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03/03/2023 | FRANCE | N°462149

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 03 mars 2023, 462149


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 8 mars et 28 novembre 2022 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-176 du 14 février 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, en tant qu'il réduit à quatre mois la durée de validité du certificat de rétablissement pour l'application des articles 47-1 et 49

-1 du décret du 1er juin 2021 et à six mois pour l'application du titre 2 bis ;

...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 8 mars et 28 novembre 2022 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-176 du 14 février 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, en tant qu'il réduit à quatre mois la durée de validité du certificat de rétablissement pour l'application des articles 47-1 et 49-1 du décret du 1er juin 2021 et à six mois pour l'application du titre 2 bis ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a précisé les mesures de lutte contre l'épidémie de covid-19 à la suite de l'expiration, le 1er juin 2021, de l'état d'urgence sanitaire qui avait été déclenché en octobre 2020. Face à une situation sanitaire marquée par une circulation active du virus sur l'ensemble du territoire, cette loi a été modifiée par la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique. Dans sa rédaction ainsi modifiée et applicable à la date des dispositions attaquées, le II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 permettait au Premier ministre d'instituer un dispositif dit de " passe vaccinal " " dans l'intérêt de la santé publique, aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19 et si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, appréciées en tenant compte des indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d'incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation ". En application du 1° du A du II, le Premier ministre pouvait, par décret pris sur le rapport du ministre de la santé, imposer, aux personnes souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution, de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19. En application du 2° du A du II, le Premier ministre pouvait, par décret pris sur le rapport du ministre de la santé, subordonner à la présentation, par les personnes âgées d'au moins 16 ans, d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, dit " passe vaccinal ", l'accès à certains lieux, établissements, services ou évènements. Enfin, le 3° du A du II précisait les hypothèses dans lesquelles aucun certificat n'était requis ou celles dans lesquelles il demeurait possible de présenter, outre le " passe vaccinal ", un certificat de rétablissement ou le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19.

2. En application de ces dispositions, l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021 modifié prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire, précisait notamment les conditions de validité des certificats de rétablissement. Dans sa rédaction issue des dispositions attaquées, prises après qu'a été recueilli l'avis favorable du comité de scientifiques prévu par l'article L. 3131-19 du code de la santé publique, cet article a réduit la durée de validité des certificats de rétablissement à quatre mois, contre six avant l'intervention de ces dispositions, lorsqu'un tel certificat était présenté pour accéder à certains lieux, établissements, services ou évènements énumérés à l'article 47-1 du même décret ou dans le cadre de l'article 49-1 de ce décret, relatif à la vaccination obligatoire. La durée de validité d'un tel certificat demeurait en revanche fixée à six mois pour la mise en œuvre des règles, prévues par le titre 2 bis du même décret, relatives aux déplacements à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution. Le requérant demande l'annulation des dispositions attaquées en ce qu'elles ont réduit la durée de validité des certificats de rétablissement à quatre mois pour l'application des articles 47-1 et 49-1 du décret du 1er juin 2021, alors qu'elles ont maintenu une durée de validité de six mois pour l'application des règles fixées par le titre 2 bis du même décret.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le décret attaqué a été adopté après plusieurs semaines marquées, en moyenne, par la dégradation continue des indicateurs sanitaires, alors que l'apparition récente et la propagation rapide du variant omicron du virus responsable de la covid-19, dont la contagiosité était plus importante que celle des variants antérieurs, contribuait à une vague épidémique sans précédent depuis le début de la crise sanitaire. Ainsi, à la date d'édiction des dispositions attaquées, la circulation du virus et de nombreux indicateurs sanitaires demeuraient à un niveau élevé et préoccupant, le taux d'occupation des lits par des patients contaminés par la covid-19 en réanimation, en soins intensifs ou en unité de surveillance étant par de 65,16 % au 14 février 2022.

4. A la date du décret attaqué, les connaissances relatives à la protection immunitaire acquise par une contamination par la covid-19 indiquaient que cette protection diminuait avec le temps, qu'elle était plus faible face au variant omicron et qu'une contamination ne conférait pas une protection immunitaire suffisante aux personnes non-vaccinées du fait de la diminution rapide des anticorps dans les mois suivants. Les études alors disponibles indiquaient en effet que les patients précédemment infectés par d'autres variants du virus responsable de la covid-19 ne neutralisaient que rarement le variant omicron et ne le neutralisaient quasiment plus six mois après leur infection. A l'inverse, il ne ressort pas des pièces du dossier que les données invoquées par le requérant, relatives à la protection immunitaire conférée par une contamination antérieure, tiennent compte des évolutions de l'épidémie provoquées par l'apparition et la propagation du variant omicron dans les dernières semaines de l'année 2021. Le requérant ne saurait donc soutenir que la mesure litigieuse, adoptée par le Premier ministre afin de tenir compte de ces données scientifiques et prévenir de nouvelles infections, n'était ni nécessaire, ni adéquate, alors même qu'il soutient que certains Etats auraient mis en œuvre des mesures différentes.

5. Par ailleurs, il ressort de l'avis du 3 mai 2021 du comité de scientifiques prévu par l'article L. 3131-19 du code de la santé publique, confirmé par un avis du 17 juin 2021 de la Haute Autorité de santé, qu'à la différence de l'examen de dépistage RT-PCR ou d'un test antigénique dont la présentation permet la délivrance d'un certificat de rétablissement, le résultat positif d'un test sérologique indiquant l'existence d'anticorps contre le virus SARS-CoV2 chez une personne rétablie d'une infection à la covid-19 ne permet d'attester ni de la date de son infection, ni, en l'état des données acquises de la science, de son niveau d'immunité contre cette maladie. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le décret attaqué aurait dû prévoir la possibilité de produire un test sérologique afin de prolonger la durée de validité d'un certificat de rétablissement.

6. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que les dispositions attaquées, dont la mise en œuvre permettait d'ailleurs la levée des autres mesures barrières et le maintien de l'accès à certains lieux, établissements ou évènements aux personnes à risque, créaient des restrictions disproportionnées aux risques sanitaires encourus.

7. En second lieu, d'une part, la circonstance que la durée de validité du certificat de rétablissement a été maintenue à six mois pour les déplacements à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse et des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution, pour des raisons d'harmonisation internationale, ne saurait suffire à démontrer qu'une durée de quatre mois n'aurait pas été justifiée pour l'accès à certains lieux, établissements ou services. D'autre part, eu égard aux caractéristiques des lieux, établissements, services ou évènements visés à l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021, les personnes qui souhaitaient y accéder étaient exposées à un risque accru de transmission du virus responsable de la covid-19, notamment en raison de la levée des autres mesures barrières, plus important que celui représenté par le simple fait d'accéder au territoire national ou de se déplacer entre certaines parties de celui-ci. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit donc être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation des dispositions qu'il attaque. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 janvier 2023 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 3 mars 2023.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Isabelle Lemesle

La secrétaire :

Signé : Mme Naouel Adouane


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 462149
Date de la décision : 03/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 mar. 2023, n° 462149
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:462149.20230303
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