La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/2023 | FRANCE | N°460508

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 17 février 2023, 460508


Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) Demeure Sainte-Croix, M. B... A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 18 décembre 2017 par laquelle le conseil municipal de Roussillon a approuvé le plan local d'urbanisme communal, ainsi que de la décision du 16 avril 2018 de rejet de leur recours gracieux. Par un jugement n° 1801903 du 28 octobre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 20MA04845 du 16 novembre 2021, la cour adminis

trative d'appel de Marseille a, sur appel de la SCI Demeure Sainte-Croix et ...

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) Demeure Sainte-Croix, M. B... A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 18 décembre 2017 par laquelle le conseil municipal de Roussillon a approuvé le plan local d'urbanisme communal, ainsi que de la décision du 16 avril 2018 de rejet de leur recours gracieux. Par un jugement n° 1801903 du 28 octobre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 20MA04845 du 16 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la SCI Demeure Sainte-Croix et autres, partiellement annulé ce jugement et annulé la délibération du 18 décembre 2017 en tant que le plan local d'urbanisme classe en zone 1 AU un secteur situé au sud et à l'est du hameau des Huguets précédemment classé en zone 3 NAc à la suite de la modification du plan d'occupation des sols décidée par la délibération du 9 février 2006.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, et un mémoire en réplique enregistrés les 17 janvier, 15 avril 2022 et 16 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Roussillon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Demeure Sainte-Croix et autres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la commune de Roussillon, et à la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la SCI Demeure Sainte-Croix et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération en date du 18 décembre 2017, la commune de Roussillon a adopté son plan local d'urbanisme. La SCI Demeure Sainte-Croix, M. A... et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux. Par un jugement du 28 octobre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande. Par un arrêt du 16 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a partiellement annulé ce jugement et annulé la délibération du 18 décembre 2107 en tant que le plan local d'urbanisme classait en zone 1 AU un secteur situé au sud et à l'est du hameau des Huguets et antérieurement classé en zone à urbaniser 3 NAc.

Sur les dispositions applicables au litige :

2. D'une part, les dispositions relatives à la constructibilité limitée applicable dans certaines communes, qui figuraient initialement à l'article L. 122-2, complété, à compter de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, par l'article L. 122-2-1 du code de l'urbanisme, figurent aujourd'hui aux articles L. 142-4 et L. 142-5 du code de l'urbanisme. L'article L. 142-4 du code de l'urbanisme dispose ainsi que : " Dans les communes où un schéma de cohérence territoriale n'est pas applicable :/ 1° Les zones à urbaniser délimitées après le 1er juillet 2002 ainsi que les zones naturelles, agricoles ou forestières d'un plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu ne peuvent être ouvertes à l'urbanisation à l'occasion de l'élaboration ou d'une procédure d'évolution d'un document d'urbanisme (...) ". L'article L. 142-5 du code de l'urbanisme prévoit pour sa part les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à la constructibilité limitée : " Il peut être dérogé à l'article L. 142-4 avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime et, le cas échéant, de l'établissement public prévu à l'article L. 143-16. La dérogation ne peut être accordée que si l'urbanisation envisagée ne nuit pas à la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers ou à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques, ne conduit pas à une consommation excessive de l'espace, ne génère pas d'impact excessif sur les flux de déplacements et ne nuit pas à une répartition équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services ".

3. D'autre part, avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové étaient applicables les dispositions de l'article L. 122-2, qui fixaient des règles en matière de constructibilité limitée et disposaient notamment que : " Dans les conditions précisées au présent article, dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, le plan local d'urbanisme ne peut être modifié ou révisé en vue d'ouvrir à l'urbanisation une zone à urbaniser délimitée après le 1er juillet 2002 ou une zone naturelle (...) ". Il résulte ainsi de ces dispositions que, jusqu'à l'adoption de la loi du 24 mars 2014, la règle de constructibilité limitée ne s'appliquait qu'aux procédures de modification et de révision du plan local d'urbanisme, et non aux procédures d'élaboration du plan local d'urbanisme.

4. Enfin, d'une part, les conditions d'entrée en vigueur issues de la loi du 24 mars 2014 en matière de constructibilité limitée ont été définies par son article 129, qui dispose : " (...) Pour l'application des articles L. 122-2 et L. 122-2-1 du même code, les dispositions antérieures à la publication de la présente loi demeurent applicables aux procédures d'élaboration et de révision des plans locaux d'urbanisme et des cartes communales en cours à cette date (...) ". D'autre part, s'agissant de la transformation des plans d'occupation des sols en plans locaux d'urbanisme, l'article L. 123-19 de l'urbanisme du code alors applicable prévoyait que : " (...) Dans les autres cas, les plans d'occupation des sols peuvent seulement faire l'objet d'une révision dans les conditions prévues par le sixième alinéa de l'article L. 123-13. Ils sont alors mis en forme de plan local d'urbanisme, conformément aux articles L. 123-1 et suivants " et, aux termes de l'article L. 174-3 du code de l'urbanisme, qui a remplacé depuis le 1er janvier 2016, le onzième alinéa de l'article L. 123-19 : " Lorsqu'une procédure de révision du plan d'occupation des sols a été engagée avant le 31 décembre 2015, cette procédure peut être menée à terme en application des articles L. 123-1 et suivants, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, sous réserve d'être achevée au plus tard le 26 mars 2017 (...). Les dispositions du plan d'occupation des sols restent en vigueur jusqu'à l'approbation du plan local d'urbanisme et au plus tard jusqu'à cette dernière date ".

5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si la révision d'un plan d'occupation des sols à l'occasion de laquelle le document d'urbanisme existant est mis en forme d'un plan local d'urbanisme doit être regardée comme une évolution d'un document d'urbanisme, il en va nécessairement autrement lorsque, par l'effet de l'article L. 174-3 du code de l'urbanisme, le plan d'occupation des sols cesse d'être applicable sur le territoire concerné, le processus ne pouvant alors être que celui d'une élaboration d'un plan local d'urbanisme.

Sur l'arrêt attaqué :

6. La cour a estimé que la délibération contestée approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Roussillon méconnaissait, s'agissant de la partie de la zone 1 AU située au sud et à l'est du hameau des Huguets précédemment classé en zone 3 NAc, les règles de constructibilité limitée résultant de l'article L. 142-5 du code de l'urbanisme car le plan local d'urbanisme avait procédé sur ces parcelles à une ouverture à l'urbanisation, sans que la dérogation prévue en ce cas par l'article L. 142-4 ait été obtenue par la commune. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si, par une délibération du 30 novembre 2009, la commune de Roussillon avait prescrit la révision de son plan d'occupation des sols, le plan local d'urbanisme n'a en définitive été adopté que le 18 décembre 2017, soit postérieurement à la date du 26 mars 2017 à laquelle le plan d'occupation des sols a cessé de pouvoir recevoir application. La commune se trouvait donc dans l'hypothèse visée à l'article 129 de la loi du 24 mars 2014 et régie par les dispositions de l'article L. 122-2 dans sa version applicable antérieurement à l'intervention de cette loi et non, comme l'a jugé la cour administrative d'appel de Marseille, par les dispositions des articles L. 142-4 et L. 142-5 du code de l'urbanisme. Par suite, et dès lors que l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige ne visait que la procédure de modification ou de révision du plan local d'urbanisme, et non la procédure d'élaboration d'un tel document, la commune de Roussillon n'était pas soumise aux dispositions prévoyant, pour les communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale, l'interdiction de l'ouverture à l'urbanisation d'une zone à urbaniser délimitée après le 1er juillet 2002 ou d'une zone naturelle. Dès lors, en jugeant que la commune de Roussillon ne pouvait classer en zone 1 AU le secteur situé au sud et à l'est du hameau des Huguets, antérieurement classé en zone 3 NAc, sans avoir obtenu la dérogation préfectorale prévue à l'article L. 142-5 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

7. Il en résulte que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 16 novembre 2021 doit être annulé.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Demeure Sainte-Croix et autres la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Roussillon, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de ce même article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Roussillon qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 16 novembre 2021 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : La SCI Demeure Sainte-Croix et autres verseront à la commune de Roussillon une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SCI Demeure Sainte-Croix et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Roussillon et à la SCI Demeure Sainte-Croix, première dénommée pour l'ensemble des défendeurs.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 janvier 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 17 février 2023.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Rozen Noguellou

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 460508
Date de la décision : 17/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 fév. 2023, n° 460508
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rozen Noguellou
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS ; SCP THOMAS-RAQUIN, LE GUERER, BOUNIOL-BROCHIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:460508.20230217
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award