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14/02/2023 | FRANCE | N°468821

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 14 février 2023, 468821


Vu la procédure suivante :

La communauté d'agglomération de Châlons-en-Champagne a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'avis du conseil de discipline de recours pour la région Grand Est placé auprès du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin rendu à l'issue de sa séance du 28 avril 2022, qui lui a été notifié le 7 juillet 2022, par lequel le conseil de discipline de recours a estimé que la gravité

des faits reprochés à M. C... A..., adjoint technique principal de 2ème ...

Vu la procédure suivante :

La communauté d'agglomération de Châlons-en-Champagne a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'avis du conseil de discipline de recours pour la région Grand Est placé auprès du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin rendu à l'issue de sa séance du 28 avril 2022, qui lui a été notifié le 7 juillet 2022, par lequel le conseil de discipline de recours a estimé que la gravité des faits reprochés à M. C... A..., adjoint technique principal de 2ème classe affecté au sein des services de la communauté d'agglomération, doivent être sanctionnés par une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans. Par une ordonnance n° 2202496 du 27 octobre 2022, prise sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 et 22 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté d'agglomération de Châlons-en-Champagne demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Autret, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la communauté d'agglomération de Châlons-en-Champagne ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que par un arrêté du 26 juin 2019, pris après avis du conseil de discipline émis lors de sa réunion du 26 avril 2019, le président de la communauté d'agglomération de Châlons-en-Champagne a décidé de révoquer à compter du 1er juillet 2019 M. C... A..., adjoint technique principal de 2ème classe affecté au service mécanique de la communauté d'agglomération, à raison des faits survenus le 11 octobre 2018 sur le lieu d'exercice de ses fonctions. Par un courrier en date du 15 juillet 2019, M. A... a formé un recours à l'encontre de cette sanction devant le conseil de discipline de recours pour la région Grand Est placé auprès du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin. Par un avis du 28 avril 2022, notifié le 7 juillet 2022 à la communauté d'agglomération de Châlons-en-Champagne, le conseil de discipline de recours a estimé que les faits reprochés à M. A... devaient être sanctionnés par une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans. La communauté d'agglomération a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cette décision. Par une ordonnance du 27 octobre 2022, prise sur le fondement de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés de ce tribunal a rejeté la demande de la communauté d'agglomération en se fondant sur ce que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 de ce code n'était pas remplie. La communauté d'agglomération de Châlons-en-Champagne se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (...) ". Selon l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ".

3. D'autre part, en vertu de l'article 91 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa version applicable au litige : " Les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil de discipline départemental ou interdépartemental dans les cas et conditions fixés par un décret en Conseil d'Etat. / L'autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours ".

4. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que l'exécution de l'avis du conseil de discipline de recours en date du 28 avril 2022 aurait pour effet d'obliger la communauté d'agglomération de Châlons-en-Champagne à réintégrer M. A... dans ses effectifs puisque, d'une part, en vertu des dispositions citées au point 3, elle ne peut prononcer une sanction plus sévère que celle résultant de l'avis du conseil de discipline de recours et que, d'autre part, l'intéressé n'exerce plus ses fonctions depuis plus de deux ans, sa révocation prononcée par arrêté du président de la communauté d'agglomération en date du 26 juin 2019 ayant pris effet le 1er juillet 2019. Compte tenu, outre des restrictions médicales qui limitent ses possibilités d'affectation, de la gravité des faits d'agression physique et verbale reprochés à l'intéressé à l'encontre de M. B..., chef du service mécanique, et du comportement violent dont il a déjà fait preuve à l'égard de ses supérieurs ou de ses collègues de travail, ayant déjà donné lieu précédemment à sanction disciplinaire, la communauté d'agglomération est fondée à soutenir qu'en jugeant que la réintégration de M. A... dans ses effectifs n'était pas susceptible de porter atteinte au bon fonctionnement de ses services, pour en déduire que cette réintégration ne créait pas une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative de nature à justifier la suspension de la décision contestée, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumis.

6. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération de Châlons-en-Champagne est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. En premier lieu et comme il a été dit au point 5, il résulte de l'instruction que la réintégration de M. A... dans les effectifs de la communauté d'agglomération de Châlons-en-Champagne résultant de l'exécution de l'avis du conseil de discipline de recours en date du 28 avril 2022 serait de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service. Par suite, la condition d'urgence exigée par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

9. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. A..., le 11 octobre 2018, a agressé verbalement et physiquement son supérieur hiérarchique. Au regard de la gravité de ces faits, non sérieusement contestés, et qui ont au demeurant conduit, à la suite de la plainte déposée contre M. A... le 29 janvier 2019 par le chef du service mécanique, au renvoi de M. A... devant le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne pour violences volontaires ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours, et de la circonstance que M. A... a déjà fait preuve, au cours des années antérieures, d'un comportement violent à l'égard de ses supérieurs et collègues de travail, ayant déjà justifié une précédente sanction disciplinaire, le moyen tiré de ce que le conseil de discipline de recours a commis une erreur d'appréciation en ramenant la sanction disciplinaire de révocation prononcée contre l'intéressé par l'arrêté du 26 juin 2019 à une exclusion temporaire de fonctions de deux ans est de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

10. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, la communauté d'agglomération de Châlons-en-Champagne est fondée à demander la suspension de l'exécution de l'avis du conseil de discipline de recours du 28 avril 2022.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 27 octobre 2022 est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'avis du conseil de discipline de recours pour la région Grand Est placé auprès du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin du 28 avril 2022 est suspendue.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération de Châlons-en-Champagne et à M. C... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 26 janvier 2023 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Julien Autret, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 14 février 2023.

Le président :

Signé : M. Stéphane Verclytte

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Autret

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 468821
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 fév. 2023, n° 468821
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Autret
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468821.20230214
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