Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 23 mars 2022 par lequel le maire de Théoule-sur-Mer a rejeté la demande de permis de construire modificatif qu'il avait présentée pour la réalisation d'un ouvrage mobile permettant le franchissement d'un vallon et d'enjoindre au maire, à titre principal, de lui délivrer ce permis de construire modificatif sous astreinte, à titre subsidiaire, de lui délivrer un certificat de permis de construire modificatif tacite sous astreinte et, à titre plus subsidiaire, de réexaminer sa demande de permis modificatif sous astreinte. Par une ordonnance n° 2201973 du 21 juillet 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 et 8 août 2022 et le 19 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Théoule-sur-Mer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de La Burgade, avocat de M. A... et à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la commune de Théoule-sur-Mer ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que le maire de Théoule-sur-Mer a délivré à M. A..., le 16 mars 2018, un permis de construire pour l'édification d'une maison à usage d'habitation et d'une piscine. Saisi par l'association syndicale autorisée des propriétaires du Domaine de Théoule Azur d'une demande d'annulation de ce permis, le tribunal administratif de Nice a, par un premier jugement du 10 novembre 2021, sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, afin de permettre à M. A... d'obtenir, dans un délai de quatre mois, un permis modificatif régularisant les vices tirés, d'une part, du caractère incomplet du dossier de demande de permis s'agissant de la rampe d'accès à la maison projetée et, d'autre part, de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison de l'atteinte portée à la sécurité publique par la pose d'une buse dans le vallon Maurin en l'absence de prescription spéciale édictée par le maire. Par un arrêté du 23 mars 2022, le maire de Théoule-sur-Mer a refusé de délivrer à M. A... le permis modificatif qu'il sollicitait en vue de la régularisation de son projet. Ce dernier se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 21 juillet 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 23 mars 2022.
2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction ". Aux termes de l'article R. 423-38 de ce code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes ". Aux termes de l'article R. 423-41 du même code : " Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d'un mois prévu à l'article R. 423-38 (...) n'a pas pour effet de modifier les délais d'instruction définis aux articles R. 423-23 à R. 423-37-1 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R. 423-42 à R. 423-49 ". L'article R. 423-23 du même code prévoit que : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) b) Deux mois (...) pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle (...) ".
3. D'autre part, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Cet article L. 211-2 requiert la motivation, notamment, des décisions qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droits.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que la demande de permis modificatif de M. A... a été déposée le 20 décembre 2021 et que les services de la commune de Théoule-sur-Mer lui ont adressé une demande de pièces complémentaires le 19 janvier 2022, qu'il a reçue le 21 janvier 2022, soit après l'expiration du délai d'un mois mentionné à l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme, qui, contrairement à ce que soutient la commune, n'est pas un délai franc. Cette demande de pièces complémentaires n'ayant dès lors pu interrompre le délai d'instruction de la demande fixé par l'article R. 423-23 du même code, ce délai était expiré lorsque l'arrêté litigieux a été pris, le 23 mars 2022. Par suite, le permis modificatif sollicité par M. A... doit être regardé comme ayant été tacitement accordé, de sorte que l'arrêté dont la suspension de l'exécution est demandée doit être regardé comme un retrait de ce permis tacite, retrait qui est au nombre de décisions qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 précité du code des relations entre le public et l'administration. Par conséquent, le maire de Théoule-sur-Mer ne pouvait retirer le permis modificatif tacite accordé à M. A... sans avoir préalablement mis en œuvre la procédure contradictoire requise.
5. S'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que des échanges ont eu lieu entre M. A... et le service instructeur, ces échanges n'ont pu constituer la procédure préalable requise, M. A... n'ayant pas été mis à même de produire des observations sur les motifs mêmes qui ont conduit le maire à retirer le permis de construire tacite dont il bénéficiait.
6. Il suit de là qu'en jugeant que le moyen tiré de ce que la décision attaquée retirait illégalement une autorisation tacitement acquise n'était pas propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à sa légalité, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur l'intervention de l'association syndicale autorisée des propriétaires du Domaine de Théoule Azur :
9. Il ressort des pièces du dossier qu'en vertu de l'article 18 des statuts de l'association syndicale autorisée des propriétaires du Domaine de Théoule Azur, son président la représente en justice et qu'en vertu de leur article 17, le syndicat délibère sur l'autorisation du président d'agir en justice. L'association produit un mandat par lequel son conseil syndical a donné, le 7 août 2018, mandat à son président pour la représenter en justice. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le président de l'association n'aurait pas eu qualité pour intervenir en son nom.
10. L'association justifie d'un intérêt suffisant au maintien de la décision attaquée.
11. Ainsi son intervention est recevable.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Théoule-sur-Mer :
12. L'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. "
13. Si aucune mesure de régularisation n'est notifiée au juge qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation d'urbanisme, décide de recourir à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, il appartient à celui-ci de prononcer l'annulation de l'autorisation litigieuse, sans que puisse être contestée devant lui la légalité du refus opposé, le cas échéant, à la demande de régularisation présentée par le bénéficiaire de l'autorisation. Une telle contestation ne peut intervenir que dans le cadre d'une nouvelle instance, qui doit être regardée comme dirigée contre le refus d'autoriser le projet dans son ensemble, y compris les modifications qu'il était envisagé d'y apporter.
14. Par suite, contrairement à ce que soutient la commune, l'annulation par le tribunal administratif de Nice de l'arrêté du 16 mars 2018, en l'absence de notification de la mesure de régularisation refusée à M. A..., ne prive pas ce dernier de son intérêt pour contester le refus opposé par le maire le 23 mars 2022 de lui délivrer le permis modificatif qu'il sollicitait en vue de la régularisation de son projet. Cette contestation doit être regardée comme dirigée contre le refus du maire d'autoriser le projet dans son ensemble, y compris les modifications qu'il était envisagé d'y apporter.
Sur la demande en référé :
15. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
16. Il résulte de ces dispositions que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme satisfaite lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'une décision de retrait d'un permis de construire tacite, d'apprécier l'urgence à la date à laquelle il se prononce, compte tenu de l'incidence immédiate d'une telle décision sur la situation concrète de l'intéressé.
17. M. A... fait valoir, sans être contredit, que l'exécution de l'arrêté du 23 mars 2022 porte atteinte, de façon grave et immédiate, à sa situation dès lors que la réalisation du projet est motivée par sa perte d'autonomie, nécessitant l'aménagement d'un accès à sa propriété mieux adapté à sa mobilité désormais réduite, et qu'il a engagé sur ses fonds propres des frais à hauteur de 200 000 euros et contracté un prêt bancaire à hauteur de 300 000 euros pour la réalisation des travaux autorisés par le permis de construire délivré le 16 mars 2018, laissés inachevés en raison de l'annulation de ce permis de construire. Dans ces conditions, et alors que, comme il a été dit, l'arrêté du 23 mars 2022 a pour effet de retirer le permis de construire tacitement obtenu par M. A... en vue de régulariser les vices entachant le permis de construire qui lui avait été délivré le 16 mars 2018, sur le fondement duquel il avait engagé la réalisation de la construction projetée, que le permis modificatif retiré doit être regardé comme portant sur le projet dans son ensemble, y compris les modifications apportées au projet initial, et que, contrairement à ce qui est soutenu en défense, ces différentes circonstances ne peuvent être regardées comme traduisant de la part de M. A... un comportement négligent ou imprudent, la condition d'urgence doit en l'espèce être regardée comme remplie.
18. En l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué procède illégalement au retrait d'un permis tacitement acquis est, pour les motifs précisés aux points 4 et 5, propre à créer un doute sérieux quant à sa légalité.
19. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que l'exécution de l'arrêté du 23 mars 2022 du maire de Théoule-sur-Mer doit être suspendue. Cette suspension ayant pour effet de rétablir provisoirement le permis de construire modificatif tacitement obtenu par M. A..., il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant aux fins qu'un tel permis de construire lui soit délivré ou que sa demande soit réexaminée.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Théoule-sur-Mer une somme de 4 000 euros à verser à M. A..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais qu'il a exposés tant en première instance qu'en cassation. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise une somme à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 21 juillet 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.
Article 2 : L'intervention de l'association syndicale autorisée des propriétaires du Domaine de Théoule Azur présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice est admise.
Article 3 : L'exécution de l'arrêté du 23 mars 2022 du maire de Théoule-sur-Mer est suspendue.
Article 4 : La commune de Théoule-sur-Mer versera à M. A... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties et de l'association syndicale autorisée des propriétaires du Domaine de Théoule Azur, présentées tant en première instance qu'en cassation, est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la commune de Théoule-sur-Mer et à l'association syndicale autorisée des propriétaires du Domaine de Théoule Azur.
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Délibéré à l'issue de la séance du 23 février 2023 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 9 mars 2023.