La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2023 | FRANCE | N°455899

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 21 mars 2023, 455899


Vu la procédure suivante :

Mme C... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 5 686 321,43 euros, à valoir sur l'indemnisation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 21 mars 2018 au centre hospitalier de Roanne.

Par une ordonnance n° 2007401 du 30 a

vril 2021, le juge des référés du tribunal administratif a condamné l'...

Vu la procédure suivante :

Mme C... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 5 686 321,43 euros, à valoir sur l'indemnisation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 21 mars 2018 au centre hospitalier de Roanne.

Par une ordonnance n° 2007401 du 30 avril 2021, le juge des référés du tribunal administratif a condamné l'ONIAM à verser à Mme D... une provision de 2 788 876,53 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par une ordonnance n° 21LY01543 - 21LY01546 du 10 août 2021, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de l'ONIAM et appel incident de Mme D..., réduit à la somme de 222 554,38 euros le montant de l'indemnité provisionnelle mise à la charge de l'ONIAM et condamné l'ONIAM à verser également à Mme D..., à titre provisionnel, d'une part une rente annuelle au titre du besoin futur d'assistance par tierce personne d'un montant de 66 744 euros avant déduction des éventuelles aides perçues au même titre et du coût des éventuels séjours en établissement spécialisé, d'autre part le remboursement, sur présentation de justificatifs de dépenses, des frais de renouvellement des matériels techniques médicalisés restés à sa charge, dans la limite d'un montant annuel de 8 989,61 euros, et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 6 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de Mme D... et autres à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon que Mme D... a subi le 21 mars 2018 au centre hospitalier de Roanne une intervention chirurgicale à la suite de laquelle elle reste atteinte d'une paraplégie à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent de 75 %. Mme D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), au titre des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, le versement d'une indemnité provisionnelle en réparation de ses préjudices. Par une ordonnance du 30 avril 2021, le juge des référés a condamné l'ONIAM à verser à Mme D... une provision de 2 788 876,533 euros. Sur appel de l'ONIAM et appel incident de Mme D..., le juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon a, par une ordonnance du 10 août 2021, réduit à la somme de 222 554,38 euros le montant de l'indemnité provisionnelle mise à la charge de l'ONIAM et condamné celui-ci à verser également à Mme D..., à titre provisionnel, d'une part une rente annuelle au titre du besoin futur d'assistance par une tierce personne d'un montant de 66 744 euros avant déduction des éventuelles aides perçues au même titre et du coût des éventuels séjours en établissement spécialisé, d'autre part le remboursement, sur présentation de justificatifs de dépenses, des frais de renouvellement des matériels techniques médicalisés restés à sa charge, dans la limite d'un montant annuel de 8 989,61 euros, Mme D... s'est pourvue en cassation contre cette ordonnance. Après son décès intervenu le 29 janvier 2022, M. D... et M. B..., ses héritiers, ont repris l'instance engagée par Mme D....

Sur le besoin d'assistance par une tierce personne :

3. En premier lieu, il appartient au juge, s'agissant des préjudices futurs de la victime non réparés par des prestations de tiers payeurs, de décider si leur réparation doit prendre la forme du versement d'un capital ou d'une rente selon que l'un ou l'autre de ces modes d'indemnisation assure à la victime, dans les circonstances de l'espèce, la réparation la plus équitable. En se fondant, pour décider d'indemniser à titre provisionnel sous forme de rente, plutôt que de capital, les besoins futurs d'assistance par une tierce personne de Mme D..., sur l'incertitude affectant tant les aides que l'intéressée était susceptible de percevoir à l'avenir que les modalités de sa future prise en charge, le juge des référés de la cour administrative d'appel n'a pas méconnu ce principe et n'a ni commis d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier.

4. En deuxième lieu, en se fondant sur les circonstances que Mme D... conservait l'usage de ses membres supérieurs et bénéficiait de la prise en charge de soins infirmiers deux fois par jour et de deux visites quotidiennes de l'association ADMR, pour juger que l'obligation d'indemniser Mme D... au titre de ses besoins futurs d'assistance par une tierce personne ne pouvait être regardée comme non sérieusement contestable que dans la limite de dix heures par jour, le juge des référés de la cour administrative d'appel a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.

Sur les frais d'acquisition et d'aménagement d'un véhicule :

5. En retenant que seule pouvait être regardée comme non sérieusement contestable l'obligation d'indemniser Mme D... des frais d'aménagement d'un véhicule, et non celle de l'indemniser du coût total d'acquisition d'un véhicule, le juge des référés de la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas inexactement qualifié les faits.

Sur les dépenses de santé futures :

6. Le principe de réparation intégrale du préjudice n'implique pas de contrôle de l'utilisation des fonds alloués à la victime, qui en conserve la libre disposition. Il en résulte notamment que, s'il est loisible au juge, lorsqu'il décide d'accorder une rente pour l'indemnisation d'un besoin futur conduisant la victime à exposer des dépenses de santé, de demander à celle-ci de produire, à des intervalles réguliers, des éléments de nature à justifier de la persistance de ce besoin et à permettre d'évaluer l'évolution du montant de son reste à charge, le versement de la rente à la victime ne peut être subordonné à la production de justificatifs d'engagement de dépenses. Par suite, en prévoyant, pour la période postérieure à son ordonnance, le remboursement sur justificatifs des frais de renouvellement des matériels techniques médicalisés restés à la charge de Mme D..., dans la limite d'un montant annuel de 8 989,61 euros, le juge des référés a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 10 août 2021 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon qu'en tant qu'elle statue sur sa demande au titre de ses dépenses de santé futures pour le renouvellement des matériels techniques spécialisés.

Sur les frais du litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'ONIAM qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'ONIAM présentées au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon du 10 août 2021 est annulée en tant qu'elle statue sur la demande de provision de Mme D... au titre de ses dépenses de santé futures pour le renouvellement des matériels techniques médicalisés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme D... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... D..., premier requérant dénommé, et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 février 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 21 mars 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Ségolène Cavaliere

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 455899
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 mar. 2023, n° 455899
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ségolène Cavaliere
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET ; SCP L. POULET-ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:455899.20230321
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award