrairement à ce que soutient l'association requérante, d'une part, la modification apportée au I de l'article L. 235-1 par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, afin de prévoir la possibilité de recourir à une analyse salivaire pour établir le délit d'usage illicite de conduite sous l'emprise de substances ou plantes classées comme stupéfiants, d'autre part l'évolution du cadre réglementaire fixant les modalités de dépistage des stupéfiants et de classement des plantes et substances classées comme stupéfiants, et enfin l'augmentation du nombre de condamnations judiciaires prononcées sur le fondement de l'article L. 235-1 du code de la route, ne remettent en cause ni la portée du dispositif de la décision du Conseil constitutionnel ni son champ d'application et ne constituent pas un changement des circonstances de droit ou de fait. Dès lors, l'association requérante ne peut se prévaloir d'aucun changement de circonstances justifiant le réexamen des dispositions en cause par le Conseil constitutionnel.

4. Par ailleurs, si l'association requérante sollicite le renvoi au Conseil constitutionnel de la question de la conformité de l'ensemble des dispositions de l'article L. 235-1 du code de la route aux droits et libertés garantis par la Constitution, et non du seul I ainsi déjà déclaré conforme à la Constitution, elle ne développe aucune argumentation sur les dispositions du II de cet article, qui définit les peines complémentaires encourues. Par suite, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le mémoire distinct enregistré le 31 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat et complété par un mémoire enregistré le 17 janvier 2023.

5. En second lieu, dans un mémoire enregistré le 6 mars 2023, l'association requérante, tout en développant de nouveaux arguments au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité présentée dans son mémoire distinct du 31 décembre 2022, demande au Conseil d'Etat de renvoyer également au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 235-2 du code de la route, qui n'étaient pas critiquées dans le mémoire du 31 décembre 2022. Faute d'avoir été introduites par mémoire distinct dans les formes prescrites par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et l'article R* 771-13 du code de justice administrative, cette nouvelle question prioritaire de constitutionnalité est irrecevable.

6. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par l'association " National organisation for the reform of marijuana laws France ".

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association " National organisation for the reform of marijuana laws France " et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre, au garde des sceaux, ministre de la justice, et au ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2023 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Hortense Naudascher, auditrice-rapporteure.

Rendu le 24 mars 2023.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Hortense Naudascher

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 24 mar. 2023, n° 470132
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hortense Naudascher
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel

Origine de la décision
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 24/03/2023
Date de l'import : 14/04/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 470132
Numéro NOR : CETATEXT000047342182 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2023-03-24;470132 ?
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