Vu la procédure suivante :
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 16 février 2022 rejetant le compte de campagne de M. D... A... et Mme B... C..., candidats dans le canton de Gaillac (Tarn) pour les élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021. Par un jugement n° 2201209 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Toulouse a confirmé le bien-fondé du rejet du compte de campagne et a déclaré M. A... et Mme C... inéligibles pour une durée de six mois.
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... et Mme C... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier :
Vu :
- le code électoral ;
- la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 16 février 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. D... A... et Mme B... C..., candidats ayant recueilli 12,94 % des suffrages exprimés à l'issue du premier tour des élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans le canton de Gaillac, aux motifs que ce compte de campagne n'avait pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables. Saisi par cette commission sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 31 mai 2022, confirmé le bien-fondé du rejet du compte de campagne des intéressés et les a déclarés inéligibles pour une durée de six mois. M. A... et Mme C... relèvent appel de ce jugement.
Sur le rejet du compte de campagne :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " I.- Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 et selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. / II.-(...) chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes, notamment d'une copie des contrats de prêts conclus en application de l'article L. 52-7-1 du présent code, ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. / III.- Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables. Ce dernier met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises./ Cette présentation n'est pas obligatoire : / 1° Lorsque le candidat ou le candidat tête de liste n'est pas tenu d'établir un compte de campagne, en application du I du présent article ; / 2° Ou lorsque le candidat ou le candidat tête de liste a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. (...) ". En vertu de l'article 11 de la loi du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique, la date limite de dépôt auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques était fixée, pour les élections départementales des 20 et 27 juin 2021, au vendredi 17 septembre 2021 à 18 heures. Aux termes l'article L. 52-15 du code électoral : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. / (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. "
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / 2° Le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales ; / 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. / L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. / En cas de scrutin binominal, l'inéligibilité s'applique aux deux candidats du binôme. (...) "
4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 52-15 du code électoral que la procédure par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve, rejette ou réforme les comptes de campagne des candidats aux élections revêt un caractère contradictoire. Il incombe, à ce titre, à la Commission d'informer les candidats des motifs pour lesquels elle envisage de rejeter leur compte, sans qu'elle soit tenue de les inviter à régulariser les manquements constatés. Lorsque la Commission envisage de rejeter un compte au motif que celui-ci n'a pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables, en violation des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral, le candidat a la faculté de régulariser ce manquement tant que la Commission n'a pas statué. Sont régularisables, dans les mêmes conditions, l'inscription erronée au compte de campagne des frais d'impression ou de reproduction et d'affichage remboursés par l'Etat en application de l'article R. 39 du code électoral, ainsi que des mentions ou défauts de mention de dépenses présentant un caractère modique lorsqu'il en est justifié devant la Commission.
5. Il résulte de l'instruction que la Commission a rejeté le compte de campagne de M. A... et Mme C..., présenté par un expert-comptable le 2 février 2022, soit avant qu'elle ne statue, au motif que les montants inscrits sur ce compte ne correspondaient pas à ceux inscrits sur celui déposé sans visa d'un membre de l'ordre des experts-comptables le 16 septembre 2021. Toutefois, il résulte également de l'instruction que ces différences s'expliquaient par la prise en compte des observations faites par la Commission au cours de la procédure contradictoire devant elle, conduisant à des réagencements comptables s'agissant de la ventilation des recettes dans le second compte et à la suppression de la double comptabilisation d'un don modique de 570 euros, à l'inscription dans les dépenses de ce second compte d'une somme de 4 euros au titre des frais financiers, ainsi que par l'inscription des honoraires d'expert-comptable, pour 200 euros. Dès lors, les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'ils attaquent, le tribunal administratif a jugé que leur compte de campagne avait été rejeté à bon droit. Par suite, c'est également à tort que le tribunal administratif les a déclarés inéligibles pour une durée de six mois.
Sur le montant du remboursement des dépenses électorales :
6. Aux termes du second alinéa de l'article L. 118-2 du code électoral : " Sans préjudice de l'article L. 52-15, lorsqu'il constate que la commission instituée par l'article L. 52-14 n'a pas statué à bon droit, le juge de l'élection fixe le montant du remboursement dû au candidat en application de l'article L. 52-11-1 ". Aux termes de l'article L. 52-11-1 du même code : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'État égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne (...) ".
7. M. A... et Mme C..., dont le compte n'a pas été rejeté à bon droit, ont obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés au premier tour du scrutin. Leurs dépenses électorales n'ont pas excédé le plafond légal des dépenses applicable au canton de Gaillac. Ils ont déposé leur compte de campagne dans le délai légal. Ils ont donc droit, en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral cité au point précédent, à un remboursement forfaitaire égal à 47,5 % du plafond légal des dépenses, lequel s'établit, pour le canton de Gaillac, à 16 343 euros, le remboursement ne pouvant toutefois excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne. Les dépenses de M. A... et Mme C... réglées sur leur apport personnel se sont élevées à 1 493 euros. Ainsi, c'est à cette somme que doit être fixé le montant du remboursement forfaitaire auquel ont droit M. A... et Mme C....
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 31 mai 2022 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est rejetée.
Article 3 : Le montant du remboursement dû par l'Etat à M. A... et Mme C... en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral est fixé à 1 493 euros.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D... A... et Mme B... C..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 février 2023 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat, M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 2 mars 2023.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
Le rapporteur :
Signé : M. Sébastien Jeannard
Le secrétaire :
Signé : M. Mickaël Lemasson