Vu la procédure suivante :
Mme S... et M. O... A..., M. AH..., Mme Z... et
M. F... D..., Mme Y... et M. E... G..., Mme AJ... et M. H... U..., Mme AE... et M. X... K..., Mme AA... N..., Mme AD... M..., M. Q... V..., Mme J... AF..., M. T... C..., Mme AB... I..., M. B... AC..., M. R... P..., Mme AG... L..., Mme W... AI... épouse P... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le maire d'Allinges (Haute-Savoie) a accordé à la SARL Le Hameau des Allinges et à la SAS Ideal Groupe le permis de construire 127 logements individuels et collectifs.
Par un jugement n° 2001532 du 15 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les
14 mai et 13 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme AJ... et M. H... U..., Mme Y... et M. E... G..., M. R... P... et Mme W... AI... épouse P..., M. B... AC... et Mme AB... I... épouse AC..., Mme AE... et M. X... K..., Mme AA... N... et Mme AG... L... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le permis de construire accordé à la SARL Le Hameau des Allinges et à la SAS Ideal Groupe ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Allinges et de sociétés Le Hameau des Allinges et Ideal Groupe la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de M. et Mme U... et autres et à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la société Ideal Groupe ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces soumis aux juges du fond que, par un arrêté du
12 septembre 2019, le maire d'Allinges (Haute-Savoie) a accordé à la SARL Le Hameau des Allinges et à la SAS Ideal Groupe le permis de construire 127 logements individuels et collectifs, dont 65 logements sociaux, répartis dans 4 bâtiments collectifs et 23 maisons individuelles. Les parcelles composant le terrain d'assiette du projet se situent en zone AUb du plan local d'urbanisme et se trouvent dans le périmètre de l'orientation d'aménagement et de programmation n° 5, " Chef-lieu : La Fortune Est ", du même document. Par un jugement du
15 mars 2021, contre lequel M. U... et autres se pourvoient en cassation, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de ceux-ci tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.
Sur le pourvoi :
En ce qui concerne la régularité de la procédure devant le tribunal administratif :
2. En premier lieu, d'une part, le premier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative dispose que, dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. (...) ". Le premier alinéa de l'article R. 613-2 de ce code prévoit que : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 611-7 du même code : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".
4. Lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge informe les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que sa décision est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, cette information n'a pas par elle-même pour effet de rouvrir l'instruction. La communication par le juge, à l'ensemble des parties, des observations reçues sur ce moyen relevé d'office n'a pas non plus par elle-même pour effet de rouvrir l'instruction, y compris dans le cas où, par l'argumentation qu'elle développe, une partie doit être regardée comme ayant expressément repris le moyen énoncé par le juge et soulevé ainsi un nouveau moyen. La réception d'observations sur un moyen relevé d'office n'impose en effet au juge de rouvrir l'instruction, conformément à la règle applicable à tout mémoire reçu postérieurement à la clôture de l'instruction, que si ces observations contiennent l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire et dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction.
5. De même, lorsque le juge administratif, alors qu'il envisage de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, invite, ainsi que le prévoit cet article, les parties à produire des observations, ni cette invitation ni la communication par le juge des observations reçues en réponse à cette invitation n'ont, par elles-mêmes, pour effet de rouvrir l'instruction si elle était close.
6. Il ressort en l'espèce des pièces de la procédure que l'instruction a été close par ordonnance du 29 octobre 2020, portant effet à la date de son émission, et que les parties ont été avisées de ce que l'affaire serait appelée le lundi 22 février 2021 à 11h. Par un courrier du 15 février 2021, elles ont été informées que le tribunal était susceptible de surseoir à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour permettre la régularisation des vices tirés de la méconnaissance, d'une part, des dispositions de l'article 3.2 AUb du règlement du plan local d'urbanisme et, d'autre part, des dispositions de l'article 3.3 AUb du même règlement et de l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) n° 5 en ce qu'elle porte sur le cheminement piétonnier. Le même courrier les invitait à présenter leurs éventuelles observations dans un délai de quatre jours à compter de sa notification. Par un mémoire enregistré le mercredi 17 février 2021, M. U... et autres ont fait valoir leurs observations en réponse et par un mémoire enregistré le lendemain, la société pétitionnaire a fait de même. Ce dernier mémoire a été communiqué aux requérants par mise à disposition sur l'application Télérecours le vendredi 19 février à 9h09. Ils en ont pris connaissance le jour même à 14h49.
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que ni l'invitation faite aux parties de faire connaître leurs observations sur le sursis à statuer envisagé en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, ni la communication des observations présentées par les requérants et la société pétitionnaire en réponse à cette invitation n'ont eu pour effet de rouvrir l'instruction. M. U... et autres ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité faute que l'instruction ait été à nouveau close alors qu'il résulte de ce qui précède qu'elle n'a pas été rouverte.
8. En deuxième lieu, si le juge administratif doit, lorsqu'il invite les parties à produire des observations sur la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, leur laisser un délai suffisant à cette fin, le délai dans lequel il communique aux autres parties les observations qui lui sont présentées en réponse à cette invitation est, en revanche, eu égard à l'objet de cette invitation, sans incidence sur la régularité de la procédure. Contrairement à ce qui est soutenu, les observations produites par la société pétitionnaire en réponse à l'invitation du tribunal ne comportaient aucun élément nouveau susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que les observations présentées par la société pétitionnaire en réponse à l'invitation faite par le tribunal leur auraient été communiquées tardivement.
En ce qui concerne les autres moyens :
9. En premier lieu, après avoir rappelé la composition du projet litigieux et, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, les dimensions et caractéristiques physiques de la voie le desservant, le tribunal administratif de Grenoble a jugé que cette desserte permettait le croisement des véhicules et leur retournement. Il a ainsi, implicitement mais nécessairement, estimé que les véhicules d'incendie et de secours pouvaient accéder au projet. En statuant ainsi, le tribunal, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a pas commis d'erreur de droit.
10. En deuxième lieu, il résulte de l'orientation d'aménagement et de programmation n° 5 du plan local d'urbanisme que le chemin du Voua, qui dessert le projet, doit être réaménagé en prévoyant une chaussée de 4,50 mètres de largeur et 2 mètres pour le trottoir franchissable, lequel peut, au besoin, être supprimé. Après avoir constaté que ce chemin présentait d'ores et déjà une largeur de 4,70 mètres dans sa portion la plus étroite, le tribunal a pu, sans erreur de droit, juger que le moyen tiré du caractère irréalisable des prescriptions de l'orientation d'aménagement et de programmation n°5 était insusceptible d'entrainer l'annulation du permis de construire litigieux.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article AUb 3.3 du règlement du plan local d'urbanisme d'Allinges relatif aux cheminements piétonniers : " La création de cheminements piétonniers peut être exigée, notamment pour desservir les équipements publics, renforcer les liaisons interquartiers ou s'inscrire dans le maillage d'itinéraires de promenade de la commune ". Il résulte de l'orientation d'aménagement et de programmation n° 5 du même plan local d'urbanisme qu'une opération, dès lors qu'elle constitue un ensemble cohérent, peut porter sur une partie seulement du secteur concerné et qu'une voie piétonne doit desservir l'ensemble du tènement afin d'offrir une connexion directe vers le centre du village. Il ressort du document graphique du plan local d'urbanisme que la réalisation de ce cheminement fait l'objet d'un emplacement réservé à cet effet.
12. Après avoir constaté, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que le projet litigieux prévoit un cheminement piétonnier qui pourra être continué jusqu'au centre du village et que la parcelle nécessaire à la réalisation complète de ce cheminement n'est pas comprise dans le terrain d'assiette de l'opération, laquelle ne procède à l'aménagement que d'une partie du secteur concerné par l'orientation d'aménagement et de programmation n°5, c'est sans erreur de droit que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3.3 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'incompatibilité du projet avec les dispositions de l'orientation relatives à la desserte, faute pour le projet de réaliser la totalité du cheminement piétonnier prévu.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. U... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de
M. U... et autres une somme de 3000 euros à verser à la société Ideal Groupe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge des sociétés Idéal Groupe et Le hameau d'Allinges et de la commune d'Allinges qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. U... et autres est rejeté.
Article 2 : M. U... et autres verseront une somme de 3 000 euros à la société Ideal Groupe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. H... U..., premier requérant dénommé, à la commune d'Allinges, à la SARL Le Hameau des Allinges et à la SAS Ideal Groupe.