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03/03/2023 | FRANCE | N°466932

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 03 mars 2023, 466932


Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 5 juillet 2022 par laquelle le président de l'Institut national de recherches archéologiques préventives lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée d'un an à compter du 7 juillet 2022.

Par une ordonnance n° 2201065 du 9 août 2022, le

juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a suspendu l'exécu...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 5 juillet 2022 par laquelle le président de l'Institut national de recherches archéologiques préventives lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée d'un an à compter du 7 juillet 2022.

Par une ordonnance n° 2201065 du 9 août 2022, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a suspendu l'exécution de la sanction disciplinaire attaquée et a enjoint à l'Institut national de recherches archéologiques préventives de procéder à la réintégration provisoire de Mme B... jusqu'au jugement de la requête au fond.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 24 août, 8 septembre et 13 décembre 2022 et le 19 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Institut national de recherches archéologiques préventives demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du patrimoine ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'INRAP et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de Mme B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 janvier 2023, présentée par Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. L'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 9 août 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a ordonné, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 5 juillet 2022 par laquelle son président a prononcé à l'encontre de Mme B... la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de ses fonctions avec retenue de traitement pour une durée d'un an à compter du 7 juillet 2022.

Sur le pourvoi :

3. Pour juger qu'il existait un doute sérieux sur la légalité de la sanction prononcée à l'encontre de Mme B..., le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a retenu, d'une part, la fixation de sa date d'entrée en vigueur un jour avant sa notification à l'intéressée et, d'autre part, son caractère disproportionné faute pour l'INRAP d'apporter des éléments suffisants " quant à la consistance et au degré de gravité des fautes retenues ".

4. En premier lieu, la circonstance que la sanction contestée comportait une date d'entrée en vigueur fixée au 7 juillet 2022 alors qu'elle n'a été notifiée à Mme B... que le lendemain n'entachait la décision d'illégalité que dans cette mesure. Par suite, l'INRAP est fondé à soutenir que le juge des référés, eu égard à son office, a commis une erreur de droit en jugeant, à la date à laquelle il s'est prononcé, que la rétroactivité partielle entachant la décision contestée était de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité justifiant de suspendre l'exécution de la décision contestée.

5. En second lieu, en l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen, sous réserve du respect de l'obligation de loyauté à laquelle tout employeur public est tenu vis-à-vis de ses agents.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que, bien que l'INRAP n'ait pas produit le courrier du 1er février 2022 et le dossier de présentation qui l'accompagnait, adressés par Mme B... et un de ses collèges aux présidents des collectivités territoriales antillaises, sur lesquels il a fondé sa sanction, il en a détaillé de façon très circonstanciée devant le juge des référés les éléments montrant que les intéressés avaient dénigré les délais, les prix et les méthodes de l'institut et proposé aux collectivités antillaises les services d'une nouvelle structure, créée à leur initiative, dénommée " Archéologie Antilles ", pour répondre à leurs besoins en matière de diagnostic d'archéologie préventive et de réalisation de fouilles. L'INRAP indiquait, sans être contesté sur ce point, avoir pu consulter ces documents lors d'une réunion qui s'est tenue le 22 février 2022 avec le président de la collectivité territoriale de Martinique, en présence de dix agents et élus nommément cités par le compte-rendu qu'il en a produit, mais que ce dernier s'était opposé à ce qu'il en prenne copie. Face à ces allégations sérieuses, Mme B..., qui admettait avoir envoyé ces documents, à tout le moins à la collectivité martiniquaise, se bornait à soutenir que l'INRAP en avait déformé le contenu, mais sans les produire elle-même alors qu'elle en détenait nécessairement une copie puisqu'elle en était l'une des auteurs. D'autre part, au soutien de son moyen tiré de la disproportion de la sanction prononcée à son encontre, Mme B... se bornait à invoquer son absence de passé disciplinaire et à contester la matérialité des faits reprochés. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'INRAP est fondé à soutenir que le juge des référés, à qui il appartenait de demander à Mme B... de produire le courrier litigieux s'il avait un doute sur son contenu, a dénaturé les pièces du dossier en retenant que les fautes retenues n'étaient pas établies et que le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction prononcée, alors qu'elle n'était pas hors de proportion avec les fautes commises, était de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'INRAP est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la demande en référé :

8. D'une part, aucun des moyens tirés du caractère tardif de la notification de la convocation à l'entretien de Mme B..., de l'absence d'objectivité du rapport transmis à la commission de discipline, de l'insuffisance de l'information donnée à cette dernière tant sur les éléments du dossier que sur les motifs ayant conduit l'autorité disciplinaire à ne pas suivre son avis, ainsi que de l'insuffisance de motivation de la décision contestée n'est de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de la sanction infligée à la requérante.

9. D'autre part, les moyens tirés de ce que la sanction prononcée serait fondée sur des faits matériellement inexacts ou qu'elle serait disproportionnée ne sont pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.

10. Enfin, si le moyen tiré du caractère rétroactif de la sanction contestée est susceptible de conduire à son annulation en tant qu'elle prévoit une date d'entrée en vigueur antérieure à celle de sa notification, la décision a été entièrement exécutée dans cette mesure et ne saurait donc être suspendue par le juge des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

11. Il résulte de tout de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la demande en référé présentée par Mme B... devant le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane doit être rejetée.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'INRAP, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros à verser à l'INRAP au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane du 9 août 2022 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Mme B... versera à l'Institut national de recherches archéologiques préventives une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Institut national de recherches archéologiques préventives et à Mme A... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 25 janvier 2023 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 3 mars 2023.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Isabelle Lemesle

La secrétaire :

Signé : Mme Naouel Adouane


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 466932
Date de la décision : 03/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 mar. 2023, n° 466932
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:466932.20230303
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