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15/03/2023 | FRANCE | N°460443

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 15 mars 2023, 460443


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 janvier et 2 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 17 novembre 2021 l'ayant déchu de sa nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme

et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code pénal ;

- la loi n° 2006-64 du 23 ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 janvier et 2 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 17 novembre 2021 l'ayant déchu de sa nationalité française ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code pénal ;

- la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 25 du code civil : " L'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride : / 1° S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme (...) ". L'article 25-1 de ce code ne permet la déchéance de la nationalité dans ce cas qu'à la condition que les faits aient été commis moins de quinze ans auparavant et qu'ils aient été commis soit avant l'acquisition de la nationalité française, soit dans un délai de quinze ans à compter de cette acquisition.

2. L'article 421-2-1 du code pénal qualifie d'acte de terrorisme " le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme " mentionnés aux articles 421-1 et 421 2 du code pénal.

3. M. A... a été déchu de la nationalité française par un décret du 17 novembre 2021 pris sur le fondement des articles 25 et 25-1 du code civil, au motif qu'il a été condamné par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 22 septembre 2017 pour avoir participé à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, faits prévus par l'article 421-2-1 du code pénal.

4. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par le secrétaire général du Gouvernement, que le décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de l'intérieur.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 61 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Lorsque le Gouvernement décide de faire application des articles 25 et 25-1 du code civil, il notifie les motifs de droit et de fait justifiant la déchéance de la nationalité française, en la forme administrative ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...). L'intéressé dispose d'un délai d'un mois à dater de la notification ou de la publication de l'avis au Journal officiel pour faire parvenir au ministre chargé des naturalisations ses observations en défense. A l'expiration de ce délai, le Gouvernement peut déclarer, par décret motivé pris sur avis conforme du Conseil d'Etat, que l'intéressé est déchu de la nationalité française ".

6. Après avoir cité les textes applicables et énoncé que M. A..., qui a acquis la nationalité française en 2002, a été condamné par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 22 septembre 2017 à une peine de huit ans d'emprisonnement assortie d'une période de sûreté des deux tiers pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme courant 2013 et 2014, jusqu'au 19 juillet 2014, le décret attaqué indique que les conditions légales permettant de prononcer la déchéance de la nationalité française doivent être regardées comme réunies, sans qu'aucun élément relatif à la situation personnelle du requérant et aux circonstances de l'espèce justifie qu'il y soit fait obstacle. Dans ces conditions, le décret attaqué satisfait à l'exigence de motivation posée par l'article 61 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par des juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat ". Toutefois, ces stipulations ne trouvent à s'appliquer que pour les poursuites en matière pénale. Or la déchéance de la nationalité constitue une sanction de nature administrative. Par suite, le requérant ne saurait utilement soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait ces stipulations.

8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné à une peine de huit ans d'emprisonnement assortie d'une période de sûreté des deux tiers pour des faits qualifiés de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme. Il ressort des constatations de fait auxquelles a procédé le juge pénal que M. A... a rejoint un groupe terroriste, participé à des entraînements et aux opérations armées de ce groupe.

9. Eu égard à la nature et à la gravité des faits commis par le requérant qui ont conduit à sa condamnation pénale, la sanction de déchéance de la nationalité française, qui a notamment pour effet de priver l'intéressé de ses droits civils et politiques en France, est légalement justifiée sans que le comportement de l'intéressé postérieur à ces faits permette de remettre en cause cette appréciation.

10. Un décret portant déchéance de la nationalité française est par lui-même dépourvu d'effet sur la présence sur le territoire français de celui qu'il vise, comme sur ses liens avec les membres de sa famille, et n'affecte pas, dès lors, le droit au respect de sa vie familiale. En revanche, un tel décret affecte un élément constitutif de l'identité de la personne concernée et est ainsi susceptible de porter atteinte au droit au respect de sa vie privée. Au cas présent, eu égard à la gravité des faits commis par le requérant et à l'ensemble des circonstances de l'espèce, le décret attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Par suite, les moyens tirés de ce que la sanction serait injustifiée et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 460443
Date de la décision : 15/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 mar. 2023, n° 460443
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:460443.20230315
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